On pourrait s’interroger sur le titre du nouveau livre de Daniel Foucard – Casse –, s’interroger et décliner ses significations, dire par exemple qu’il s’agit l’à d’un ordre, d’une invitation à la destruction ; ou d’une entreprise de recyclage de véhicules ; plus probablement d’un « coup », d’une combine, d’une malversation ; et aussi : de l’indication d’une lecture à deux niveaux, typographiquement orchestrée en haut et bas de casse, un texte majuscule chargé de la basse besogne, et un texte minuscule ayant à cœur de traiter les hautes instances. Malin, le nouveau texte de Foucard, qui sépare et accole, double et divise – et s’offre l’invisible coquetterie de n’utiliser aucun trait d’union.
Mais reprenons. Casse raconte un casse ; Casse est aussi, en soi, un casse ; Casse réinvente, par une pirouette roussélienne, la distinction caste/classe. Et nous informe que l’histoire secrète de l’humanité se confond avec la lutte des… casses.
A l’instar de l’œuvre d’art contemporaine, un casse est avant tout un dispositif, qui narre son processus et n’offre son résultat que sous la forme bourgeoise d’une plus-value. La chose est entendue, mais Foucard va nous aider à l’entendre de diverses manières, à divers degrés d’ébullition ironique.
Un désœuvré se fait un jour aborder sur un trottoir par un artiste qui a besoin de lui pour réaliser une opération complexe : un casse qui soit une œuvre d’art, à moins qu’il s’agisse du contraire. Tout cela nous est rapporté via des courriers qu’envoie ce « guetteur » à un certain Li, un contact chinois qui vit à Wuhan. Dès lors, le texte se scinde en deux niveaux, une première couche faussement narrative où nous sont détaillés les préparatifs du casse, et un PS – un post scriptum, mais sans trait d’union… – dans lequel le locuteur développe, avec un mélange de rigueur et de nonchalance, quelques théories qu’on qualifiera d’économiques : différence entre tradiste et trader, la question de l’élite, le recul du féminisme, le réveil de la Chine…
Il est aussi question d’une jeune Vietnamienne, du nom de Schème, d’une certaine Simula, d’un dénommé Basic, d’un butin de 980 000 (l’unité n’est pas précisée : preuve qu’on est, plus qu’on le croit, dans le réel, mais si mais si…). Foucard a écrit une sorte de Casse, mode d’emploi, ni plus ni moins piégé que la société dans laquelle nous vivons. Orchestré et cadencé comme un remix melvillien d’un énième Ocean 14, faussement didactique, diaboliquement naïf, Casse prend le lecteur en otage en lui laissant croire que c’est l’inverse qui a lieu, et recèle quelques renversements bien vicieux – mais amplement mérités.
Farce marxiste, polar plié en deux : Casse rappelle l’urgence qu’il y a à inventer des guetteurs.
Daniel Foucard, Casse, éditions LaureLi, 16 €
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