"Mon père est sanglé sur un brancard et va être exécuté par injection létale lorsque soudain le téléphone sonne. Tout le monde – la directrice de la prison, les avocats, le rabbin, Papa – regarde le téléphone rouge mural. C'est celui qui sonne quand le gouverneur appelle pour gracier un condamné. Mais à la deuxième sonnerie ils comprennent que ce n'est pas l'antique tintamarre d'un téléphone mural, mais la stridulation électronique aiguë d'un portable. Je sors l'appareil de la poche de mon blouson et réponds: "Allô? [C'est mon agent.] Quoi de neuf?" Tout le monde me fusille d'un regard indigné, qui semble dire: "Eh-oh, on en est pleine exécution ici" et que je détourne avec le geste international qui signifie: "Une minute, SVP" – la paume dressée à la verticale (une gestuelle plus proche du salut mimé d'un Indien d'Hollywood que du "Stop" d'un agent de la circulation, lequel est plus péremptoire et accomplie plus loin du corps). J'acquiesce: "Hun-hun, un-hun, un-hun… C'est super! Entendu, je te rappelle plus tard." Je range le téléphone dans ma poche.
— Bonne nouvelle? demande mon père.
— Ouais, si on veut, dis-je. Il semblerait que je vais remporter la Vincent et Leonore DiGiacomo / Oshimitsu Polymers America Award.
— C'est quoi? demande le médecin, en réajustant la canule dans le bras de mon père et en rapprochant le goutte-à-goutte de la civière.
— C'est un prix très prestigieux et très généreux décerné chaque année au meilleur scénario écrit par un élève du collège de Maplewood Junior – 250 000 dollars par an pour le restant de votre vie…
— Bon Dieu de bordel! s'exclame mon père.
— Mazel tov, dit le rabbin.
— Holà… un instant les amis, dis-je. Il y a un problème de taille, vous savez — le scénario n'existe pas. Je n'en ai pas écrit un seul mot. Je n'ai même pas encore le titre.
La directrice de la prison – une femme absolument renversante en robe du soir décolleté – me dévisage d'un air soupçonneux.
— Comment pourriez-vous avoir le prix s'il n'y a pas de scénario?
— C'est l'avantage d'avoir un agent puissant, dis-je."
Mark Leyner, Les Spiroboles de Bougainvillée (à paraître en Lot 49)
— Ouais, si on veut, dis-je. Il semblerait que je vais remporter la Vincent et Leonore DiGiacomo / Oshimitsu Polymers America Award.
— C'est quoi? demande le médecin, en réajustant la canule dans le bras de mon père et en rapprochant le goutte-à-goutte de la civière.
— C'est un prix très prestigieux et très généreux décerné chaque année au meilleur scénario écrit par un élève du collège de Maplewood Junior – 250 000 dollars par an pour le restant de votre vie…
— Bon Dieu de bordel! s'exclame mon père.
— Mazel tov, dit le rabbin.
— Holà… un instant les amis, dis-je. Il y a un problème de taille, vous savez — le scénario n'existe pas. Je n'en ai pas écrit un seul mot. Je n'ai même pas encore le titre.
La directrice de la prison – une femme absolument renversante en robe du soir décolleté – me dévisage d'un air soupçonneux.
— Comment pourriez-vous avoir le prix s'il n'y a pas de scénario?
— C'est l'avantage d'avoir un agent puissant, dis-je."
Mark Leyner, Les Spiroboles de Bougainvillée (à paraître en Lot 49)
oooooooops, c'est le soir qui est décolleté? :-)
RépondreSupprimerEn tout cas, c'est une lecture matinale qui fait décoller, ça me la coupe!
RépondreSupprimerTotalement alléchant...
RépondreSupprimerOù est le bouton "like this" ?
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