samedi 20 septembre 2008

Pynchon recalé !


Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de piquer un fou rire, surtout en lisant le Figaro Magazine. Le rire est le propre de l'homme, certes, mais les causes qui le déclenchent sont parfois si inattendues… C'est à un certain Jean-Christophe Buisson que nous devons ce fou rire qui résonne encore dans notre glotte et notre cervelet tel le vrombissement d'un frelon ayant abusé de la pinacolada. En effet, JCB a réussi, en 16 lignes, à démontrer (hi hi) que le roman de Pynchon (1211 pages…) était raté. Why not? Mais lisez plutôt:

Oui, Thomas Pynchon, quoique surcoté par la critique moutonnière, est un écrivain important.
Si les journalistes commencent à se tirer dans les pattes, où va-t-on… Mais continuons pendant que le fou rire ne nous brouille pas encore trop la cornée…



Oui, son nouveau roman est impressionnant par sa taille, sa structure narrative et son foisonnement de personnages, de situations, de ruptures stylistiques, d'intuitions et de réflexions géopolitiques (le récit se déroule entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle : montée des périls nationaux en Europe, fin de l'isolationnisme diplomatique américain, course à la technologie... et aux armements, etc.).

OK. Jusque-là, on ne se tient pas encore les côtes – mais attendez:


Non, Contre-jour n'est pas autre chose qu'un livre impressionnant. Aucune émotion, aucun humour ne se dégagent de ce tourbillon de mots qui noient le lecteur jusqu'à l'étouffement. On passe d'une histoire à l'autre, d'un continent à l'autre, d'un héros à l'autre, d'une narration à l'autre, avec l'effrayant sentiment que cela pourrait durer 10 000 pages...

Ça y est, je sens un léger hoquet vous secouer. "Aucune émotion, aucun humour…": c'est écrit noir sur blanc. Mais j'ai gardé pour la fin – et pour cause – le meilleur de cet articulet, qui nous permet enfin de comprendre les raisons de cet impressionnant échec qu'est Contre-Jour

Surtout, quel gâchis pour un esprit aussi original que celui de l'écrivain fantôme américain : ne pas avoir mieux exploité la figure du savant fou serbe Nikola Tesla, génie scientifique du XXe siècle. Trop grand pour lui ?

Bon sang mais c'est bien sûr! Et du coup je me demande pourquoi Joyce a été infoutu de rendre justice à Ulysse, pourquoi Proust n'a pas été plus disert sur Dreyfus, comment Robert Coover a-t-il fait pour bâcler le personnage de Nixon, etc. Tesla plus grand que Pynchon? Il fallait y penser. Pynchon aurait dû nous ficeler un chouette petit roman autour d'une seule et belle figure historique, plutôt que de cavaler ainsi de par le monde immense.

Ah, Tesla, que de crimes on comment en ton nom. Grand, immense Tesla… Pauvre, petit Pynchon… Hilarant Buisson. Tout ça nous ramène à cette merveilleuse époque où l'on pouvait lire dans la presse d'aussi éclairants jugements que celui-ci:

« Le nom de M. Jean Bidegain appartient, désormais, à l'histoire » (Jean Bigedain, L'illustration, 7 janvier 1905).



6 commentaires:

  1. Ah ! ah ! ah ! Yep, ya pas à dire, aux Fig'Mag', c'est des rigolos !

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  2. Ils t'ont pas prévenu ? Tout ce numéro du Figaro Magazine était un fake.

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  3. Y'a pas a à dire ce Buisson est vraiment ardent dans la critique crétine. C'est un grand comique!!

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  4. Tout ce déploiement de ferveur chrétienne me réchauffe les tripes; et lorsqu'une tierce de grands paumés s'emploie à ressusciter Dieu avec une si évidente dévotion (parce que, hein, c'est qu'elle nous empynchonne l'existence, l'école d'extatiques pynchonniens) on est en droit de se dire, Moïse mon ptit père, t'as pas fini de voir tes idoles cramer autour du feu de ma joie.

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  5. Buisson, en Anglais, ça se dit Bush... et on s'étonne que ce type ne sache pas lire ?

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  6. A voir aussi : Le Figaro littéraire aujourd'hui jeudi sur Pynchon (un méchant articulet sur Contre-jour et un texte informatif et bien sur le collectif Face à Pynchon) et Libération, sur deux pages sérieuses de Lançon...

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