Tout le monde connaît la chanson: Il était un petit homme qui avait une drôle de maison, si vous voulez y monter vous vous casserez le bout du nez. Bon, passons.
Le Séquanodionysien Eric Raoult, député UMP de son état occupant la place 268 dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale et chargé, entre autres choses, d'un groupe d'étude sur les nuisances aéroportuaires, aime faire usage de la liberté d'expression, sans doute persuadé qu'il s'agit d'un de ces gros 4x4 qu'ont peur garer n'importe où dans un monde où les muselières ne sont plus faites pour les chiens. Gardons-nous de lui récuser ce droit dans le vague espoir que le ridicule puisse, en temps voulu, ne pas rater sa cible.
Monsieur Raoult fait de temps en temps parler de lui, en parlant d'autrui, tel un fier arroseur arrosé, quand il n'est pas occupé à réclamer le rétablissement de la peine de mort pour les terroristes ou à astiquer sa carte de membre du comité d'honneur du Mouvement Initiative et Liberté, une cellule de réflexion (?) n'ayant rien à voir avec l'ancien SAC puisqu'elle est composée de penseurs comme Charles Pasqua, Jean Tibéri, Robert Pandraud, etc.
Il y a quelques jours, ce fier Raincéen s'est fendu d'un courrier au ministre de la Culture pour le moins stupéfiant. Il demande à Frédéric Mitterand "ce qu'il compte entreprendre en la matière". La matière? La matière, en l'occurrence, ce sont les propos tenus par l'écrivaine Marie NDiaye, lauréate du prix Goncourt 2009 pour Trois femmes puissantes. Cette dernière a critiqué la France de Sarkozy dans un entretien donné au magazine Les Inrockuptibles.
Choqué, outré, gonflé à bloc, Monsieur Raoult a donc pris la plume – on ignore de quel fondement il se l'est sortie… – pour secouer la vigilance d'un ministre. Ses propos, outre leur grotesque, méritent réflexion, car ils comportent quelques perles qu'on n'oserait même pas jeter en pâture à des géniteurs de nourrains.
Ainsi, Eric Raoult écrit:
1/ Le prix Goncourt n'est pas une compétition sportive internationale (rappelons que l'expression "défendre les couleurs" a d'abord été lié aux courses de chevaux (couleurs des casaques qui désignent les propriétaires) avant de désigner les habitudes nationales (drapeau).
2/ Marie NDiaye ne s'est pas inscrite à cette épreuve sportive qui n'en est pas une, ce sont des jurés qui ont sélectionné son livre.
3/ Marie NDiaye ne défend rien, elle écrit.
Par ailleurs, le maire du Raincy évoque un certain "droit de réserve", qu'il semble estimer judicieusement antipodique à cet agaçant "droit d'expression". Selon Monsieur Raoult, promoteur du couvre-feu avant même l'état d'urgence, un écrivain a le droit de s'exprimer publiquement sur la politique de son pays, mais uniquement pour "respecter la cohésion nationale et le symbole qu'elle représente" – on aurait pu croire que c'était là le propre d'un député…
On ignore ce que Monsieur Raoult, qui est par ailleurs fan, sur Facebook, du "plan de relance du Nutella", pense de l'attribution du Nobel de littérature en 1964 à Jean-Paul Sartre.… En revanche, on ne peut que s'interroger sur la dernière partie de sa missive à Frédéric Mitterrand, quand il déclare sans broncher:
On devrait toujours se méfier de l'expression "ça commence comme ça". Mais parfois elle affleure à la conscience dès lors qu'on est confronté à de tels propos, propos qui sont surtout une démarche, puisque Eric Raoult, célèbre auteur de la désormais célèbre saillie "Le Raincy c'est pas Bamako", attend de pied ferme que le ministre de la Culture "lui indique[r] sa position sur ce dossier, et ce qu'il compte entreprendre en la matière".
Eh bien nous aussi nous attendons que Frédéric Mitterrand réponde à ce vaillant député. Qu'il entreprenne en la matière. Qu'il nous décline, sans ambiguïté, ces énigmatiques couleurs de la France littéraire" en manque de défenseurs.
A défaut de réponse, il nous faudra procéder à certaines déductions, tirer certaines conclusions, user de notre droit de réserve vis-à-vis du silence.
Monsieur Raoult fait de temps en temps parler de lui, en parlant d'autrui, tel un fier arroseur arrosé, quand il n'est pas occupé à réclamer le rétablissement de la peine de mort pour les terroristes ou à astiquer sa carte de membre du comité d'honneur du Mouvement Initiative et Liberté, une cellule de réflexion (?) n'ayant rien à voir avec l'ancien SAC puisqu'elle est composée de penseurs comme Charles Pasqua, Jean Tibéri, Robert Pandraud, etc.
Il y a quelques jours, ce fier Raincéen s'est fendu d'un courrier au ministre de la Culture pour le moins stupéfiant. Il demande à Frédéric Mitterand "ce qu'il compte entreprendre en la matière". La matière? La matière, en l'occurrence, ce sont les propos tenus par l'écrivaine Marie NDiaye, lauréate du prix Goncourt 2009 pour Trois femmes puissantes. Cette dernière a critiqué la France de Sarkozy dans un entretien donné au magazine Les Inrockuptibles.
Choqué, outré, gonflé à bloc, Monsieur Raoult a donc pris la plume – on ignore de quel fondement il se l'est sortie… – pour secouer la vigilance d'un ministre. Ses propos, outre leur grotesque, méritent réflexion, car ils comportent quelques perles qu'on n'oserait même pas jeter en pâture à des géniteurs de nourrains.
Ainsi, Eric Raoult écrit:
"Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d'un certain respect à l'égard de nos institutions (…)."Eh bien non, Monsieur Raoult, Marie NDiaye ne "défend pas les couleurs littéraires de la France", enfin je ne crois pas, et ce pour plusieurs raisons:
1/ Le prix Goncourt n'est pas une compétition sportive internationale (rappelons que l'expression "défendre les couleurs" a d'abord été lié aux courses de chevaux (couleurs des casaques qui désignent les propriétaires) avant de désigner les habitudes nationales (drapeau).
2/ Marie NDiaye ne s'est pas inscrite à cette épreuve sportive qui n'en est pas une, ce sont des jurés qui ont sélectionné son livre.
3/ Marie NDiaye ne défend rien, elle écrit.
Par ailleurs, le maire du Raincy évoque un certain "droit de réserve", qu'il semble estimer judicieusement antipodique à cet agaçant "droit d'expression". Selon Monsieur Raoult, promoteur du couvre-feu avant même l'état d'urgence, un écrivain a le droit de s'exprimer publiquement sur la politique de son pays, mais uniquement pour "respecter la cohésion nationale et le symbole qu'elle représente" – on aurait pu croire que c'était là le propre d'un député…
On ignore ce que Monsieur Raoult, qui est par ailleurs fan, sur Facebook, du "plan de relance du Nutella", pense de l'attribution du Nobel de littérature en 1964 à Jean-Paul Sartre.… En revanche, on ne peut que s'interroger sur la dernière partie de sa missive à Frédéric Mitterrand, quand il déclare sans broncher:
"C'est pourquoi, il me paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d'une plus grande exemplarité et responsabilité."Rappelez-vous, il était question de Marie NDiaye, par ailleurs lauréate 2009 de la bourse Jean-Gattégno du Centre national du Livre (établissement public du Ministère de la Culture). Et voilà que soudain, sans prévenir, Monsieur Raoult, Ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion du 18/05/1995 au 07/11/1995, passe à un étrange pluriel, à un douteux démonstratif: "ces lauréats". Faut-il entendre les lauréats passé? ceux à venir? Y a-t-il amnistie pour des propos critiques tenus avant novembre 2009? On l'ignore. On peut en revanche supposer que ladite mise en garde s'applique à tous les lauréats de tout prix littéraire, quel qu'il soit. A Atiq Rahimi aussi bien qu'à Jean Cau?
On devrait toujours se méfier de l'expression "ça commence comme ça". Mais parfois elle affleure à la conscience dès lors qu'on est confronté à de tels propos, propos qui sont surtout une démarche, puisque Eric Raoult, célèbre auteur de la désormais célèbre saillie "Le Raincy c'est pas Bamako", attend de pied ferme que le ministre de la Culture "lui indique[r] sa position sur ce dossier, et ce qu'il compte entreprendre en la matière".
Eh bien nous aussi nous attendons que Frédéric Mitterrand réponde à ce vaillant député. Qu'il entreprenne en la matière. Qu'il nous décline, sans ambiguïté, ces énigmatiques couleurs de la France littéraire" en manque de défenseurs.
A défaut de réponse, il nous faudra procéder à certaines déductions, tirer certaines conclusions, user de notre droit de réserve vis-à-vis du silence.
"Trois Femmes puissantes", le titre de Marie Ndiaye...
RépondreSupprimerÇa m'a rappelé une réponse de Christine Angot au sujet d'une pétition contre les propos diffamatoires dans les romans (c'était au sujet de Mathieu Lindon sur Le Pen). Si je me souviens bien, elle avait répondu qu'elle ne pouvait pas signer cette pétition parce qu'elle n'était pas prête à écrire une phrase dans un roman qui ne soit pas diffamatoire.
Comme tu dis, attendons de voir ce que vont répondre Mitterrand... et Ndiaye ! (rien, peut-être... et ça ne serait pas plus mal...)
Qui plus est, l'inconséquent Raoult semble oublier - on vient de me le faire remarquer - que les propos de Marie NDiaye sont bien antérieurs au Goncourt. Maintenant qu'elle est primée elle va lui promettre d'être bien sage. Pirouette cacahuète (j'adore cette chanson).
RépondreSupprimerOui, ces propos sont extraits d'un numéro des Inrocks consacré à la rentrée littéraire, il y a environ deux mois. il se réveille maintenant, Raoult ? (Tiens, quand je prononce sont nom on dirait que j'éructe.) Quant à Frédéric Mitterrand, on l'a connu plus prompt dans ses interventions quand il s'agissait de la mort de Mickael Jackson, par exemple.
RépondreSupprimerÇa commence comme ça...
On dirait que le ci-devant a confondu Ministère de la Culture et Ministère de l'information ?
RépondreSupprimerOn devine facilement pourquoi il se réveille seulement maintenant : il n'avait sans doute jamais entendu parler de Marie NDiaye avant.
RépondreSupprimerC'est bien ça le plus fort: c'est que les propos sont effectivement bien antérieur. Mais c'est parfaitement dans la logique gouvernementale: pour la patrie, toujours prêts! Et surtout c'est dans l'air du temps (voire l'affaire de Rosnay) de l'application de lois postérieures à des faits antérieurs. Que tout le monde relise bien attentivement ce qu'il a pu écrire ces dernières années et surtout qu'il s'en dédisse... Faudrait pas que...
RépondreSupprimerOui, l'interview a été publiée dans le traditionnel numéro "Rentrée littéraire" des Inrocks en août.
RépondreSupprimerÉvidemment, le député ne lit pas les Inrocks, c'est sa femme qui l'aurait alerté en lisant les propos de Marie NDiaye sur le site France Antilles.
"3/ Marie N'Diaye ne défend rien, elle écrit." J'aime beaucoup.
Attendons la suite, l'idéal serait qu'elle ignore et que le ministre de la culture réponde au député.
Je ne lis qu'à l'instant votre "post" qui m'a été indiqué par un commentateur de mon blog.
RépondreSupprimerCe Raoult est en effet un pesant matamore de l'espèce sarkoziste, fort en gueule, et qui abrite sa mise en cause de Marie Ndiaye derrière le paravent du ministre chargé du domaine.
Sa demande est non seulement grotesque mais assez inquiétante : qu'il puisse penser un seul instant qu'un écrivain doive se conformer - en s'enregistrant sans doute dans le poste de police le plus proche de chez lui ? - à un "devoir de réserve" que l'on savait jusqu'à présent attribué aux fonctionnaires (dans les limites que l'honneur peut accepter) montre le niveau atteint par le respect républicain d'un certain nombre de valeurs, jetées à l'encan par ses représentants majoritaires - dans la France actuelle.
Une belle occasion pour Frédéric Mitterrand de prouver qu'il n'est pas poltron et a encore une certaine idée de la littérature libre.
Fredo n'a pas répondu. Il ne veut, en tant que Ministre, pas s'en mêler. Ben oui, il tient à son job, le pauvre !
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