jeudi 24 juillet 2025

Festivons d'Avignal (8) Vous avez dit "le" bizarre?

 


Mis en scène par Jean-Yves Ruf, écrit par Fabrice Melquiot et interprété par Roland Vouilloz, la pièce "Le Bizarre" partait avec trois beaux atouts en main: un metteur en scène sachant passer de Hanoch Levin à Kafka, un auteur rompu aux monologues et un acteur suisse absolument dément. Assis de profil à gauche de la scène, la mine mi contrite mi malicieuse, se tournant de temps en temps vers nous comme si quelque chose le titillait de l'intérieur (une pulsion? un démon? l'envie de partager?), son personnage, qui rappelle par certains côtés le Jérôme de Jean-Pierre Martinet, nous parle de sa bizarrerie, qu'un effort pour paraître normal ne fait que renforcer. (On pense aussi, bien sûr, aux textes de Jean-Marc Lovay.)

Le monologue relève du fil-de-férisme, il a besoin de silences pour laisser à l'esprit funambule d'avoir quelques longueurs d'avance, se nourrit d'hésitations pour qu'on sente vibrer la corde du langage, et si le propos importe, c'est la diction – la marche – qui impose, par son rythme, le sens profond de ce qui est dit. A ce jeu tout en boucles et écarts, Roland Vouilloz excelle, laissant émerger un personnage bâti sur des lacunes et des failles, traversé d'idées saugrenues, travaillé par des désirs décalés. De son oscillation perpétuelle entre confessions penaudes et ambitions déplacées, il tire une humanité fragile, capable autant de faire rire que d'émouvoir. 

Il est question d'une petite sœur morte en bas âge dont le spectre risque de s'imposer lors d'un dîner amoureux, d'une rencontre avec une femme de droite dans l'allée d'une supérette, d'un poulet dont le seul les blancs sont délectables, d'un ami suicidé, d'une enfance moquée et d'une profonde incompatibilité avec la réalité. Il y a des ritournelles, des blancs flottants, des coups de grisou et des coups de gueule, mais surtout une voix ténue en quête d'un minimum de joie pour échapper au fait indéniable que celui qui parle passe son temps, à petits pas, sur la corde de l'existence, à mourir. 


FESTIVONS D'AVIGNAL (7) Eschylle Talon ?

 


Gwenaël Morin, dont on avait aimé entre autre le travail dépouillé et enlevé sur Molière, réussit, avec ses Perses, à doubler la débâcle militaire de Xerxès en débâcle théâtrale.

Rien ne va dans cette mise en scène et paroles du texte d'Eschyle. Des acteurs qui confondent bouger et se déplacer, qui débitent au lieu de scander, qui se mettent sur pause au lieu d'être en écoute, qui gesticulent au lieu de signer, qui se carapate au lieu de fuir. Le décor, qu'on sait dépouillé chez Morin, se borne ici à deux cercles de craie entrecroisés, plus cocasses que caucasiens, et qui transforment malgré eux la scène en cours d'école pour un spectacle à la limite du patronage.

Aucune cohérence: ni incarné (normal chez Morin), ni austère (ce que ne vise pas non plus Morin en général), le jeu des acteurs oscille ici entre lecture de prompteur et criailleries inaudibles. Tantôt on ânonne, tantôt on déclame, comme si le texte d'Eschyle ne pouvait exister que sous deux modes, le documentaire et la lamentation. La lumière, volontairement chiche, n'éclaire qu'elle-même, et encore. A croire qu'il s'agit d'un match de foot où l'équipe perse se serait pris une raclée, avec quatre supporters apparentés plus ou moins au joueurs et cherchant à comprendre pourquoi on n'a pas marqué de but. 

Epurer, certes. Styliser, éventuellement. Assécher, pourquoi pas. Hélas, pour atteindre un de ces buts, voire les trois, on attendait une cohérence où distanciation et épuration auraient atteint un équilibre magique, et non un filage bâclé qui semble tourner le dos aux spectateurs, comme si le sort des vaincus était plus affaire de jérémiade que de compassion.

mercredi 23 juillet 2025

FESTIVONS D'AVIGNAL (6): POMPE D'OR ET NUIT SATINE

 


LE SOULIER DE SATIN, de Claudel ? Farce tragique aux méandres sauvages, on le sait, où à travers jeux de pouvoir et drames d'amour, conquêtes et exils, rapts et ravissements, le poète des grandes odes et des longues liturgies, interroge sans cesse, en monomaniaque de la théologie, les liens entre l'âme et le corps, qui contient quoi, quel est substance, quel est enveloppe. L'amour est-il essence? La chair inéluctable? Le tout brassé et ressassé en une dramaturgie éclatée/éclatante – et c'est cette matière hautement fissible dont s'est emparé Eric Ruf, et qu'on a pu voir de 22h à 6h du matin dans la Cour d'honneur du Palais des Papes.

D'emblée, la mise en scène dévoile ses cartes maîtresses: scènes bruissantes et virevoltantes, tableaux vivants et chahutés, duos-duels, fuites dansées et chutes rythmées, vagues peintes avec les bras, trépidations des corps en amour, hiératisme comiques des puissants – et traversant ces orages et ces silences, une Marina Hands déchaînée, ni mégère ni médée, capable d'exalter la liberté féroce au sein même des pires claustrations, et qui dans le rôle de Prouhèze cavale et se tord, s'arrache aux ombres tout en les bousculant, fait de ses gesticulations des coups portés à qui veut la saisir, se riant d'elle-même et de son amour inconditionnel au point d'arracher au texte de Claudel ses plus obscures secrets. A ses côtés, dans son orbite intermittent, des hommes s'attachent à la convoiter pour mieux la perdre: Don Camille (Christophe Montenez) et son destin-Kurtz qui finit geôlier-bourreau de l'aimée, Rodrigue (Baptiste Chabauty), oscillant entre Roméo et Rastignac avant de se réincarner en saint Jérôme impertinent, Don Pelage (Didier Sandre), l'époux meurtri aux lentes et violentes vengeances… La liste des talents est longue pour être ici déclinée équitablement. Mention spéciale à Laurent Stocker, parfait d'équilibre dans tous ses états keatoniens.

Pendant plus de six heures de spectacle, les scènes se fondent ou se heurtent, et la phrase claudelienne, à la pompe criblée d'une ironie qu'il convenait d'exhausser, embrase et embrasse les éternels paradoxes de la Passion et du Pouvoir. Fruit joyeusement impur de Shakespeare et de Molière, plus cornélien que Corneille, Le Soulier de Satin version Ruf propose une relecture électrique, trépidante, où la farce et la noirceur orchestrent leurs noces à contre-vent de tout classicisme. On en sort échoué mais tout sauf seul.

Lien: https://festival-avignon.com/fr/edition-2025/programmation/le-soulier-de-satin-351465

mardi 22 juillet 2025

FESTIVONS D'AVIGNAL (5): Comment le corps vient aux filles

 


L'ouvrir, spectacle de Morgan.e Janoir, commence en douceur, sous des allures de confession d'une jeune fille un peu trop rangée, qui a coché toutes les cases – études, CDI en vue, chéri à la clé – et qui, à la faveur d'une proposition de vie commune, fait machine arrière, ou plutôt découvre un chemin de traverse, un chemin qui bordait sa vie sans qu'elle en ait tout à fait conscience, et qu'elle va apprendre à arpenter – Dorothy n'est plus au Kansas mais n'a pas non plus envie de parader à Oz.

Pour incarner cette fille s'aventurant en territoire lesbien, la comédienne Pauline Legoëdec joue la naïveté inhérente à un épanouissement que la société n'avait pas balisé, et étale sous nos yeux les diverses cartes d'un destin programmé, les retournant une à une jusqu'à ce qu'apparaisse l'atout qui manquait: celui d'une émancipation née, ou plutôt ravivée, par une soirée à proximité d'un bar lesbien. Elle en parle, le chante, le module, armée d'une boule lumineuse qui joue autant le rôle d'un cœur caché que d'un phare salvateur, et secondée par la flûte de Valentine Gérinière Commentant l'inespéré coming-out avec tendresse et ironie, elle décrit sa transhumance en poussant doucement des portes, passant d'une identité satisfaisant les autres (dont son ancien moi avide de podcasts afin de ne pas trop s'écouter…) à une identité autre où c'est la sororité qui permet d'assumer le moi (et le corps) nouveau. Ecouter, comprendre, assumer, et tant qu'à faire se raser à la butch. La formule qui va avec? "Comme une métaphore mais dans la vraie vie".

Tout entier porté par une légèreté à laquelle contribuent la sobriété de la mise en scène et la bienveillance de l'éclairage, L'ouvrir fait l'économie de la colère (tout en la nommant) pour mieux moduler l'émerveillement de la métamorphose. Au parcours de marelle concocté par la société, et ce sans s'appesantir sur un quelconque "basculement", succède une constellation d'instants intimes, concrets, où le désir, devenu boussole et non plus flèche, palpite selon une autre rose des vents, aux épines nécessaires.

A la fin du spectacle, Morgan.e Janoir nous le dit gaiment: Si vous n'avez pas aimé ce spectacle, dites aux gens que vous n'aimez pas d'aller le voir. On sait donc quoi faire quand on a aimé.

Lien: https://www.11avignon.com/fr/l-ouvrir


FESTIVONS D'AVIGNAL: LA DANSE DES ARTIFICES


Tout spectacle, qu'il s'agisse d'un pièce de danse ou d'un feu d'artifice, exige préparation: avec Némo Flouret, voilà que la fusion/confusion s'opère entre les deux. Sur et autour d'un échafaudage, ça s'agite, ça court, ça trimballe, ça déplace, ça replace, ça remplace, au son d'un tambour devenu métronome comme pour mieux menacer toute cette tribu d'une imminente conflagration. Telle l'agitation d'une fourmilière, dont on juge les mouvements browniens en apparence vains ou absurdes, la troupe des danseurs/techniciens impose son ballet déstructuré, instaurant un semblant de chaos qui pourtant, par son incessante intensité, ne peut que tendre vers un allumage collectif.

C'est toute la question de la cohésion d'un groupe qui est posée ici, doublée d'une réflexion sur la grâce inhérente à toute mise en place d'un spectacle. Le perpétuel déplacement des éléments du décor, par son aspect mystérieux pour qui n'y participe pas, accède à un statut de rituel, par définition hermétique: seule sa vélocité – sensible dans les translations, élévations, descentes, etc… – nous est donnée, dans un pur moment de dépense. Avant la fission finale, c'est la danse des particules qui tient la scène, qui fait scène. 

Instaurer les conditions d'un spectacle, ce serait donc, déjà, établir les lignes et courbes de ce qu'il sera. Les préparatifs, en devenant le palimpseste du spectacle, prennent en charge toutes ses forces et faiblesses Les corps se frôlent, les éléments du décor se changent à leur tour en corps mobiles, on tire et on traine et on lève et on plaque et on jette et on lâche et on attrape: courir et grimper, transporter et hisser sont pris dans de trépidantes rythmiques qui font, d'office, chorégraphie. Artefacts et artifices pris dans un bouquet tout sauf final.

Diablement circacien par son affairement, et hautement pyrotechnique par sa machinerie débridée, Derniers Feux s'offre le luxe de finir là où tout devrait commencer, comme dans le vers de TS Eliot; C'est ainsi que le monde finit, non par un  bang, mais dans un murmure. Une fois la masse critique atteinte, la nuit reprend ses droits, et nous le chemin des étoiles.

Lien: https://festival-avignon.com/fr/edition-2025/programmation/derniers-feux-351458

lundi 21 juillet 2025

Festivons d'Avignal (3): Le festin nu des invisibles

 


One’s own room Inside Kabul  – autrement dit une pièce, non de théâtre, mais d'appartement, quelque part à Kabul – à peine entré dans la longue pièce rectangulaire, sur les côtés de laquelle deux banquettes rouges nous invitent à prendre place, on découvre un véritable festin s'étendant d'un bout à l'autre de la pièce, sur une nappe à même des tapis, des dizaines de plats et d'assiettes – mais c'est un festin nu, il n'y a rien dans les plats, ou plutôt si, il y a l'absence de nourriture, la faim à l'état céramique – en observant plus attentivement, on s'aperçoit que chaque assiette, chaque plat est hanté par ce grand tabou, cette grande peur des talibans: la femme ::: des visages, des torses, des formes en creux ou en reliefs, une langue rouge qui saille d'un bol, et tout autour, sur les murs, le motif qui revient sur le papier peint est encore cela, cet interdit qui menace les nouveaux monstres au pouvoir ::: une femme – seules deux fenêtres latérales permettent de voir le monde extérieur – sous forme de vidéos montrant ce que la jeune femme afghane de 21 ans qui parle – Raha – voit depuis sa chambre, ainsi que des plans du marché aux oiseaux (des cages, des cages, des cages – et seulement des hommes qui vont et viennent) – c'est un journal de détention, des notes sonores jetées comme des miettes aux oiseaux omniprésents dans ces images, les oiseaux qui chaloupe entre désarroi, tristesse et des illusions d'espoir – car depuis que les Talibans ont repris le pouvoir, en une nuit, les femmes afghanes ont été dévorées chaque jour un peu plus par l'ombre instaurée. Plus le droit de marcher chanter parler – vivre. Raha enlève, une à une, les cordes de sa guitare dans l'espoir qu'on lui laissera cette coquille vide si jamais on vient fouiller chez elle. La métaphore n'est plus une métaphore: même le son a été privé de sens.

Une heure durant, une voix vivote comme si elle voulait battre de nouveau des ailes. Il est question d'électricité sans cesse coupée, et coupant les survivants du monde extérieur, réduisant l'existence des femmes à de vagues taches ménagères. Une heure durant, une voix et des images tentent de meubler le vide – peuplé soit de silences soit de coups de feu – dont la poussière indicible se dépose lentement, comme le temps, dans la litanie des récipients déserts.


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FESTIVONS D'AVIGNAL (2): La carrière dansée de Brel

 


Deuxième étape: Brel, par la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et le danseur Solal Mariotte.  Coupler les chansons de Brel et la danse, l'idée est audacieuse, et le lieu de cet audace à la hauteur: une carrière à ciel ouvert, où un mur de pierres fait office d'arrière-scène tandis que sur un vaste plateau la reine De Keersmacker accompagne de ses mouvements derviches la voix trémulante du Belge ressuscité.

La gestuelle, hélas, verse trop souvent dans l'illustratif, et l'effet de redondance a tendance à brider les déplacements, les rabattant en une sorte de sous-titrage gestuel. Mais ces réserves mises à part, on a pu assister à des moments de pure splendeur, comme par exemple au gré de "Quand on a que l'amour", quand De Keersmaecker se met – littéralement – à nu et qu'on voit s'imprimer sur son dos le Grand Jacques, tandis que sur la monumentale falaise c'est la silhouette de la danseuse qui se superpose au chanteur transpirant. Ou quand, au son serein du "Plat Pays", on voit défiler des images d'animaux morts – vaches, chevaux… – changeant le paysage flamand en terre vaine et dévastée.

Heureusement, la danse prend parfois ses distances avec le chant et les paroles, devenant tantôt critique, tantôt ironique, ce qui nous fait un peu oublier ses tendances mimétiques. Deux corps – l'un fier de ses soixante-cinq ans et de sa belle carrière, l'autre porté par sa trentaine et son expérience hip-hop – tentent de by-passer le répertoire violent et théâtral d'un Brel changé en spectre à la fois souverain et évanescent. Pas convaincu à cent pour cent mais charmé par bouffées, au sein d'un lieu magique dont les dimensions primitives ajoutent à la tentative de résurrection.

Festivons Avignal (1): L'événement de Joëlle Fontanaz

 


On a commencé le Festival d'Avignon par un pièce off, l'excellentissime L'Événement de Joëlle Fontanaz. En scène, sur son rocher sisyphéen, un trio d'énergumènes réinvente le chœur antique pour narrer une énième et désopilante version du feu offert aux humains. Dans une communauté officiée par (le gentil barde) Santana et (la pythie) Iris, une certaine Hélène (Destroy?) vient se ressourcer entre toilette sèche et méditation sylvestre. Plutôt que des hosties, on cuit des pizzas dont on distribue les païens morceaux aux zélotes rassemblées. Mais qui dit pizza dit four, et c'est là que le bat blesse et que tout crame.

Comment raconter ceci en même temps que cela, voilà que ce ces trois corps-voix vont s'évertuer à tisser, leurs paroles s'empiétant, se complétant, se chevauchant, s'interrompant, se croisant, en un canon foutraque (mais millimétré) qui laisse passer des éclats et des lignes de sens, comme si des silex parlants se frottaient les uns aux autres. Le rire naît autant de la confusion que de la clarté; l'événement du four foireux, à la fois éclairant et enfumant, transmis en paroles avec la même intensité fuligineuse, d'abord des flammèches de sens, des crépitements de vocables, puis de longues langues de sens dévorantes, des brasiers de récits hoquetants, des pétarades de gloses. 

Tantôt endiablés, tantôt parcimionieux, à la fois figés comme des récitants mais se tordant lentement comme des sybilles inspirées par leurs mémoires complémentaires, les trois interprètes – Joëlle Fontanaz, Mathias Glayre et Nina Langensand – changent de place et de postures au gré d'un récit qui parfois se répète et souvent diverge, les strates dudit récit entrant en danse, sismographiant le chahut. Nos oreilles deviennent des radars, faut-il démêler, brasser, fusionner ce qu'on entend, doit-on se laisser noyer dans les flux, doit-on/peut-on, la question d'emblée sera posée.

De l'apparent chaos vocal naît une espèce de chant contrarié et hypnotique. Oui, c'est cela, raconter, depuis l'aube des temps, depuis le feu primitif, raconter n'a toujours été que cela: laisser des voix tisser d'impatients écheveaux de sens, faire chorale du réel comme on fait feu de tout bois.

Une communauté tente de conserver sa cohérence malgré la combustion qui la travaille, et ses vains efforts pour recoudre des liens nous sont transmis dans une cascatelle sonnante et trébuchante. On applaudit des deux oreilles.

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Lien: https://www.festivaloffavignon.com/spectacles/6274-l-evenement

mercredi 2 juillet 2025

Tuer le livre pour sauver les finances: une idée de génie


INFO – La Poste met fin à son offre tarifaire "Livres et brochures" pour l'envoi de livres et revues en dehors de la France.

Mais quelle excellente nouvelle !

En effet, on le sait, le déficit des finances françaises est alarmant, et il fallait d'urgence prendre une mesure pour tenter de faire remonter la pente à ce fier pays avide de culture. En supprimant cette offre tarifaire qui permettait à des gens qui lisent d'envoyer des livres pour un prix modique, ce sont des milliards d'euros qu'on va éviter de jeter à la poubelle. Rendez-vous compte: chaque jour, des centaines de millions de lecteurs envoyaient des caisses entières de livres à Gand ou dans le Valais, au mépris de la santé financière de notre beau pays qui a mis la lecture au centre de ses préoccupations!

On aimerait féliciter le grand gestionnaire qui a eu cette idée salvatrice. Est-ce du côté du ministère de la Culturade ou du côté du ministère des Postes et Télépathies qu'il faut chercher ce héros ou cette héroïne? Quoi qu'il en soit, bravo! On attend avec impatience la prochaine mesure économique qui remettra cette merveilleuse contrée qu'est la France, patrie des arts et des artistes, sur les rails de la postérité. Je suggère, par exemple, qu'on supprime les aides aux libraires, puisque de toutes façons ils font ce métier par passion. On pourrait aussi fabriquer les livres avec du papier qui s'autodétruirait au bout de trois mois, histoire de faire un geste écologique. Tout est envisageable pour rendre à notre noble France sa place de phare éclairant dans l'océan du monde.

On apprend aussi que le CNL a dû réduire les bourses octroyés aux écrivains. Il était temps. Une passion ne se monnaie pas, c'est bien connu. On apprend aussi que la Maison des écrivains a dû mettre la clé sous la porte. Ouf! Ainsi, les écrivains seront littéralement des écrivains sans domicile fixe, donc… des écrivains-voyageux. Tout ça est très réjouissant. Vraiment. Le budget relève la tête! Miracle!