lundi 11 avril 2022
Quel sens acéré sert la cérémonie?
Une cérémonie – celle du Raoul Collectif, qu'on peut voir en ce moment au Théâtre de la Bastille – c'est quoi? Une mise en scène, ni plus ni moins, une façon de communier au prix d'un geste adéquat, encore à inventer. Reste à savoir en l'honneur de quoi? Quel événement? Et si ce qu'on cherchait à célébrer n'était pas ce qui est advenu mais ce qui restait à faire, à accomplir? Une cérémonie par anticipation? Afin qu'à force de gestes et de paroles cérémonielles on pouvait faire qu'advienne autre chose? Et voilà nos acteurs embringués dans un malestrom de salamalecs et d'étranges invocations, les voilà qui lèvent leurs verres et lancent des vers, s'encouragent et se bousculent, portés par la fièvre des possibles. Face au réel qui semble s'être changé en étau ou en douche froide, mis au pied du mur ou jetés contre celui-ci, tous tentent de métamorphoser leurs gesticulations en actes différenciés. Que faire? Le Raoul Collectif invente de nouvelles façon de se démener: se déguiser en chouette, histoire de voir si le piaf d'Hegel a encore la force de prendre son envol… faire battre des ailes un volatile mécanique… rejouer Antigone… se taire… grimper aux rideaux… se voiler la face… Et toujours revient le dilemme: subir ou agir. Sur scène, la troupe cherche la masse critique, les individualités se lancent dans des alliances comme dans une danse, d'ailleurs ça danse, au son d'une musique qui semble la seule inspiration commune (communautaire?) possible. Joyeux bordel, oui, mais plus réglé qu'il n'y paraît, avec ses partitions qui se superposent, comme en canon, ses moments de folie, de désarroi, d'espoir, ses enthousiasmes naïfs autant que nécessaires, ce mode-toupie qui pousse chaque personnage un peu au-devant de lui, dans un inconnu à la limite de laquelle nous – le public – nous tenons, séduit autant que bousculé. Le Raoul Collectif, c'est de la bravoure à l'état effervescent, et ça fait un bien fou.
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