mercredi 4 novembre 2009

Glissosophie


Arnaud Viviant est un homme à rencontres: il sait croiser. Traverser, aussi. Non pas prendre le pouls, mais l'emprunter, l'enfouir dans un terreau particulier, puis le laisser palpiter selon d'interlopes intensités. Une façon de penser, héritée de Barthes et Deleuze, qui aurait longtemps erré dans la demeure de Bashung avant de couper en quatre le chou de Gainsbarre en psalmondiant du Isou. Une façon de procéder à des attouchement sur la vie moderne, sans souci des récriminations, ou alors pour tâter à leur tour ces récriminations, les voir tendre la bourse, piailler. Pour ce faire, Viviant s'est inventé un double, Arno Petit Popo, grand harengeur devant l'intempestif, qui, juché sur quelque tonneau des paranoïdes, assène au monde sonotone quelques non pas vérités mais hypothèses de travail à main nue, pistes souvent stéréos au moyen desquelles écouter ce que la société a encore à cacher. Dans Complètement mytho!, qui vient de paraître chez François Bourin, il manipule divers objets, trouvés dans la boîte à grands, qu'il ne démonte pas mais essaie de visser sur autre chose, pour en tirer d'autres éclairages. Souvent, ça prend un chemin anodin, un ton quasi badin, mais le propos tient bien en main et pourrait aisément servir d'arme ou de levier. Ainsi de son texte sur la "clé", dont il constate la disparition, les avatars, le poids symbolique, et ce afin d'en conclure avec le jugement de la biométrie. Il pourrait développer, Viviant, fouiller davantage, mais il est trop malin pour ça, car les nouvelles mythologies qu'il passe en revue ont moins besoin d'être auscultées qu'épinglées. Pas la peine d'en faire des tonnes, ce n'est pas le propos ici, et il y a chez Viviant un côté fou du roi sans roi qui libère, comme ça, au hasard, d'une analyse, sa petite décharge émotionnelle. Parce que Viviant pense parfois avec ses larmes retenues, en ombre lasse, en sniper enfant. On lira donc avec un intérêt en forme de tenaille ses digressives explorations du Velib (critique du rétropédalage…), des sex-toys (l'anti-gode), du portable (à quand la sonnerie aux morts?), de la Smart (la deudeuche bobo), du iPod (du distinguo entre shuffe et random) – et surtout, on se laissera porter la vague avec son texte sur la surf music, modèle d'un genre qui n'existe pas, ou plus. Mais Viviant, c'est aussi l'art de la formule (de la formule 1, aurait-on envie de préciser, connaissant son goût des circuits), témoin cette phrase à clouer au-dessus de tous les lits: "La cigarette après l'amour: comme une petite pipe."

2 commentaires:

  1. La photo me rappelle des choses anciennes qui n'ont pas vieilli, une soif du tampon qui ne nous a pas quitté un quart de siècle après, et puis y a toujours de la musique, et la porte d'Italie...

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  2. et comment que la surf est un genre!
    Qui existe et continuera d'exister.
    Essayez donc ici: www.myspace.com/theirradiates

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