YES DADDY, de Bashar Murkus et Khulood Basel, met en scène deux personnages, un jeune escort et un vieil homme. Le premier a été appelé par le second, lequel semble avoir des trous de mémoire et prend le jeune Amir pour son fils. Ce quiproquo donne lieu un vaudeville tragique – un fils a toujours des comptes à régler avec un père, et un père toujours maille à partir avec un fils: chacun peut donc laisser libre cours à ses regrets et rancœurs. Nous ignorons bien sûr qu'étaient ou sont les relations entre les deux paires incomplètes, seul nous est donné l'affrontement qui secoue ces deux hommes.
Tout commence par une clé manquante, qui oblige l'escort à fracturé l'appartement du vieil homme et, partant, sa mémoire. Le décor, fait de parois amovibles et d'une porte problématique, sera au fil de la pièce démonté et remonté selon d'autres agencements, comme s'il fallait réinventer le lieu pour bousculer les souvenirs, les précipiter dans le passé. Et c'est alors qu'on assiste à des inversions et des inversions de rôles, chacun occupant tour à tour une place instable et dangereuse, le fils se changeant en mère protectrice, le père devenant l'enfant qu'il a été, entraînant ce couple improbable dans une spirale vertigineuse dans l'inconscient rendu concret.
Une vengeance a lieu, peut-être. Un effondrement se produit, certainement. L'un enrage, l'autre se délite, mais le croisement de cette rage et de ce délitement produit, contre toute attente, des crises de tendresse et de pardon. Qui manipule qui? La fin donnera une version à contre-courant de ce qu'on a cru voir et comprendre, mais ce qu'on a cru voir et comprendre aura eu lieu, quoi qu'il en soit. Un fils a bel et bien affronté un père, l'a bousculé mais aussi lavé, choyé, habillé, nourri. Un père a bel et bien été dur et distant, mais a néanmoins quémandé de l'amour et de la mansuétude. Jetés l'un et l'autre dans un temps bouleversé, habités par des pulsions contraires, ils ne peuvent empêcher leurs trajectoires de se croiser en un point de basculement terriblement poignant. Huis-clos en perpétuelle déflagration, Yes Daddy est travaillé par une rigueur autant spatiale que mentale, où tous les affects se déchaînent sous la pression conjointe d'un désir inconsolable d'être aimé.
Lien: https://festival-avignon.com/fr/edition-2025/programmation/yes-daddy-351487
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