mardi 22 juillet 2025

FESTIVONS D'AVIGNAL (5): Comment le corps vient aux filles

 


L'ouvrir, spectacle de Morgan.e Janoir, commence en douceur, sous des allures de confession d'une jeune fille un peu trop rangée, qui a coché toutes les cases – études, CDI en vue, chéri à la clé – et qui, à la faveur d'une proposition de vie commune, fait machine arrière, ou plutôt découvre un chemin de traverse, un chemin qui bordait sa vie sans qu'elle en ait tout à fait conscience, et qu'elle va apprendre à arpenter – Dorothy n'est plus au Kansas mais n'a pas non plus envie de parader à Oz.

Pour incarner cette fille s'aventurant en territoire lesbien, la comédienne Pauline Legoëdec joue la naïveté inhérente à un épanouissement que la société n'avait pas balisé, et étale sous nos yeux les diverses cartes d'un destin programmé, les retournant une à une jusqu'à ce qu'apparaisse l'atout qui manquait: celui d'une émancipation née, ou plutôt ravivée, par une soirée à proximité d'un bar lesbien. Elle en parle, le chante, le module, armée d'une boule lumineuse qui joue autant le rôle d'un cœur caché que d'un phare salvateur, et secondée par la flûte de Valentine Gérinière Commentant l'inespéré coming-out avec tendresse et ironie, elle décrit sa transhumance en poussant doucement des portes, passant d'une identité satisfaisant les autres (dont son ancien moi avide de podcasts afin de ne pas trop s'écouter…) à une identité autre où c'est la sororité qui permet d'assumer le moi (et le corps) nouveau. Ecouter, comprendre, assumer, et tant qu'à faire se raser à la butch. La formule qui va avec? "Comme une métaphore mais dans la vraie vie".

Tout entier porté par une légèreté à laquelle contribuent la sobriété de la mise en scène et la bienveillance de l'éclairage, L'ouvrir fait l'économie de la colère (tout en la nommant) pour mieux moduler l'émerveillement de la métamorphose. Au parcours de marelle concocté par la société, et ce sans s'appesantir sur un quelconque "basculement", succède une constellation d'instants intimes, concrets, où le désir, devenu boussole et non plus flèche, palpite selon une autre rose des vents, aux épines nécessaires.

A la fin du spectacle, Morgan.e Janoir nous le dit gaiment: Si vous n'avez pas aimé ce spectacle, dites aux gens que vous n'aimez pas d'aller le voir. On sait donc quoi faire quand on a aimé.

Lien: https://www.11avignon.com/fr/l-ouvrir


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