Deuxième étape: Brel, par la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et le danseur Solal Mariotte. Coupler les chansons de Brel et la danse, l'idée est audacieuse, et le lieu de cet audace à la hauteur: une carrière à ciel ouvert, où un mur de pierres fait office d'arrière-scène tandis que sur un vaste plateau la reine De Keersmacker accompagne de ses mouvements derviches la voix trémulante du Belge ressuscité.
La gestuelle, hélas, verse trop souvent dans l'illustratif, et l'effet de redondance a tendance à brider les déplacements, les rabattant en une sorte de sous-titrage gestuel. Mais ces réserves mises à part, on a pu assister à des moments de pure splendeur, comme par exemple au gré de "Quand on a que l'amour", quand De Keersmaecker se met – littéralement – à nu et qu'on voit s'imprimer sur son dos le Grand Jacques, tandis que sur la monumentale falaise c'est la silhouette de la danseuse qui se superpose au chanteur transpirant. Ou quand, au son serein du "Plat Pays", on voit défiler des images d'animaux morts – vaches, chevaux… – changeant le paysage flamand en terre vaine et dévastée.
Heureusement, la danse prend parfois ses distances avec le chant et les paroles, devenant tantôt critique, tantôt ironique, ce qui nous fait un peu oublier ses tendances mimétiques. Deux corps – l'un fier de ses soixante-cinq ans et de sa belle carrière, l'autre porté par sa trentaine et son expérience hip-hop – tentent de by-passer le répertoire violent et théâtral d'un Brel changé en spectre à la fois souverain et évanescent. Pas convaincu à cent pour cent mais charmé par bouffées, au sein d'un lieu magique dont les dimensions primitives ajoutent à la tentative de résurrection.
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