à la mémoire vivante et scintillante de B.H.
avez-vous vu mourir des gens
mourir
sous vos yeux
comme s’ils étaient retransmis en direct
par l’inepte
telefunken de l’être
frappés par la foudre du cœur qui explose
rongés
par les mites d’une maladie plus maligne que la jalousie ?
usés en paillassons de chair par les ans
ou pire::: avalés bouffés par la vague la bouche de la vague
soudain:::
les ans (devenus
dominos) qui
dans
leur chute
entraînent
les pauvres numéros
que
nous sommes
et dont l’addition fait ::: pitié
fixez leur pupille où se densifient
mille
soupes mille gloires
que font-ils, ces morts imminents,
ces
cadavres encore préoccupés d’eux-mêmes ?
ils cherchent à fuir
ils
plissent
ils
contractent
ils fulminent
ils
tassent
concassent
pulvérisent
leur sang cesse de danser
et au bout de leurs bras
leurs
mains n’ont plus de doigts
ils
tremblent encore un peu des cuisses
tels
des chevaux pris par le froid
(mais si peu)
leurs lèvres articulent un dernier mot
que vous essuyez du revers d’un mouchoir
la
fin est là
(on a fait la pénombre comme pour ne pas voir
leur dernière crispation)
(ah)
si vous saviez voir
voir vraiment
(et
peut-être le savez-vous)
alors vous les verriez suinter
de
tout leur être
devenir suintement d’eux-mêmes
non
pas sortir d’eux-mêmes
mais expulser imperceptiblement cet autre
ce
possible
qui ne peut pas mourir
parce
qu’il est composé d’une myriade de peurs
de
renoncements
d’espoirs
de
folies
de
projets
de
falbalas
l’œil nu (hélas) échoue
à percevoir l’invisible transhumance
de ce qu’ils auraient pu ::: être
si la vie n’avait décidé d’en ::: finir
avec la farce en laquelle on l’a changée
pourtant
pareilles
à des fourmis furieuses
les particules de leur personne
s’épandent au dehors en
grises colonies,
elles s’assemblent et se ré-assemblent
et
chacune de leurs particules porte sur son dos
en
fière ouvrière
le fardeau des regrets et des remords
qu’il
ne tient qu’à vous d’absorber et de transformer
d’incorporer
et de subsumer
tous nous allons ::: mourir
tous
nous allons siéger dans le saint des saints
au fond de l'inepte poubelle terrestre
dans
cet humus où même les bulbes ont droit à une seconde chance
à enrichir d’autres que nous
d’autres
moins bruyants mais tout aussi affamés
— et nettement plus fiévreux/patients.
Arthur Rimbaud traducteur de l'éternité...
RépondreSupprimer"Je disais adieu au monde dans d'espèces de romances ...
Je m'offrais au soleil, dieu de feu ..." (Alchimie du verbe)
L'éternité
Elle est retrouvée !
Quoi ? l'éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil.
Mon âme éternelle,
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.
Donc tu te dégages
Des humains suffrages,
Des communs élans !
Tu voles selon...
— Jamais l'espérance.
Pas d'orietur.
Science et patience,
Le supplice est sûr.
Plus de lendemain,
Braises de satin,
Votre ardeur
Est le devoir.
Elle est retrouvée !
— Quoi ? — l'Éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil.
Manuscrit inconnu...
Édition originale de la Saison (1873).
<3
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