jeudi 16 février 2012

Le Salon du Prêt à Payer

Avis aux écrivains: cette année, à moins de participer à un débat et faute de ne pas avoir d'actualité, il vous faudra payer votre entrée. Enfin, c'est ce qu'on croit comprendre en lisant la lettre de Bertrand Morrisset, commissaire général du Salon:
"A compter de cette année, seuls les auteurs ayant une actualité et donc une dédicace sont accrédités gratuitement. "
Bon, si vous venez signer un livre sorti il y a longtemps (durée délicate à déterminer vu l'économie du livre), il vous faudra donc payer, sauf si l'on considère que le fait de le signer fait à nouveau de ce livre une actualité, mais bon, là, j'extrapole un peu. Si vous participez à un débat, mais n'avez pas d'actualité, eh bien on ne sait pas – ça doit pouvoir se négocier, je suppose (et j'espère, parce que je dois participer à un débat, et il me semblerait bizarre de débourser 9,50 € pour participer à un débat, mais sans doute suis-je atteint de mesquinerie aiguë…).
Peut-on considérer le fait de participer à un débat comme une forme dévoyée d'actualité? Mystère. On croise les doigts.
Si votre livre a eu un prix en octobre, est-ce encore une actualité? Ou bien les récipiendaires des prix d'automne vont-ils devoir débourser? Nouveau mystère.
Bref, cette étonnante mesure, qui en soi n'a rien de scandaleuse, pose de façon plutôt amusante le problème de "l'actualité" – et soudain on n'a pas (ou plus) envie d'être du tout actuel, on a envie de rappeler (et de croire) que la littérature est profondément inactuelle, qu'un livre paru il y a deux ans continue, à sa manière discrète et têtue, non de "paraître", mais d'apparaître.
Mais ne rouspétons pas trop. Car derrière cette restriction se cache peut-être une inavouable vérité. S'imaginera-t-on en haut lieu que si tous les écrivains qui se rendent au Salon du Livre y entrent gratuitement, on court vers la catastrophe financière? Et puis, reconnaissons-le, ce n'est pas toujours évident de prouver qu'on est écrivain. Va-t-on reconnaître comme tels ceux qui publient à compte d'auteur? Ceux qui ne publient qu'en format électronique? Ceux qui ont signé leur contrat mais dont le livre ne paraîtra que quelques jours après le Salon? Ceux dont le ou les ouvrage(s) ont été pilonnés ou sont indisponibles? Il fallait donc mettre des limites à cette incontrôlable marée humaine.
De toute façon, comme le précise Bertrand Morrisset (qui n'y est sûrement pour rien), "cette accréditation doit passer par l'éditeur". Ce n'est donc pas le moment de s'engueuler avec son éditeur, hein. Et puis, neuf euros cinquante, ce n'est pas la mer à boire, quand même. En plus, c'est une occasion de reverser une part de vos droits d'auteur à une bonne cause, non?


(Sinon, pour ceux qui sont doués et radins, vous pouvez toujours torcher un bouquin en un mois et le coller à l'office du 15 mars. Vous serez alors éminemment actuels.)

5 commentaires:

  1. Mince, j'y pense : si on se met tous à en parler, on risque de se retrouver d'actualité, non ?

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  2. Cher Claro
    Je comprends ton étonnement car le changement bouleverse parfois les esprits
    C est bien moi qui ait pris cette mesure
    Le salon du livre n est pas subventionné et n'assure pas son existence avec les impôts de nos concitoyens, comme tant d autres.
    Les auteurs envisagent ils de laisser les lecteurs avoir accès gratuitement à leurs livres ? Ni en librairie, ni en bibliothèque grâce au droit de prêt
    J ai croisé Gérard Depardieu au cinéma l autre jour, il faisait la queue devant la caisse.

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  3. Ce qui est rigolo, c'est la liste des professions du livre donnant lieu à l'accréditation. A la rubrique "création" on a le choix entre "coloriste", "correcteur", "dessinateur", "illustrateur", "traducteur". Ça donne bien une idée de l'importance accordée aux auteurs.

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  4. Cher monsieur Morrisset,

    Comme c'est gentil à vous de comparer un acteur au compte en banque bien rondelet à la centaine de petits auteurs malhonnêtes et crève-la-faim qui veulent couler votre beau salon aux 180 000 visiteurs. Vous semblez très callé sur les librairies et les bibliothèques, mais quelqu'un a-t-il pensé à vous prevenir qu'écrivain est une belle profession QUI NE PERMET PAS DE GAGNER SA VIE. A moins bien sûr que vous ne reconnaissiez comme écrivains que ceux qui gagnent leur vie. Dans ce cas-là, j'ai peur que votre cas soit désespéré.
    Mais j'ai une question : puisque vous avez un tel mépris pour les pauvres, allez vous aussi obliger les chômeurs et RSAiste à payer le prix fort ? Eux aussi veulent couler votre beau salon. Salauds de pauvres de tous bords qui veulent l'accès à la culture facile, où est-ce qu'ils se croient ?! En France ? Manquerait plus que ça...

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  5. Merci PhA. Monsieur Morisset comment justifiez-vous que les auteurs ne sont pas invités mais que les coloristes, correcteurs, dessinateurs oui? Il y'a t-il une échelle d'importance dans la création?
    Par ailleurs, si vous souhaitez faire des économies, il y a peut-être d'autres catégories professionnelles à revoir que celle des auteurs...

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