tag:blogger.com,1999:blog-4764521963019417702024-03-13T14:42:54.612+01:00Le Clavier Cannibale"Le totalitarisme a inventé son invisibilité" (Cédric Demangeot)clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.comBlogger2219125tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-63595355654093018932024-02-28T07:43:00.005+01:002024-02-28T07:50:12.851+01:00Mačko Dràgàn : un cocktail tout sauf mondain<div style="text-align: justify;"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgmopvsOANvqcah7VU4RhY2Pvf0Kwo8C3tdDuqAKYpaWkr5gA7PMgA7EJvV70zQ2wF_xUUQ6kFsF7IudVztxP0pTa49dCH53RHyXxTOkKy48BaN-zK6gyOkQNrM8T7inBeWKL4RpezO0e-rgGUooEuQkskW9NkgLWY-o3fPGNwhPS-rLOjR2Rar3uVoUCU/s1078/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-28%20a%CC%80%2007.41.15.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="726" data-original-width="1078" height="216" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgmopvsOANvqcah7VU4RhY2Pvf0Kwo8C3tdDuqAKYpaWkr5gA7PMgA7EJvV70zQ2wF_xUUQ6kFsF7IudVztxP0pTa49dCH53RHyXxTOkKy48BaN-zK6gyOkQNrM8T7inBeWKL4RpezO0e-rgGUooEuQkskW9NkgLWY-o3fPGNwhPS-rLOjR2Rar3uVoUCU/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-28%20a%CC%80%2007.41.15.png" width="320" /></a></div><br />Partons du principe, sans doute biaisé, qu'on sait ce qu'est la littérature. Rajoutons le fait qu'on a une idée assez précise de ce qu'est et de ce que peut faire un cocktail Molotov. Imaginez maintenant qu'il existe une littérature-molotov. Ça demande évidemment quelques éclaircissements, et c'est à quoi s'emploie Mačko Dràgàn dans son pimpant ouvrage <i>Abrégé de littérature-molotov</i>. Armé de ses goûts et dégoûts, las de la fiction française, déçu par Edouard Louis mais encore sous le choc de <i>The Wire</i>, l'auteur débute son essai en tirant à boulets rouges (ou plutôt noirs, car il est punk à chat, dixit lui-même) sur ses contemporains à plume qui ne songent qu'à vendre et sourire à la caméra (pas faux). On a plutôt envie de le suivre dans ce dézingage en règle, surtout quand il écrit: "La littérature peut ne pas être consensuelle, verbeuse et chiante", d'autant plus que ses prédilections nous sont souvent proches. Et qu'il se paie le luxe de revisiter l'histoire littéraire depuis Dada, bien décidé à dénicher l'instant-T où les forces subversives ont lâché l'affaire, remplacées par des avant-gardes selon lui opportunistes qui, en fait, se sont contentées de remplir le cahier des charges bourgeoises.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">N'allez pas croire qu'il s'agit d'un brûlot de plus, des vaines cascades d'un agité du bocal. Mačko Dràgàn sait de quoi il parle et comment en parler. Ses pages sur Walter Benjamin font mouche, et sa vision désenchantée des beatniks n'est pas sans pertinence. S'il suit un chemin bien précis, non sans s'accrocher à un darwinisme discutable, son approche de la pop-culture et du post-moderne, largement appuyée sur le travail de Perry Anderson, remporte l'adhésion. Mais on peine parfois à emboîter le pas boiteux de sa réflexion, qui fait se succéder, comme dans un passage de relais, Dada, les surréalistes, les beats, les post-modernes, les punks (dont le cyberpunk serait l'émanation SF – pas si sûr…), puis… bah, quoi? Perec, auquel il consacre des pages magistrales (l'auteur ne doit pas aimer ce terme, mais comme il nous a prévenus que son livre était issu de deux mémoires de master, ma foi…). Vian avec son <i>Automne à Pékin</i> (là encore on se réjouit de voir cet ouvrage décortiqué aussi finement). Et Queneau, qu'il remet à sa place rare, celle d'un discret dynamiteur.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Après, c'est la désillusion. "La contre-révolution littéraire qui mènera à la prise de pouvoir d'une petite bourgeoisie prétentieuse soutenue par un marketing littéraire intensif commence, selon moi, avec des choses écrites que plus personne ne lit et pompeusement nommées le Nouveau Roman." Choses auxquelles succède une autre arnaque, selon Mačko Dràgàn, à savoir l'aventure Tel Quel. Soit. Pourquoi pas. Mais, comme l'auteur sait consacrer des dizaines de pages éclairées et lumineuses à l'œuvre de Bolaño, ou de Rodrigo Fresan, on est forcé de déplorer qu'il ait jeté le bébé du corpus Nouveau Roman avec l'eau du bain du mouvement Nouveau Roman. Pourquoi ne pas avoir consacré des pages précises aux livres de Claude Simon, Butor, Robbe-Grillet. Certes, il les trouve chiantissimes, mais encore? Qu'il y ait eu effort de marketing de la part de l'auteur des <i>Gommes</i>, personne ne songe à le nier. Mais il reste des livres. <i>La Route des Flandres. Mobile. La Jalousie</i>.
Et surtout, en dehors ou proche de ces avant-gardes que l'auteur matraque plaisamment, il y a d'autres livres qui, il me semble, auraient mérité sa plume acide ou aimante. Je pense à Pierre Guyotat. A Mathieu Bénézet. Tarkos. Levé. Annie Le Brun. Yves Pagès. Savitzkaya. Demangeot. Anne Malaprade. La liste est longue si l'on cherche d'autres agents dynamiteurs.</div><div style="text-align: justify;"><br /><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi3TyU3mj7mm0ZnSqcios_efrkbt4kD3h1Zata2jTY4nPnp4TgMwouS31sPTQtRdTtmxL7bLKxKohCZ-GlR5I8d1hMGM_Efhyphenhyphen4iAF7mkPFb4vTPJ7hL43J4jv0A_C7LgmCYOhh556024nsvP6J1KtZr-rUK8TMZFeDEi4Oj4WVlPQd8Fg8CYWzyIZZoXxM/s954/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-28%20a%CC%80%2007.39.47.png" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="954" data-original-width="832" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi3TyU3mj7mm0ZnSqcios_efrkbt4kD3h1Zata2jTY4nPnp4TgMwouS31sPTQtRdTtmxL7bLKxKohCZ-GlR5I8d1hMGM_Efhyphenhyphen4iAF7mkPFb4vTPJ7hL43J4jv0A_C7LgmCYOhh556024nsvP6J1KtZr-rUK8TMZFeDEi4Oj4WVlPQd8Fg8CYWzyIZZoXxM/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-28%20a%CC%80%2007.39.47.png" width="279" /></a></div><br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">C'était peut-être trop demander, et il faut reconnaître que Mačko Dràgàn sait faire amende honorable et déplorer n'avoir parlé que d'auteurs masculins, et de consacrer, dans la foulée de cet aveu un chapitre plus que nécessaire à toute une littérature, celle, drapeau noir oblige, des "pétroleuses". En vrac, mais à propos : Woolf, Nancy Huston, Alejandra Pizarnik, Monique Wittig, Wendy Delorme, Virginie Despentes, etc.
Bref, on suit l'auteur comme on peut, on sourit à ses détestations, ses jugements à l'emporte-pièce, ses coups de grisou, ses envolées, ses retombées. On ne boude pas sa provo, la saveur agit-prop qui irrigue ses chapitres. L'ampleur assez vertigineuse de ses références est un atout majeur. La pertinence de ses oukazes séduit. Sa mauvaise foi possède un charmé indubitable. Ses fouilles transversales sont impressionnantes. Ses angles morts révélateurs.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">On l'aura compris: cet "abrégé" n'abrège en rien notre vision de la littérature, bien au contraire, il la réveille, la secoue, la relance sur le terrain nouveau d'autres possibles. Ne le contournez pas.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">________________________</div><div style="text-align: justify;"><b>Mačko Dràgàn, <i>Abrégé de littérature-molotov</i>, éditions Terre de Feu, 17 €</b></div>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-77863482524960929392024-02-15T06:43:00.001+01:002024-02-15T06:43:34.334+01:00Ecrire Perec 53 fois: ou comment éblouir l'œil<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiUcpLPLrgXzcA4XhyphenhyphenP7nqqJvsGfWkyy676bSHC5gY4v41pbicKPQwH_modzBOpO8zH_gFIsSJsUeSMI4T0-BkMKffkYn_rxKOwvJ8l7O5BPA2NPkDR98UkQCEzzYwzH5RO9o5bYUqoCcWbJ3gGHQjwRi3XQaMoMdd83SJ-dDtk4KXBxFLkgW-5qh7ahIg/s626/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-15%20a%CC%80%2006.41.26.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="432" data-original-width="626" height="221" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiUcpLPLrgXzcA4XhyphenhyphenP7nqqJvsGfWkyy676bSHC5gY4v41pbicKPQwH_modzBOpO8zH_gFIsSJsUeSMI4T0-BkMKffkYn_rxKOwvJ8l7O5BPA2NPkDR98UkQCEzzYwzH5RO9o5bYUqoCcWbJ3gGHQjwRi3XQaMoMdd83SJ-dDtk4KXBxFLkgW-5qh7ahIg/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-15%20a%CC%80%2006.41.26.png" width="320" /></a></div><br />Il est des éditeurs pour qui la passion ne saurait connaître de frein. C'est ainsi qu'un projet fou est né, un jour, dans l'esprit de Thierry Bodin-Hullin, maître d'œuvre des éditions L'Œil ébloui: Publier 53 livres de 53 pages sur son auteur fétiche, <b>Georges Perec</b>. Pourquoi ce chiffre de 53 ? TBH s'en explique avec malice dans le n°2 de cette "série" en 53 épisodes, qui promet d'être haletante. Quatre premiers titres paraîtront le 7 mars prochain, mais sont en pré-vente sur le <a href="https://www.loeilebloui.fr/collection-perec-53/">site</a> de l'éditeur.<p></p><p style="text-align: justify;">Le 1/53, signé Jacques Bens & Georges Perec – à tout seigneur tout honneur – s'intitule <i>50 choses qu'il ne faut pas oublier de faire avant de mourir</i>, et reprend un inventaire singulier inauguré à la radio au début des années 1980. Parmi les "choses" (mot ô combien perecquien…) que l'auteur de <i>La vie mode d'emploi</i> souhaite accomplir avant de passer à autre chose de noir, figure, entre autres desiderata, "trouver la solution du cube hongrois", plus connu sous le nom de son inventeur, un certain Rubicks. Ce cube, bien sûr, comporte 54 carrés, preuve s'il en est que 53 est le genre de chiffre qui en veut toujours plus.</p><p style="text-align: justify;">Le 2/53, on l'a dit, est une présentation éclatée et ludique du projet de l'éditeur (<i>Trajet Perec</i>): pourquoi, comment, mais pas seulement. On y trouvera une belle lettre écrite à Annie Ernaux, cherchant à la convaincre de monter dans le train ébloui; un parallèle entre une certaine Chartreuse et une balade à dos de ruminant bossu (une ou deux bosses? la chose n'est pas claire, mais on l'a vu, tout se joue à n+1 près).</p><p style="text-align: justify;">Le 3/53 est signé François Bon, obsédé textuel d'<i>Espèces d'espaces</i>, qui s'efforce, géographiquement, de faire jouer le texte spatialesque de Perec avec son œuvre, d'occurrences en hiatus. Ça s'intitule <i>L'espace commence ainsi</i>, un titre bien perecquien, au sifflement prometteur.</p><p style="text-align: justify;">Le 4/53 émane de l'agence graphique Yokna en charge de ce qu'on appelle un peu lestement "l'habillage" de la collection, mais qui ici prend des allures de fol strip-tease et permet à l'œil, forcément ébloui, de voyager au pays des caractères, en particulier dans la région dite "Permutation" (c'en est le titre). Ornement? Or ne ment.</p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhXHyJLmuDESZ9Nl8kVOAqIVXLjs-80coGc2GPWfAaMuoCr94R8ufiz_BfYJVAZXHCYPa3T14fH7gbzg1KO60J1n1lX7l-dMSp1tKioYOXGw_FMMdlyEz-0SPAa2TNUTZtFRTQtmx4Om4O2BZq4ncqUtNQMbRgQcxuHNNVt8IGiEMCX3OwsvqjVlzRVSas/s1830/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-15%20a%CC%80%2006.37.32.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="678" data-original-width="1830" height="238" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhXHyJLmuDESZ9Nl8kVOAqIVXLjs-80coGc2GPWfAaMuoCr94R8ufiz_BfYJVAZXHCYPa3T14fH7gbzg1KO60J1n1lX7l-dMSp1tKioYOXGw_FMMdlyEz-0SPAa2TNUTZtFRTQtmx4Om4O2BZq4ncqUtNQMbRgQcxuHNNVt8IGiEMCX3OwsvqjVlzRVSas/w640-h238/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-15%20a%CC%80%2006.37.32.png" width="640" /></a></div><br /><p style="text-align: justify;"><br /></p><p style="text-align: justify;">3 autre titres paraîtront à l'automne:</p><p style="text-align: justify;">• <i>Une seule lettre vous manque</i>, de Claro (dans lequel je cherche un lien invisible entre traduction et disparition…)</p><p style="text-align: justify;">• <i>Lier les lieux, élargir l'espace</i>, d'Anne Savelli</p><p style="text-align: justify;">• <i>Terminus provisoire</i>, d'Antonin Crenn</p><p style="text-align: justify;">A raison de 7 titres par an, sachant qu'il y aura 53 titres, combien de temps faudra-t-il à l'éditeur pour accomplir ce passionnant périple? Je ne suis pas doué en calcul, mais ici, seule la lettre importe. Pour ce qui est des chiffres, on compte sur vous, chaque ouvrage coûte 12 euros, un nombre pair qui ne doit pas vous empêcher de compter jusqu'à 53.</p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-61929711992324545192024-02-14T07:54:00.000+01:002024-02-14T07:54:07.449+01:00Baisse des actions libido à la bourse masculine<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhDBTHQbdV53VtwyZqyZUhCCcRNupyGhig_8_GPy_bbyySEatmfOgWBLA30iGiEL_u1KSjciFexz3Xh5aCsN3qntUva38KJ_AzvdW6pUVcvOJqPuO2na7JS53mZ7vMr1eeX9DitOlRUNaFvYXMTyb4vlnFXs25rqRTRcuIS6gJbybXbcdgpbpwMFgMVqQY/s560/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-14%20a%CC%80%2007.47.42.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="340" data-original-width="560" height="194" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhDBTHQbdV53VtwyZqyZUhCCcRNupyGhig_8_GPy_bbyySEatmfOgWBLA30iGiEL_u1KSjciFexz3Xh5aCsN3qntUva38KJ_AzvdW6pUVcvOJqPuO2na7JS53mZ7vMr1eeX9DitOlRUNaFvYXMTyb4vlnFXs25rqRTRcuIS6gJbybXbcdgpbpwMFgMVqQY/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-14%20a%CC%80%2007.47.42.png" width="320" /></a></div><br />Récemment, <i>Le Figaro</i> a publié un article d'une psychologue – Marie-Estelle Dupont – sur la baisse de la libido chez les jeunes. L'article en question est promu via une citation, comme c'est souvent le cas, citation que voici:<p></p><p style="text-align: justify;"></p><blockquote>"La baisse de la libido confirme l'augmentation des troubles psychologiques dans la population. Les jeunes sont victimes de la méfiance grandissante entre hommes et femmes, véhiculée par des discours néo-féministes qui rabaissent les hommes." (<a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/marie-estelle-dupont-la-baisse-de-la-libido-des-jeunes-francais-est-le-symptome-d-un-mal-etre-existentiel-plus-profond-20240212" target="_blank">source</a>)</blockquote><p></p><p style="text-align: justify;">Si les mots ont un sens, les sous-entendus, eux, possèdent une puissance décuplée. Ainsi, les mots suivants: <i>victime, méfiance, véhiculer, rabaisser</i>. Ici ils sont subtilement (bof) pervertis. Chacun de ces mots véhicule (pour le coup) un sens faussement caché. Traduisons. S'il y a victime, c'est qu'il y a coupable – et ici les coupables sont désignés : les discours néo-féministes. Quant au mot "méfiance", il est accolé au syntagme "entre hommes et femmes", comme si alerter la société sur la prédation masculine créait un malaise à double sens: les hommes se méfient des femmes, les femmes se méfient des hommes. Le sous-texte est clair: les hommes se méfient des femmes parce qu'ils craignent qu'elles les accusent d'abus; les femmes se méfient des hommes parce qu'elles craignent qu'ils abusent d'elles. Que les femmes se méfient, ça on commence à le savoir, ouf. Mais que les hommes se méfient, c'est assez intéressant, parce que là, l'autre message caché est : les hommes se méfient de la méfiance des femmes. Autrement dit: Les hommes s'aperçoivent que les femmes font preuve d'une vigilance accrue, ce qui limite leur champ de manœuvre. Et ça c'est pas bon, ça fait débander. Alors qu'on pourrait dire l'inverse: la méfiance des femmes oblige – au sens moral – les hommes à surveiller leurs propres comportements.</p><p style="text-align: justify;">Mais ce sont surtout les deux autres termes retenus dans la citation qui font le vrai travail. <i>Véhiculer</i>. <i>Rabaisser</i>. Deux dynamiques distinctes qui se rejoignent afin de suggérer une manœuvre, voire un complot. On présente une conséquence en sous-entendant discrètement qu'elle est un but. Soudain, voilà qu'une parole libérée, une parole qui cherche à analyser, est traduite en entreprise de "rabaissement". Là encore, le message est clair: signaler les diverses formes de domination masculine, c'est "rabaisser" les hommes – étaient-ils donc si haut placés? Le procédé est connu et relève de la synecdoque, cette figure de style consistant à désigner le tout par la partie. Grosso modo: vous accusez Depardieu, Doillon, Jacquot, Corneau, etc., donc vous cherchez à diminuer le pouvoir d'abus dont les hommes ont le privilège. Ce faisant, vous ternissez l'image des hommes. Ergo, ces derniers sont vexés et débandent. Et les femmes, OMG, ont moins envie d'eux. Fiel du féminisme = bide de la libido. Ouch.</p><p style="text-align: justify;">Qu'importe si l'article que promeut cette citation cherche à nuancer ce propos. Le message, qui est le médium dans ce qu'il a de plus médiocre, a fait son beau job. Et ce message est, très logiquement, le suivant : pour que la libido revienne, il faut que la confiance se réinstalle, et pour cela il suffit d'empêcher les discours néo-féministes de proliférer. Est-ce de la psychologie? Ce serait rabaisser la psychologie que de le prétendre, et risquerait d'instaurer une méfiance de la population envers les analyses subtiles du Figaro.</p><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-53713983297113256652024-02-12T09:33:00.003+01:002024-02-12T13:54:12.641+01:00Blood Simple: simple sens?<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhaPNx4lKpfTBZY11lbpaeIE38bg_Oe1vD8rxLTjoBR-ZP4b6LmyLafb49mVHnnF_wkXNYqzQr7Twkd4mepbzt_5D_ewU8J9a51IWn2PF6kQvM7EPHsJxlNvAnVPtcIH8MM9_9JW_EOInENSfz5ehjF70M2ikQUXXAMTtqhVIU80Wv0SeDGAPhWh4_Q73o/s596/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-12%20a%CC%80%2009.26.22.png" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="342" data-original-width="596" height="230" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhaPNx4lKpfTBZY11lbpaeIE38bg_Oe1vD8rxLTjoBR-ZP4b6LmyLafb49mVHnnF_wkXNYqzQr7Twkd4mepbzt_5D_ewU8J9a51IWn2PF6kQvM7EPHsJxlNvAnVPtcIH8MM9_9JW_EOInENSfz5ehjF70M2ikQUXXAMTtqhVIU80Wv0SeDGAPhWh4_Q73o/w400-h230/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-12%20a%CC%80%2009.26.22.png" width="400" /></a></div><br /><div style="text-align: justify;">On le sait, les résumés d'œuvres, qu'il s'agisse de livres ou de films, sont dangereux – sauf, je suppose si l'œuvre en question est une sculpture (genre: Ce bloc de bronze réalisé par Botero n'est autre qu'une femme heureuse). Oui, les résumés, parce qu'ils sont courts, ont tendance à en dire long, or personne n'a envie de savoir qu'Emma Bovary meurt à la fin. Mais le pire, ce sont les "avis", le commentaire qui accompagne l'œuvre. Ayant revu avec plaisir <i>Blood simple</i>, le premier film de Joel Coen (1984), disponible sur l'excellente plateforme <a href="https://mubi.com/fr/fr/films/blood-simple" target="_blank">Mubi</a>, quelle ne fut pas notre surprise, à Marion et moi, en lisant l'appréciation qui introduisait ce film avec l'élégance d'un thermomètre se trompant d'orifice.</div><p></p><p style="text-align: justify;">Mais d'abord, de quoi est-il question dans le film du frère Coen? (Attention spoilers!!) Une femme quitte son mari abusif pour un type pas très futé; le mari trompé commandite l'assassinat des amants; le privé chargé de la sale besogne préfère tuer le mari et empocher l'argent. L'amant croit que c'est la femme qui a tué le mari, lequel mari n'est pas tout à fait mort et doit donc être achevé (par l'amant). Le privé décide de tuer les amants pour éviter les indiscrétions. Il réussit à tuer l'amant mais la femme le tue. Vous avez suivi? L'intrigue est retorse à souhait, quoique bien ficelée, et certains plans valent le détour, comme la dernière vision qu'a le privé avant de mourir, à savoir le dessous d'un lavabo, d'où perle une goutte, ultime instance de vie organique qui lui est donnée de contempler.</p><p style="text-align: justify;">Revenons au départ, à cet "avis" que donne le site Mubi. Le voici:</p><p style="text-align: justify;"><span face="DMSans, Helvetica, Arial, "Lucida Grande", sans-serif" style="caret-color: rgb(255, 255, 255); font-size: 16px; text-align: center;"></span></p><blockquote><span face="DMSans, Helvetica, Arial, "Lucida Grande", sans-serif" style="caret-color: rgb(255, 255, 255); font-size: 16px; text-align: center;">Entre horreur et film noir, le premier film des frères Coen a marqué le début de leur fascination pour les personnages au destin sinistre. Dans ce film surréaliste et imprévisible, avec Frances McDormand dans le rôle d’une femme provoquant le malheur, les erreurs de communication sont meurtrières.</span></blockquote><p></p><p style="text-align: justify;">Outre le fait que le film n'a rien de "surréaliste", sauf à penser qu'André Breton fait un caméo discret, déguisé en bouteille de tequila, on notera la façon dont est qualifiée l'héroïne : une femme "provoquant le malheur". Est-il besoin de commenter le choix de ce verbe: <i>provoquer</i>? A lui seul, il résume – puisqu'il est question ici de résumé – une certaine conception de la femme. Cette dernière <i>provoque</i>, au double sens du terme: elle est provocante / elle est cause de malheurs. De là dire que ces deux choses sont équivalentes, il n'y a qu'un pas, ou plutôt qu'un trébuchement. Etymologiquement, "provoquer" signifie "inciter à une action violente". Pas la peine d'être sourcier (ou sorcier) pour entendre le sous-texte, euh, pardon, le sur-texte: "elle l'a bien cherché"…</p><p style="text-align: justify;">Alors qu'il aurait été plus simple de résumer ainsi <i>Blood Simple</i>: "Trois crétins – un mari violent et lâche, un amant benêt et lâche, un privé cupide et violent – cherchent à se débarrasser d'une femme, mais celle-ci, après avoir été harcelée par le mari, insultée par l'amant, menacée par le privé, échappe à leur violence, leur lâcheté, leur cupidité et leur crétinerie." Je ne suis pas sûr de me faire embaucher par Mubi pour rédiger des "avis", mais mon résumé me semble un peu moins tendancieux. En revanche, l'auteur de cet avis a raison sur un point: "les erreurs de communication sont meurtrières"…</p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-7736034824031619152024-02-09T12:07:00.002+01:002024-02-09T12:07:23.171+01:00Rapatriement, d'Ève Guerra – ou la vie disloquée<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEisGL0G5pwWvUXkMFx-s0gAmGS3P4yWDEFubXpXiyLa1uVfX_yChPLHG7pVhyphenhyphen62KPjJQoU6OwtLIGOyTW5fiteRRbOh4VJz9GxnOns9aLLz_V-ZyP-e0tAlBbn-aciLn3R9T4a7saQCjtopGhHjGgkD6GTqFRzjBKZQl16k5a3GN2HiH4KKZ1uTrs6KstY/s2560/dislocation.webp" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1942" data-original-width="2560" height="243" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEisGL0G5pwWvUXkMFx-s0gAmGS3P4yWDEFubXpXiyLa1uVfX_yChPLHG7pVhyphenhyphen62KPjJQoU6OwtLIGOyTW5fiteRRbOh4VJz9GxnOns9aLLz_V-ZyP-e0tAlBbn-aciLn3R9T4a7saQCjtopGhHjGgkD6GTqFRzjBKZQl16k5a3GN2HiH4KKZ1uTrs6KstY/s320/dislocation.webp" width="320" /></a></div><br />J'avais déjà évoqué le travail d'<b>Ève Guerra</b>, l'an dernier, à l'occasion de la parution de son recueil, <i><a href="https://towardgrace.blogspot.com/search/label/Eve%20Guerra">Corps profonds</a></i> (Le Réalgar). <i><b>Rapatriement</b></i>, son premier roman, qui vient de paraître aux éditions Grasset, aurait pu tout aussi bien s'intituler <i>Dislocation</i>, tant ce qu'il donne à lire, mais surtout à entendre, relève d'une séparation violente, advenue à plusieurs niveaux. Dis-location: deux lieux (France et Congo), deux parents (la mère partie, le père mort), deux vies (l'enfance, l'âge adulte).<p></p><p style="text-align: justify;">Le corps, lui aussi, est comme démembré par les événements – "et mes mains sur les dictionnaires, qui tournent les pages comme le paysage, sortent d'une pièce pour rejoindre l'autre" ; "je dépose mes deux mains sur son bras pour le retenir"; "mon sac à mes pieds, mes pieds sur le trottoir" –, le corps a sa vie propre, la tête pense indépendamment du monde, et tout désormais est en proie à des forces dévastatrices. Le père est mort, mais sans qu'on sache exactement les circonstances de sa mort, et sans qu'on puisse rapatrier son corps: comme si, d'emblée, la séparation vécue par Annabelle, le personnage principal, se répercutait en tous lieux et à tous moments, en toutes instances et jusque dans les pensées et les gestes.</p><p style="text-align: justify;">Pour dire la rupture, et la quête impossible de suture, Ève Guerra a conçu une langue précisément disloquée, mais il serait trop facile de voir dans cette adéquation entre style et propos une affaire de mimétisme. Rien de mécanique, en effet, dans la dislocation discrète mais tenace que l'auteure fait subir à ses phrases. En se rompant et s'éparpillant, en se détachant, les morceaux de phrase acquièrent une énergie singulière, le verbe s'abstenant quand l'acte manque, l'ordre syntaxique comme carambolé, afin que le sens devienne plus acéré: "Et la folie de mon père a éclaté / que je connaissais déjà et duré / les six mois de notre disparition à Mounana". C'est un roman, et les rejets ou renvois cherchent moins à faire acte de poésie qu'à éprouver la résistance du récit. La cadence, elle, hoquète quand le souvenir devient trop cuisant:</p><p style="text-align: justify;"></p><blockquote>"maman le cœur petit mais rond, traverse le tissu, heurte les épaules, les jambes écartées parfois quand elle s'assied, laisse tomber sa robe jusqu'aux bras de petits garçons suspendus à sa gorge, maman le soutien-gorge rouge, maman ses dix-neufs ans et déjà si vieille de maquillage, maman le front rebondi."</blockquote><p></p><p style="text-align: justify;">"Déjà si vieille de maquillage": ce type d'énoncé n'a rien d'une trouvaille, c'est au contraire la fulgurance d'une perception qui trouve là une façon unique de s'exprimer. Et c'est tout le mérite de ce livre plein de colère, de bonds sur le côté, de gestes renversants, de phrases crachées, que de sans cesse brouiller les registres. </p><p style="text-align: justify;">"C'était le dimanche toujours au-dessus des bols, le chocolat chaud, la fumée en spirale que je chasse, comme les boucles de mon visage": le temps ici est indissociable de la matière et de ce qu'elle libère. Il y a dans <i>Rapatriement</i> une violence synesthétique impeccable, qui permet d'appréhender le sentiment de perdition dans toute sa diversité. Mais aussi: une affirmation de soi, fêlures comprises:</p><p style="text-align: justify;"></p><blockquote>"J'avais vingt et un ans et un front sourcilleux, je marchais en avant du monde les bras chargés de rêves. J'avais des idées fixes, et le lendemain j'en changeais ; mon père me suivait, se pressait pour ouvrir les portières de la voiture, et je n'envisageais pas autrement l'existence. // J'étais au seuil de moi-même, du moins je le pensais, la bouche remplie d'espérances et un front d'orgueil. J'avais réussi par je ne sais quel tour de force à soumettre le monde et mon père."</blockquote><p></p><p style="text-align: justify;">Telle une tragédie grecque, <i>Rapatriement</i> bouscule la langue autant que le lecteur sans jamais égarer; l'effondrement décrit devient au fil des pages le seuil d'une renaissance. La chose est suffisamment rare pour être signalée, et saluée.</p><p style="text-align: justify;">___________________________</p><p style="text-align: justify;"><b><i>Rapatriement</i>, d'Ève Guerra, Grasset, 19,50€</b></p><p style="text-align: justify;"><br /></p><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-58280160998503804472024-02-02T07:59:00.001+01:002024-02-02T09:19:04.776+01:00Atlas du désastre imminent<p style="text-align: justify;">Ces derniers temps, on peut dire que nous aurons été gâtés. Les mois qui précèdent ont été riches en événements littéraires. De belles surprises, en vérité. Vous voyez de quoi je veux parler? De qui? Oh, vous avez sûrement une idée. Mais afin de ne pas vous mener en bateau plus longtemps, je me permettrai de préciser que je ne fais pas allusion à des remous – plutôt à des émois. Songez-y seulement: il y a deux ans, on a enfin vu paraître, traduits par Sabine Huyn, des poèmes d'Anne Sexton (<i>Tu vis ou tu meurs</i>, éd. des Femmes); puis, plus récemment, a débarqué l'énorme <i>Horcynus Orca</i>, de Stefano d'Arrigo (éd. Le Nouvel Attila), traduit par Antonio Werli et Monique Baccelli. Sexton est morte en 1974; d'Arrigo en 1992. Il faut parfois des décennies pour qu'une œuvre fende les frontières. Or voilà qu'une très longue "lettre" nous parvient enfin. Je veux parler de <i>Lettre à un ami imaginaire</i>, du poète Thomas McGrath. Ce dernier a travaillé trente ans à ce long poème, qui n'a paru dans son entier qu'après sa mort, en 1997, sept ans après sa mort. Enfin traduit en français, par Vincent Dussol, il a paru à la mi-décembre 2023 aux éditions Grèges, qui nous avaient déjà donné en 2007 le magnifique <i>Poème californien</i> d'Eleni Sikelianos.</p><p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi3cz6tAxi4nRx6Z6nSefjhBIG2nuaKxLpH3amMpfQBb6G8nD9jCb9FnxE7QX9v3PRkHjspdwg218KLQ8FT65_Kifmu6wkS2M0WG1rmf9ngaRd8UQnnKuvg1hjc8eco4DRvchO3pxNu-eDse-lf2yuNmuYSWuJ48Dq9wtSU41ThXb2E4it7T0l8GOpc6L0/s894/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-02%20a%CC%80%2007.56.26.png" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="592" data-original-width="894" height="212" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi3cz6tAxi4nRx6Z6nSefjhBIG2nuaKxLpH3amMpfQBb6G8nD9jCb9FnxE7QX9v3PRkHjspdwg218KLQ8FT65_Kifmu6wkS2M0WG1rmf9ngaRd8UQnnKuvg1hjc8eco4DRvchO3pxNu-eDse-lf2yuNmuYSWuJ48Dq9wtSU41ThXb2E4it7T0l8GOpc6L0/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-02-02%20a%CC%80%2007.56.26.png" width="320" /></a></div><br />Thomas McGrath est à la fois mal connu et mal apprécié, sans doute en raison de ses affinités communistes qui lui valurent les foudres du Comité Parlementaire des Activités Anti-américaines au début des années 1950. Pourtant, il semble continuer le mouvement du "long poème" initié par Walt Whitman, réinventé par William Carlos Williams, exacerbé par Allen Ginsberg, explosé par Anne Waldmann, réenchanté par Eleni Sikelianos. Sur près de quatre cents pages, McGrath se fait le chantre kaléidoscopique de sa trajectoire américaine, au fil d'une rhapsodie à la fois généalogique, politique, écologique, où l'Histoire, le paysage, l'anecdote, les convictions, les détresses, la solitude, la force d'agir mènent une danse tour à tour fiévreuse et têtue. Le vers selon McGrath n'est métré que par un souffle soumis à des élans et des saccades, il oscille sans cesse entre un désir de narration et la nécessité de commenter, entre mémoire et constat, épiphanies et révolutions. Ici, le souvenir est une potion magique, garante d'une enfance perdue que le poème réactive par éclats; ici, la foi en la résistance est comme un autre paysage secret. Si la vie est lutte incessante dès lors qu'on ne plie pas devant le Veau d'or, alors il revient au poète de faire du disparate d'une existence le matériau ébloui d'une fresque. Musique!<p></p><p style="text-align: justify;">"Notre destin. / En ce temps-là nous construisîmes notre foyer / Sur le vent / nous ne marchâmes que sur l'abîme / dormions, toujours / Dans un immense lit oscillant parmi les étoiles polaires. / En ce temps-là nous inventâmes l'atlas du désastre imminent; / Découvrîmes les langues enterrées cachées sous la douzième côte – / Les blagues lumineuses du Cardinal de Lower Mombasa ; / projetâmes / (Rien que sur des plans astraux, il est vrai) les structures psychiques / Des pianos à queue mécaniques qui broyaient Mozart à leur moulinette. / Que nous importait que les calendriers mexicains soient remplis de tentatrices / D'un autre siècle? / Que les abris antiatomiques soient pleins de lépreux, et que les banques / Soient lépreuses à force d'explosion monétaires? / Le lit avait fait demi-tour avec le monde / Mais nous étions toujours couchés plein nord tels des aiguilles de sang et d'os."</p><p style="text-align: justify;">En ces jours où il est beaucoup, apparemment, question de poésie, délaissons les rives troubles des bardes à papa celtiques et plongeons dans le fleuve riche et prometteur où McGrath nous plonge tout entier, fort d'une générosité politique et d'un lyrisme terrestre hors du commun. Soyons cet "ami imaginaire" qui n'attendait qu'un geste – une geste – une lettre – pour communier avec le grand chant.</p><p style="text-align: justify;">______________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Thomas McGrath, <i>Lettre à un ami imaginaire</i>, traduit de l'anglais (USA) et présenté par Vincent Dussol, éditions Grèges</b></p><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-23007930599759171962024-01-29T11:59:00.002+01:002024-01-29T11:59:27.686+01:00Les soupapes sexuelles de DeWitt<b><span style="font-size: large;">Vient de paraître dans la collection <span style="color: red;">Vice Caché </span>(éditions le cherche midi), le nouveau livre d'Helen DeWitt, l'auteure du <i>Dernier Samouraï</i>. Ou comment canaliser les pulsions des mâles au bureau… (Toutes les infos <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/soupapes-cie/9782749174860">ici</a>.)</span></b><div><b><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiU8BHPYu0h9PTenkEGD5ZP6ioC7ctxz9gh7SZAJ03uf6c5gu4tm2wHEOlxbNnlqlvR1P63FHzFjilovB9OUMaKYxl08FTMiCDMGKErdiytfiERLs9Iuj936vgtCuqjSz7cFytaO0iTHKpqSTZ9b_BLStkRIU7l8idAJPwSb8XUwzpy3qy3ewm6XSifmgM/s1668/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-01-29%20a%CC%80%2011.54.22.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1216" data-original-width="1668" height="466" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiU8BHPYu0h9PTenkEGD5ZP6ioC7ctxz9gh7SZAJ03uf6c5gu4tm2wHEOlxbNnlqlvR1P63FHzFjilovB9OUMaKYxl08FTMiCDMGKErdiytfiERLs9Iuj936vgtCuqjSz7cFytaO0iTHKpqSTZ9b_BLStkRIU7l8idAJPwSb8XUwzpy3qy3ewm6XSifmgM/w640-h466/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-01-29%20a%CC%80%2011.54.22.png" width="640" /></a></div><br /><span style="font-size: large;"><br /></span></b></div>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-50993551810794848872024-01-19T08:19:00.006+01:002024-01-19T08:19:51.669+01:00L'amour de l'art: Aflalo déjoue tous les tableaux<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhfOPS6S_76_1ivj_z171i13CHm7ekg0mJVADkCmQzS1XvMdR_suX30shTlQR-qLFGzMInXjuNsWK7rW3O_iq2h4X1y3th2waXAbNabxp2Sh1IHprs_1bM5wQejitTHF-qFsCpezjq8oxyyGSMhwnJP9pkhdxBjFedkB5yVIgwsUrwAaMe1GwEj5RmPbRE/s1394/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-01-19%20a%CC%80%2008.17.54.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="750" data-original-width="1394" height="215" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhfOPS6S_76_1ivj_z171i13CHm7ekg0mJVADkCmQzS1XvMdR_suX30shTlQR-qLFGzMInXjuNsWK7rW3O_iq2h4X1y3th2waXAbNabxp2Sh1IHprs_1bM5wQejitTHF-qFsCpezjq8oxyyGSMhwnJP9pkhdxBjFedkB5yVIgwsUrwAaMe1GwEj5RmPbRE/w400-h215/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-01-19%20a%CC%80%2008.17.54.png" width="400" /></a></div><br />La pièce de théâtre <b>"L'amour de l'art" </b>se joue au <b>Théâtre de la Bastille</b> jusqu'au 20 janvier et si vous avez la chance d'y aller aujourd'hui ou demain, alors autant vous prévenir: Vous allez assister à une conférence sur la peinture, en particulier sur des natures mortes. Deux guides vont vous expliquer ce qui se joue dans des tableaux classiques, vous dévoiler le message du peintre, ses intentions, etc. Non, je plaisante: ça c'est ce qui aurait dû se passer si nos deux guides ne souffraient pas d'une pléthore de "rétroversions" qui les empêchent de mener à bien leur tâche. C'est quoi, une rétroversion (du bassin, de la langue, des yeux, des globes cérébraux, de la confiance, de la mémoire…)? L'inclinaison en arrière d'un organe selon son axe vertical? Oui, bon, ici, c'est plutôt le dérapage d'une intention selon son axe délirant. Non seulement nos deux guides s'épuisent en précautions oratoires avant de se lancer dans leur conférence, au prix d'un running-gag élevant la procrastination au rang de sport paralympique, mais quand enfin ils s'essaient à l'exégèse de certains tableaux, nous sommes tellement pliés en deux de rire qu'il semble qu'à notre tour nous voilà en proie à une rétroversion mentale. <p></p><p style="text-align: justify;"><b>Stéphanie Aflalo</b>, qui a conçu cette conférence débridée, et joue l'un des deux guides – ensemble rouge la transformant en un pétard sans cesse sur le point d'exploser – est proprement hallucinante: regard traversé d'arrière-pensées folles, corps avide de dérapage, parole éprise de déraillements, elle dynamite les commentaires hilarants qu'elle déploie avec, au fil de la pièce, de plus en plus d'intensité. Se moque-t-on ici de l'art, de l'amour aveugle et sourd de l'art, des pièges de l'exégèse? Sans doute faut-il s'imaginer assis dans la salle entre Thomas Bernard et Buster Keaton: dans cette pièce, en effet, on digresse comme on respire, et tout semble fuir comme suite à un facétieux et systématique sabotage. Autopsie du ridicule garantie, et décadrage à la machette.</p><p style="text-align: justify;">Si le titre de la pièce renvoie au livre de Bourdieu et Darbel, sa conception, elle, nous emmène hors des sentiers rebattus et, entre stand-up et fausse conférence, démonte aussi bien le regard professionnel sur la peinture que la nature parfois morte de la scénographie: et au final c'est le public qui se retrouve encadré, décalé, éclaté par ces deux guides de plus en plus azimuthés. L'art n'était pas du cochon, mais on s'est bien fait équarrir de rire.</p><p style="text-align: justify;">__________________</p><p><b>L'amour de l'art,</b> au Théâtre de la Bastille jusqu'au 20 janvier. Conception; Stéphanie Aflalo; Ecriture et jeu: Stéphanie Aflalo et Antoine Thiollier. Spectacle produit par: les Divins animaux - Fanny Paulhan. Toutes les infos <a href="https://www.theatre-bastille.com/lamour-de-lart">ici</a>: </p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-65227460836767109222024-01-18T10:07:00.001+01:002024-01-18T10:07:13.890+01:00L'échec à la Maison de la Poésie, c'est le 29 janvier à 19h<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtGoPflwg7gIg5CL9tRwi2ttt_yLMhUdzEhtU7b5LvrjPU6d9o6qXAcbi4VhtWN8lAtpFjeIi8jvgMgxlo09QkHJbX-K4d9p5nAXMWdX8h5GqXUCReckVNDRdMxpM0q1nuNzitmL1V1fXmRZIYzDsRYKtHh71nWulZDcaQ8KC8H4bz8V59IqzziH2hoCo/s2154/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-01-18%20a%CC%80%2010.06.15.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1516" data-original-width="2154" height="450" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtGoPflwg7gIg5CL9tRwi2ttt_yLMhUdzEhtU7b5LvrjPU6d9o6qXAcbi4VhtWN8lAtpFjeIi8jvgMgxlo09QkHJbX-K4d9p5nAXMWdX8h5GqXUCReckVNDRdMxpM0q1nuNzitmL1V1fXmRZIYzDsRYKtHh71nWulZDcaQ8KC8H4bz8V59IqzziH2hoCo/w640-h450/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202024-01-18%20a%CC%80%2010.06.15.png" width="640" /></a></div><br /><span style="font-size: medium;">Le <b>lundi 29 janvier à 19h</b>, je serai à la <b>Maison de la poésie</b> à Paris pour une discussion avec Sophie Joubert autour de mon dernier livre, <i>L'échec</i> (éd. Autrement). La rencontre, prévue initialement dans la salle Lautréamont, aura lieu en fait dans <b>la grande salle,</b> il est donc de nouveau possible de prendre et <b>réserver des places</b>. Nous parlerons de Pessoa, de Kafka, de Walter Benjamin, de Cocteau, mais aussi de l'art poétique d'échouer, d'une femme qui veut sauter d'un pont, du film Vertigo et de son rapport à l'alcool, de l'impossibilité d'écrire le livre qu'on voulait écrire, de <b>Oui-Oui</b> et la gomme magique, et sans doute d'autres choses. </span><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">Au plaisir de vous y croiser et d'échanger avec vous après la soirée.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">Pour réserver, toutes les infos ici: <a href="https://maisondelapoesieparis.com/programme/lechec-comment-echouer-mieux-de-claro/">https://maisondelapoesieparis.com/programme/lechec-comment-echouer-mieux-de-claro/</a></span></p><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-76658936943513344192024-01-10T06:27:00.002+01:002024-01-10T06:27:27.088+01:00Télérama par le de "L'échec" (éd. Autrement)<p> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh3sLqBByY-7iNiLL03XuTZyLaLH1reGOqi1kqGFcpRuMTWha-PBOyWVplAmCSRDe4dMefFD_q9DFSvLjkb8FrlylXNJOzE3hvn_WEyK58OLIeB-hxoZ2FErhb8-AoxovW0Ps4O9tohpOqizOzNUAKhr3cO098xPVr6dBXebp_sCZ0U9P_xZGPW6c728zw/s1440/article%20te%CC%81le%CC%81rama%20l'e%CC%81chec.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1440" data-original-width="1080" height="640" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh3sLqBByY-7iNiLL03XuTZyLaLH1reGOqi1kqGFcpRuMTWha-PBOyWVplAmCSRDe4dMefFD_q9DFSvLjkb8FrlylXNJOzE3hvn_WEyK58OLIeB-hxoZ2FErhb8-AoxovW0Ps4O9tohpOqizOzNUAKhr3cO098xPVr6dBXebp_sCZ0U9P_xZGPW6c728zw/w480-h640/article%20te%CC%81le%CC%81rama%20l'e%CC%81chec.jpeg" width="480" /></a></div><br /><p></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-71584548618232934182023-12-29T12:22:00.004+01:002023-12-29T12:22:38.506+01:00Comment échouer mieux le 10 janvier<p> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjvQSAnVUTwlYSELlbH943imcxcmI3I3553DYFYkHgHipwO8iGBuN04o1vsH9_WGff93MwnGH7k2-msCrY91tqVTqXgDLu6OQCAjKg5dEhI6lBSJGobZ5sbGJMfO7_P1RuioEj3K-gmJQafs1L__AgAZsInpyGtrEm-Csm2SmOYLlReToNHj3dv3XOmibI/s966/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-12-29%20a%CC%80%2012.20.20.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="966" data-original-width="620" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjvQSAnVUTwlYSELlbH943imcxcmI3I3553DYFYkHgHipwO8iGBuN04o1vsH9_WGff93MwnGH7k2-msCrY91tqVTqXgDLu6OQCAjKg5dEhI6lBSJGobZ5sbGJMfO7_P1RuioEj3K-gmJQafs1L__AgAZsInpyGtrEm-Csm2SmOYLlReToNHj3dv3XOmibI/w256-h400/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-12-29%20a%CC%80%2012.20.20.png" width="256" /></a></div><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi6aRuEe2N19n9kBRMx1ZY51JlWENm6QlXSmifTfyksvdCD2UW3NBBy4I0bc5UNxq34c89U0mNAwlnjVU1oRKnNKkXv0gA9qXeWMCuVrK1KmVWbIEfgKfNzI70fMxHT8yQVr3e1a-Ktg_MuxY_qcXuch7EIny5tc6bk6nVvHDB36RIvP2rc9SpEqEATAo0/s1076/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-12-29%20a%CC%80%2012.21.01.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="442" data-original-width="1076" height="262" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi6aRuEe2N19n9kBRMx1ZY51JlWENm6QlXSmifTfyksvdCD2UW3NBBy4I0bc5UNxq34c89U0mNAwlnjVU1oRKnNKkXv0gA9qXeWMCuVrK1KmVWbIEfgKfNzI70fMxHT8yQVr3e1a-Ktg_MuxY_qcXuch7EIny5tc6bk6nVvHDB36RIvP2rc9SpEqEATAo0/w640-h262/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-12-29%20a%CC%80%2012.21.01.png" width="640" /></a></div><br /><br /><p></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-17194945308264806372023-11-14T07:55:00.002+01:002023-11-14T07:55:40.266+01:00Animal errant, retour de poesibao<p> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgXlbhBn0DIbWyrbWNAAZkg519aFCoRPyC36HYQhJPcWR380wqyZuYRd8iFgaL7-NlbSlaBrfmZjcCkaRM3KBqMaBwZCLx_Azw7xakF4Uzx8e7Y6S5q9w_9qc7bBJ91LiVVNrGXu-7r1iM7msTJw9eJOfPj9hRs74IoXnLA41CqU1NKpu3Q5HpV5T-NQLY/s456/Claro-animal-errant-retour-dabattoir.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="456" data-original-width="297" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgXlbhBn0DIbWyrbWNAAZkg519aFCoRPyC36HYQhJPcWR380wqyZuYRd8iFgaL7-NlbSlaBrfmZjcCkaRM3KBqMaBwZCLx_Azw7xakF4Uzx8e7Y6S5q9w_9qc7bBJ91LiVVNrGXu-7r1iM7msTJw9eJOfPj9hRs74IoXnLA41CqU1NKpu3Q5HpV5T-NQLY/s320/Claro-animal-errant-retour-dabattoir.jpg" width="208" /></a></div><br /><div style="text-align: justify;"><b>Une belle et pertinente critique de <i>animal errant, retour d'abattoir:::</i>(Flammarion/Poésie) signée Isabelle Lévesque et postée sur le site Poesibao.</b></div><p></p><p><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Auteur de nombreuses fictions, d’essais et de traductions, Claro nous propose un premier recueil de poèmes aux formes diverses dont le titre aux doubles points de suspension, ou triple deux-points, indique une trajectoire et ce qui échappe aux mots.</span></p><p><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Selon le prière d’insérer de ce livre, Claro a décidé de « </span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">se risquer sur le territoire de la poésie […] mieux à même de répondre, sur le plan littéraire, au désastre ambiant</em><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;"> ». Et c’est sous l’égide de Cédric Demangeot, poète majeur disparu en 2021, qu’il a placé </span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">animal errant, retour d’abattoir :::. </em><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Sur son blog, </span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Le Clavier cannibale</em><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">, Claro affirmait avoir découvert « </span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">en lui </em><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">une sorte de double, d’écho, et cette sensation qu’un autre écrit ce que vous auriez dû écrire, l’écrit pour vous, et en quelque sorte, malgré lui, avec vous</em><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;"> ». L’auteur de </span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Ravachol</em><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;"> et d’</span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Un enfer </em><span style="background-color: white; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">incarne le refus, la révolte et la démolition d’écritures apprivoisées. À ses </span><em style="background-color: white; box-sizing: inherit; font-family: Roboto, sans-serif; font-size: 16px; letter-spacing: 1.1px; text-align: justify;">Litanies de […]</em></p><p><span style="font-size: large;">[A lire <a href="https://www.poesibao.fr/claro-animal-errant-retour-dabattoir-lu-par-isabelle-levesque/?fbclid=IwAR09zMc0GnaqqOJhl7YSEngrL240OEZRLk_sVtQQWD6i4fhEzqn463_d6zI" target="_blank">ici</a> en intégralité.]</span></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-88596091585289960362023-10-17T06:39:00.000+02:002023-10-17T06:39:14.087+02:00L'il mystérieux et ses infinies paraboles<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgd_1-QoT2pUunrGsA29bPwH-CfG5pCElSNe_EAjD4SuwZSCW9vasYZNDKmYI03LJvmeUoKExkGXjeIh1gYOxFD7PBQwrI1a2udSPU9qlfYTE_aA1pZlVJe6x_5gf3uuVICJwb_OCAgHff-zJTbNGqd8hFpsxf2HW1oUsr1bbmwaAV-PGAcIBd4Ux5ypG0/s948/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-17%20a%CC%80%2006.37.04.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="948" data-original-width="658" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgd_1-QoT2pUunrGsA29bPwH-CfG5pCElSNe_EAjD4SuwZSCW9vasYZNDKmYI03LJvmeUoKExkGXjeIh1gYOxFD7PBQwrI1a2udSPU9qlfYTE_aA1pZlVJe6x_5gf3uuVICJwb_OCAgHff-zJTbNGqd8hFpsxf2HW1oUsr1bbmwaAV-PGAcIBd4Ux5ypG0/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-17%20a%CC%80%2006.37.04.png" width="222" /></a></div><br />Est-ce une tentative d'épuisement du sujet? Une spectroscopie délirante? Un état des lieux implacable de qui l'on se sait pas? Le fait est que <i><b>Paraboles</b></i>, le nouveau livre de <b>Boris Wolowiec</b>, n'y va pas de main morte pour ce qui est de définir un "il" aussi anonyme que singulier (quoique multiple). En 300 pages, toute psychologie bannie, nous est décrit, inventorié, disséqué et recréé un "il" que seule la langue parvient à faire tenir dans une multitude de paragraphes, à force d'énoncés inquiétants – je veux dire des énoncés qui inquiètent la langue.<p></p><blockquote><p style="text-align: justify;">"Quand il parle sa bouche mange sa langue. Et quand il écoute parler sa langue mange sa bouche." (p.133)</p></blockquote><blockquote><p style="text-align: justify;">"Son espoir est identique à sa naissance. C'est la raison pour laquelle sa pitié est meurtrière." (p. 109)</p></blockquote><p style="text-align: justify;">Il est, il croit, il devient, il fait, il pense, il prétend: les verbes s'accrochent à ce "il" et le vouent à toutes sortes d'actions et de pensées, de convictions et de refus, au détriment bienvenu d'un sens qui ferait de ce "il" un homme parmi d'autres. Le texte de Wolowiec, pourrait-on dire, fonctionne telle une machine délirante engagée dans un processus en apparence inépuisable. Il est en cela d'une impeccable cruauté poétique, qui ne s'épargne pas l'humour ("Sa stupidité est si sophistiquée qu'il désire psychanalyser les océans, les volcans et les déserts", p.183) et traite le corps à la façon d'un monstre de parole organique. </p><p style="text-align: justify;">Vies et morts, gestes et croyances, fonctions et ruses, raisons et illusions, naissances et crimes : le "il" qu'exp(l)ose à chaque page Wolowiec finit par être un continent de strates inconjugables, en perpétuelle métamorphose, un cabaret inouï d'allégations aussi équivoques qu'impossibles, un chantier hypnotique où tous les affects ont droit de cité, chaque atome du texte conspirant à une invisible déflagration: "Il a avalé une bombe comme un œuf. C'est pourquoi raconter l'histoire de sa vie lui semble désormais inutile" (p. 149).</p><p style="text-align: justify;">Homme à tout défaire plutôt qu'à tout faire, déjà-mort et sans cesse rené, le "il" qui sature ces trois cents pages n'est pas un nouveau Monsieur Plume ni un énième Innommable. Il est la somme incomplétée de possibles générés par une langue qui n'a plus rien à perdre. </p><p style="text-align: justify;">"Il s'est suicidé en se pendant au souvenir de son cordon ombilical" (p.180)</p><p style="text-align: justify;">Mais ça c'est le milieu, pas la fin.</p><p style="text-align: justify;">_________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Boris Wolowiec, <i>Paraboles</i>, éditions Les Météores, 15€</b></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-89556036343363865772023-10-13T06:59:00.002+02:002023-10-13T06:59:57.199+02:00Animal errant, retour d'abattoir::: au Festival MidiMinuit, à Nantes<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjOEbi492wpUBa91CRmLEGEbJ1o4eeflbe3MLTZ1J3CmNjv8ksVDdwKpgYhow_ESzt2BeB1wm789S9NkIxeOJOPyre-4WJmMrYEsKa50IqE3mpVjg3SXHQOeiLdKyRA-s9fCEY9aRaYNC9M7qP0mXP7c0R_pS-aJHgmkZ8WqK7qwAix98rfB9EWhlHNB5k/s1144/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-13%20a%CC%80%2006.37.14.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="866" data-original-width="1144" height="242" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjOEbi492wpUBa91CRmLEGEbJ1o4eeflbe3MLTZ1J3CmNjv8ksVDdwKpgYhow_ESzt2BeB1wm789S9NkIxeOJOPyre-4WJmMrYEsKa50IqE3mpVjg3SXHQOeiLdKyRA-s9fCEY9aRaYNC9M7qP0mXP7c0R_pS-aJHgmkZ8WqK7qwAix98rfB9EWhlHNB5k/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-13%20a%CC%80%2006.37.14.png" width="320" /></a></div><br />Demain – <b>samedi 14 octobre</b> – je serai à <b>Nantes</b> dans le cadre de la vingt-troisième édition du Festival <b>MidiMinuit Poésie</b>, festival qui se tient entre le 10 et le 14 octobre et réunit une quarantaine d'auteur.e.s et d'artistes – parmi les invité.e.s, pour n'en citer que quelques-un.e.s: Muriel Pic, Antoine Mouton, Didier Bourda, Marina Skalova, Virginie Poitrasson, Antoine Boute.<p></p><p style="text-align: justify;"><br /></p><p style="text-align: justify;">A <b>15h</b>, donc, samedi, au Lieu unique / Salon de musique, je lirai des extraits de <i>animal errant, retour d'abattoir::: </i>(éd. Flammarion) ainsi que de <i>Tout autre chose</i> (éd. Nous), et sans doute un extrait d'un texte en chantier. La lecture sera précédée d'une présentation par Alain Girard-Daudon.</p><p style="text-align: justify;">Cette lecture sera suivie un peu plus tard, à <b>16h30</b>, d'une rencontre entre Lisette Lombé (auteur de <i>Eunice</i>, éd. du Seuil) et moi-même, à l'Atelier 2 / Scène jet FM, sur le thème "L'autofiction dans l'écriture poétique", animée par Henri Landré.</p><p style="text-align: justify;">Pour de plus amples informations, c'est <a href="https://midiminuitpoesie.com" target="_blank">ici</a>.</p><p style="text-align: justify;"><br /></p><p style="text-align: justify;"><br /></p><h2 class="wp-block-heading has-text-align-center has-white-background-color has-background has-medium-font-size" style="box-sizing: inherit; color: #222222; font-family: Rubik, Rubik, "helvetica neue", helvetica, arial; font-size: var(--wp--preset--font-size--medium) !important; font-weight: 400; line-height: 28px; margin-bottom: 15px; margin-top: 0px; padding: 1.25em 2.375em; text-align: center;">
<br /></h2>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-406764663127317972023-10-12T07:49:00.003+02:002023-10-12T13:00:01.942+02:00"Ma voix me parut étrange": radier/irradier selon Suel<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi0x6HgwVDCi_xlTcdxCsWWf_YURvagJV1YUFoJDclVxFal-wuHNWBv_jWXWBRN_VHdHAkQTeZbHhGFATY-h-U0vwk5fn4HBBL3nBm5YgT6-TLYD7yNX-NzCczGrjQOsJH2lmEkT0qz81fdUpT7H9A89_p_uH_H3M3gwBRB8XjYTuzNSmPOWVWtXYHuPwc/s756/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-12%20a%CC%80%2012.59.33.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="756" data-original-width="548" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi0x6HgwVDCi_xlTcdxCsWWf_YURvagJV1YUFoJDclVxFal-wuHNWBv_jWXWBRN_VHdHAkQTeZbHhGFATY-h-U0vwk5fn4HBBL3nBm5YgT6-TLYD7yNX-NzCczGrjQOsJH2lmEkT0qz81fdUpT7H9A89_p_uH_H3M3gwBRB8XjYTuzNSmPOWVWtXYHuPwc/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-12%20a%CC%80%2012.59.33.png" width="232" /></a></div><br />Nous sommes tellement persuadés qu'écrire c'est choisir ses mots avec prudence et clairvoyance que nous finissons par oublier qu'en nous un crible terrible, un tamis par d'autres trafiqué, nous assiste obscurément dans ces choix. Pourquoi? Parce que nous écrivons avec la mémoire des choses lues, entendues, répétées. Parce que les mots que nous croyons sortir de notre chapeau ont déjà fait leurs armes sous des légions de crâne. Nous sommes inspirés? Non, plus vraisemblablement aspirés, notre langue prise à jamais dans le siphon de la redite, du formaté, de l'usé. Dans ces conditions, que peut la poésie? Hormis un jeu de cache-cache avec le sens et des cabrioles phonétiques, quelle stratégie peut-elle ourdir pour faire de nous autre chose que de naïfs ventriloques? A cette question, <b>Lucien Suel</b> a répondu à sa façon. Il a pris le déjà-dit et lui a tordu le cou. Mille fois sur le papier il a brouillé les lignes.<p></p><p style="text-align: justify;">Qu'est-ce qu'un "<b>poème express</b>" signé Lucien Suel? Prenez une page de livre et frottez, grattez, occultez plus des trois quarts des mots pour n'en laisser flotter à la surface que quelques-uns, plus ou moins épars, et laissez un sens nouveau défaire la belle cohésion originelle. Il existe un terme pour désigner l'acte de biffer, de noircir mots ou lignes: caviarder. Ce verbe, longtemps réservé à la censure, le voilà depuis quelques décennies mis en pratique par la poésie, dans la troublante lignée du fameux cut-up inventé par Burroughs et Gysin. Est-ce un simple exercice? Un exercice complexe? Est-ce même un exercice? Le poème-express de Suel ne cherche pas seulement à faire émerger un texte autre: en rendant visible l'occultation, il ajoute au texte nouveau une dimension graphique. Le poème devient pictural, comme si les aplats irréguliers de noir dialoguaient avec les caractères d'imprimerie épargnés. Il acquiert une épaisseur, voire une profondeur.</p><p style="text-align: justify;">L'apparente modestie du procédé, qui retourne les armes de la censure contre elle-même, ne doit pas faire oublier la savante malice du geste. Il ne s'agit pas de clamer que la poésie se dissimule dans n'importe quel texte mais de montrer comment, au moyen d'une vision-crible, il est possible d'arracher à la page saturée des bribes échappant aux diktats de la narration, de la description, du dire. Le poème, par essence, est un texte qui avance par sursauts: la coupe, le rejet, l'enjambement, le blanc… S'il avance troué, c'est pour mieux faire résonner zones d'ombre et espaces vierges. De la sorte, le caviardage-Suel répète l'antique bégaiement des pythies tout en réalisant le rêve d'une poésie faite par tous – l'auteur a d'ailleurs partagé sa "technique" lors d'ateliers d'écriture. Inactuel, le poème-express? Ou, au contraire, terriblement pertinent?</p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEivAEDDkSy70xU_y-oFUwczw5YmLx5_b-kBNEDUul2Mh2HuVsDBedlC2dSqadKP8-kT7pvWNAUgK5-tT9HcuulmC5ifN7ASmfP0GVFvlSgAe9YHiB8IwEJkMJbO7KxgXvzEKx-0ego3BAr6VrbZ7KGXfHV58FuCHZ-SXa8yFZxbM_y55fqf4TJ6U17cqcA/s1304/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-12%20a%CC%80%2007.41.54.png" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1184" data-original-width="1304" height="582" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEivAEDDkSy70xU_y-oFUwczw5YmLx5_b-kBNEDUul2Mh2HuVsDBedlC2dSqadKP8-kT7pvWNAUgK5-tT9HcuulmC5ifN7ASmfP0GVFvlSgAe9YHiB8IwEJkMJbO7KxgXvzEKx-0ego3BAr6VrbZ7KGXfHV58FuCHZ-SXa8yFZxbM_y55fqf4TJ6U17cqcA/w640-h582/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-12%20a%CC%80%2007.41.54.png" width="640" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">__________________________</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><b>Lucien Suel, <i>Le Livre des poèmes express</i>, éd. Dernier Télégramme, 35€</b></div><br /><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-23879383313624357872023-10-06T07:00:00.001+02:002023-10-06T07:00:00.146+02:00Venaille pour mémoire: parmi les écorchés, et à jamais<p style="text-align: justify;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhnggIk-AYzmsUCEgKd1vOLCDxw31mASJcJgLqTyhC-nWIymZNv_Zk4zcn8kLFw4Y43XNjY4M5u9cD-1LRXnnN4BuSPfUVXtNPpkm-LgpREaUlOf39dShbc8tfEcNbdBaI6ydEuHaGX_NiGuoesZYm4CVBYpfbGzjoiNuhEj7CHVLFhKUuSfCfhxPBzYfQ/s948/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-05%20a%CC%80%2020.47.18.png" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="948" data-original-width="704" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhnggIk-AYzmsUCEgKd1vOLCDxw31mASJcJgLqTyhC-nWIymZNv_Zk4zcn8kLFw4Y43XNjY4M5u9cD-1LRXnnN4BuSPfUVXtNPpkm-LgpREaUlOf39dShbc8tfEcNbdBaI6ydEuHaGX_NiGuoesZYm4CVBYpfbGzjoiNuhEj7CHVLFhKUuSfCfhxPBzYfQ/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-05%20a%CC%80%2020.47.18.png" width="238" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><i><span style="font-family: trebuchet;">Germaine Richier, Christ en croix</span></i></td></tr></tbody></table><br />Même si vous avez tous les textes publiés par <b>Franck Venaille</b> (or ce n'est pas évident, car plusieurs sont épuisés), même si vous avez sur vos étagères <i>Capitaine de l'angoisse animale</i>, cette auto-anthologie géniale parue en 1998 (Obsidiane/le Temps qu'il fait), même si vous ne connaissez de F. Venaille que ses derniers textes parus au Mercure de France, même si vous ne connaissez pas du tout Franck Venaille, sachez que désormais vous n'aurez plus aucun prétexte pour passer entre les gouttes de sueur et de sang qui vous masquaient ce poète majeur.</p><p style="text-align: justify;">Avec <a href="http://www.editionslateliercontemporain.net/collections/litteratures/article/avant-l-escaut"><i><b>Avant l'Escaut</b></i>,</a> monumentale anthologie de ses poésies & proses écrites entre 1966 et 1989, que publie aujourd'hui un indispensable éditeur de textes uniques – L'Atelier Contemporain – somme monstre et vivante, c'est la violente naissance et la têtue avancée singulière de l'homme Venaille qui est désormais disponible et dévorable. On ressent à sa lecture un peu ce qu'on a ressenti quand, au <i>… Et nous n'apprîmes rien (1962-1979) (</i>Flammarion<i>)</i> de Mathieu Bénézet succéda, quelques années plus tard, l'immense <i>Mathieu Bénézet, Œuvre (1968-2010) </i>édité par Yves di Manno : la sensation de posséder, en main, en corps, l'essentiel d'un travail appelant la quasi exhaustivité. Un corpus, sinon christi, du moins précieux. Une somme vitale.</p><p style="text-align: justify;">Cette anthologie a le mérite de nous donner des textes difficiles à trouver, ceux par lesquels l'engagé et jeune Venaille entre en poésie, alternant déjà prose et vers, comme déjà en témoignent, à la fois rugueux et souples, <i>Papiers d'identité </i>et <i>L'Apprenti foudroyé</i>. Formant bloc malgré la pluralité des lézardes qui clament, chez l'auteur, un besoin de se déclasser sans cesse de la production contemporaine tout en s'y frayant un chemin susceptible d'innerver cette dernière, cette anthologie remet Venaille à sa place aussi prédominante que marginale. A la fois lyrique par l'exploration de la douleur intime et formaliste par l'invention d'une syntaxe-syncope, traitant la ponctuation comme un souffle nécessitant des coups bas, Venaille, qui fit de la nostalgie une arme à deux tranchants et de la géographie une matrice-genitrix à arpenter sans cesse, est un poète profondément défroissé, tiraillé par des récits impossibles, des espaces clos, des horizons brouillés, des corps traversés.</p><blockquote><p style="text-align: justify;">"et non pas l'apparence immédiate des choses des êtres des situations non pas leur langage évident celui qui transparaît à chaud qui parfois même devant son évidence nous choque voire nous bouleverse mais bien la face cachée de chacun d'entre nous l'interprétation des silences de ses provocations non pas l'histoire contée par tel ou telle mais bien la recherche opiniâtre douloureuse l'approche fût-elle même ambiguë de la complexité de l'autre autrui pour nous-mêmes Autrui en nous-mêmes et nous mêmes tels que nous voudrions avec parfois tant de maladresse nous voir dans le regard de celui ou de celle de qui fût-ce une nuit une heure nous attendons la double révélation de la chair de la pensée telle qu'enfant elle nous était promise devant le miroir déformant" (p. 255)</p></blockquote><p style="text-align: justify;">Capable de vers aussi brefs que des sanglots-hoquets que de vers-phrases en folle chevauchée narrative, il n'a eu de cesse d'étourdir l'intime pour mieux rendre le vertige d'exister. Se qualifiant lui-même d'"ancien enfant", attaché autant à son onzième arrondissement – comme au cercle d'un glorieux cercle infernal – qu'aux paysages fluviaux d'un bas et brumeux pays, abîmé par la guerre d'Algérie, pénétré de peinture et de musique afin qu'en lui les formes les plus bleues (Monory) renaissent carnées, il est, dans sa déchirante sincérité et son exigence graphique, ce qui aurait de tout temps manqué à la poésie: l'aveu d'une tristesse trop humaine que seules des forces poétiques ont réussi à élever au rang d'élégie épique, géographique, politique, érotique.</p><p style="text-align: justify;">Surprenant à chaque ligne crachée, tendue, filée, plus souvent nu que vêtu, jamais plus universel que lorsqu'il s'offre en écorchures, admirablement pop quand nécessaire, gourmand d'extases, épris de technique, concret jusqu'au cul et cru des sensations, Franck Venaille ne cesse de nous apparaître comme un poète futur qui déjà nous manque. Cet <i>Avant l'escaut </i>nous le rappelle et nous le ressuscite dans toute sa sidérante vérité.</p><p style="text-align: justify;"><i>P.-S: Toute ma gratitude à l'éditeur, François-Marie Deyrolle, qui a eu ce geste fort de m'envoyer ce volume, que j'ai trouvé dans ma vieille boîte aux lettres de campagne envahie de ronces "pénitentes".</i></p><p style="text-align: justify;">__________________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Franck Venaille, <i>Avant l'Escaut – Poésies & Proses, 1966-1989</i>, édition de Stéphane Cunescu, préface de Marc Blanchet, éditions L'Atelier contemporain, 30 €</b></p><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-61060635650944259042023-10-05T19:38:00.004+02:002023-10-06T07:22:00.166+02:00"Ma plainte est sans reproche": Nathanaëlle Quoirez et ses lettres depuis la langue<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEie2_lTcx-LIjpGXxMBcxLd4Ohes5pE8JBCHJuvuzMc7Pp3dYcvqun6Jln0C6eZpAAxcS8xfWuBuCaKyUObwtkZBAymssc2-JV5jBGUEJtu7MmnAdniCg54s_zUY25_czpv1wZ6AwIYdHupfsW4E0ciq4UGBNreiEXH_4OUfWfwUQXPWcqGzDIBVNNv6Fw/s988/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-05%20a%CC%80%2019.37.17.png" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="438" data-original-width="988" height="142" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEie2_lTcx-LIjpGXxMBcxLd4Ohes5pE8JBCHJuvuzMc7Pp3dYcvqun6Jln0C6eZpAAxcS8xfWuBuCaKyUObwtkZBAymssc2-JV5jBGUEJtu7MmnAdniCg54s_zUY25_czpv1wZ6AwIYdHupfsW4E0ciq4UGBNreiEXH_4OUfWfwUQXPWcqGzDIBVNNv6Fw/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-10-05%20a%CC%80%2019.37.17.png" width="320" /></a></div><div style="text-align: justify;">Les lettres, on le sait, sont comme des flèches lancées sur un destinataire, mais c'est parfois le sifflement qu'elles inscrivent dans l'air qui en dit le plus sur elles, leur vélocité, leur intention, leur puissance de pénétration. Dans <b><i><span style="font-family: georgia;">Lettres à Madame</span></i>, Nathanaëlle Quoirez </b>s'adresse, par lettres et poèmes, à une "Madame" dont les visages, anonymes et forcément multiples, vont jouer tantôt comme des miroirs, tantôt comme des cibles, tantôt comme des trous noirs, tantôt comme des surfaces élastiques qui renverront les flèches. Ce qui est dit, ou plutôt écrit, est adressé, c'est-à-dire envoyé, et cet envoi se veut également envol, aspiration. Si nombre de lettres sont teintées d'une aura mystique, voire gnostique, où l'extase n'est approchée qu'à travers un corps pétri de doutes autant que de désirs. Et la beauté souvent fulgurante de ces lettres tient à leur scansion très particulière, une scansion qui, quoique heurtée, cassée, accède à une étrange fluidité:</div><p></p><blockquote><p style="text-align: justify;">"Madame, / remparts de vos bras sanctuaire, l'attache de vos cuisses une poignée de sable. toute petite je tremble, madame. du front crispé ma <i>foutrée</i> vide à votre jardinet. votre main, grand pleuroir. depuis vos courbes je m'effondre et pense: autisme, shoklen, le nom est différent pour chaque ange du seigneur. ai déshabité pour retourner à ma naissance: passer ma vie au lit. je dors au pied des médecins, penser suicide par le cœur me refait […]."</p></blockquote><p style="text-align: justify;">S'effondrer et penser: double mouvement, parallèle ou simultané, par quoi le désir – charnel, idéel, scriptural – apprend à se réinventer pour mieux saisir sa proie sans cesse fuyante. Ici, par d'échange, pas de lettres de "Madame", celle qui écrit est seul dans le désert de la missive, et n'a que sa voix écrite pour mener la charge de cet amour courtois (discours/toi?). Ici, le vouvoiement, ainsi que la syntaxe, conspire à forger un lien épistolaire illusoirement archaïque, car la virulence des affects et l'intensité sexuel permettent à ces lettres d'imaginer d'autres liens que révérencieux. Une douleur d'être impose ses règles et ses exigences à celle qui, finalement, n'a pas le droit à la parole, recluse dans une prudente dormition. Et c'est dans l'aveu d'une bouche blessée qu'est signifié la nécessité de faire chant:</p><blockquote><p style="text-align: justify;">"madame, / la bouche cherche de quoi se désarticuler. au muscle d'écriture la mémoire s'est lassée, blanche, revenue blanche. ce <i>cogne-tambour</i> de peau insubmersible se charrie par vos et mon, <i>soi?</i> est un jour post mortem, il dort. me barricade et me ponds de sang et de gelée sans extruder fœtus pour la pierre à caveau. mon pays s'est piégé de mourir sans le faire. dire me fait bègue. parole reprisée supplie votre lumière, madame. […]"</p></blockquote><p style="text-align: justify;">Quelque chose des <i>Suppôts et suppliciations</i> d'Artaud résonne en arrière-fond de ces lettres qui nous donnent à entendre une syntaxe singulière, où l'article défini apparaît et disparaît, où des hiatus surgissent, des trouées, les énoncés se succédant comme "un heurt indescriptible d'avortements" (Artaud), mais portés par cette vélocité dont nous parlions au début, celle de la flèche, qui mêle caresse et gifle. On ne peut, à cette lecture, que devenir cible-lecteur.</p><p style="text-align: justify;">______________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Nathanaëlle Quoirez, Lettres à Madame, éditions Lurlure, 15€</b></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-70986671718204136202023-09-22T17:32:00.006+02:002023-09-22T17:49:34.673+02:00Proust familier : du côté de Murat <p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi_qzfxuGFhVjdu2l4lre61c7nuk51_MenZ1Kb6xQu-_AVTXD1Bg1Drl8F3Kr39aPs3-SpXILV7Y0BHI26JZLs-RymId6FEtWcVL7GT_3pXQV7ylWIpBjmSaYEPoqwR3-lTBN5w-wgSIFk4OUDuRI13_kRluW8F4OcRLb8EJM0VSrdAFWxcAWLAj5w4QpU/s1196/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-09-22%20a%CC%80%2017.27.38.png" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="746" data-original-width="1196" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi_qzfxuGFhVjdu2l4lre61c7nuk51_MenZ1Kb6xQu-_AVTXD1Bg1Drl8F3Kr39aPs3-SpXILV7Y0BHI26JZLs-RymId6FEtWcVL7GT_3pXQV7ylWIpBjmSaYEPoqwR3-lTBN5w-wgSIFk4OUDuRI13_kRluW8F4OcRLb8EJM0VSrdAFWxcAWLAj5w4QpU/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-09-22%20a%CC%80%2017.27.38.png" width="320" /></a></div><br />S'il est bien un livre sur Proust et sur <i>La Recherche</i> qui mérite ces derniers temps, parmi la pléthore de publications consacrées à cet auteur, qu'on s'y attarde, c'est bien <i><b>Proust, roman familial</b>,</i> de <b>Laure Murat</b>, et ce pour plusieurs raisons (au moins vingt par pages), dont les moindres ne sont pas les suivantes: Tout d'abord, l'auteure bat en brèche quelques idées reçues: non, <i>La Recherche</i> n'est pas une description fascinée de l'aristocratie, car elle ne cesse de lever le voile sur sa vulgarité et son ignorance, ses raideurs et ses faux plis; non, <i>La Recherche </i>n'est pas une montagne inaccessible, cent trente heures de lecture ne sont pas le bout du monde, et c'est plus la glose qui entoure Proust qui effraie que l'œuvre elle-même; non, tous les personnages de <i>La Recherche</i> n'ont pas tous un nom imaginaire; et non la littérature n'est pas la vie: c'est la vraie vie.<p></p><p style="text-align: justify;">Cette dernière assertion – qu'on doit à Proust – résonne fort après avoir lu le livre de Laure Murat, car non seulement elle sait de quoi elle parle (elle a lu Proust avec fièvre et finesse), mais elle sait aussi d'où elle vient, à savoir du monde même qu'a décrit Proust dans son grand œuvre. Un monde qu'elle a laissé derrière elle, violemment, en même temps que sa famille et ses privilèges, mais dont elle a gardé en filigrane, en palimpseste, dans sa mémoire, une multitude de souvenirs et de sensations qui rendent sa lecture de <i>La Recherche</i> plus que précieuse. Plutôt que d'épiloguer sur une histoire de transfuge de classe – puisque passer de la noblesse d'Empire à l'amour de la littérature est une opération un peu plus complexe et particulière –, on préférera souligner l'architecture du livre de Laure Murat qui donne l'impression de se promener dans un vaste château (elle-même déploie cette image), où certaines pièces sont décorées par Proust mais commentées par d'autres (ceux qui l'aiment, ceux qui n'aiment pas s'y reconnaître), et d'autres habitées par les spectres à particule que le jeune Marcel admira un temps avant de les poudrer de toiles d'araignée.</p><p style="text-align: justify;">L'incessant chassé-croisé entre anecdotes réelles et textes de Proust, entre souvenirs personnels et situations proustiennes, le dialogue tantôt drôle, tantôt poignant, entre la jeunesse de l'auteure et les méandres de <i>La Recherche</i> étoffent d'une vibration supplémentaire notre perception de cette dernière. Oreille absolue, œil impitoyable: Proust, ainsi que nous le rappelle Laure Murat qui entendit et vit, enfant, des saillies et des scènes ayant souvent leur contrepoint dans la partition à la fois rapportée et réorchestrée par celui-ci, s'est voulu sismographe d'une époque et d'un milieu dont il devinait, sous les vrais ors et la fausse insouciance, l'empire grandissant des ruines.</p><p style="text-align: justify;">Laure Murat se penche également sur la question sexuelle dans <i>La Recherche</i>, et grâce à d'imprévues découvertes dans les archives de la Police, nous aide à porter un regard neuf sur qui fait quoi, comment, et peut-être pourquoi, dès lors que la maison n'est plus de maître mais close. Car c'est bien souvent de cela qu'il s'agit, dans <i>La Recherche</i>, nous dit-elle: une histoire de genre et de domination, et non pas juste "trop de duchesses" comme l'ont cru autrefois certains premiers lecteurs. Et c'est pourquoi l'auteure, en s'affirmant hors et face à sa caste, en vivant sa sexualité hors le palais de verre de l'hypocrisie aristocratique, peut affirmer, à la fin de son livre, que "Proust l'a sauvée". </p><p style="text-align: justify;">____________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Laure Murat, <i>Proust, roman familial</i>, Robert Laffont 20€</b></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-38802176881275235952023-09-14T06:30:00.003+02:002023-09-18T05:32:15.425+02:00Camus en mille Meursault<p style="text-align: justify;"> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgidWYss-OJtm2mIxiTRNKYeNp3vwQVDh14GB_Xad3IjRsk3IH9q2fj8syNMkYE8tuAp7uOe_iAMfuZrr6Rlh9lBdb0nXPninzj9YNHFRZ8xjB-KKcHb5QJflHUsLYldvzi8hOwQrPqialkTJh_SMIPzoGO3uvq6y0GTJvm4lAleqXEviB_pXhUEHi8e3M/s924/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-09-04%20a%CC%80%2011.50.54.png" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="636" data-original-width="924" height="220" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgidWYss-OJtm2mIxiTRNKYeNp3vwQVDh14GB_Xad3IjRsk3IH9q2fj8syNMkYE8tuAp7uOe_iAMfuZrr6Rlh9lBdb0nXPninzj9YNHFRZ8xjB-KKcHb5QJflHUsLYldvzi8hOwQrPqialkTJh_SMIPzoGO3uvq6y0GTJvm4lAleqXEviB_pXhUEHi8e3M/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-09-04%20a%CC%80%2011.50.54.png" width="320" /></a></div><br />Certains écrivains ont une réputation, d'autres quasiment une aura, alimentée non par la lecture ou l'étude de leurs textes, mais par le fantasme qu'on s'en fait en fonction d'intérêts propres. Une fois adoptés par le plus grand nombre, ils voient leur pensée se diluer dans le premier système venu, dès lors qu'ils peuvent servir à neutraliser d'autres écrivains. Ainsi en va-t-il de Camus, chantre supposé de l'humanisme sous la bannière duquel n'hésitent pas se rallier des individus aux intérêts divers, mais aux antipathies commune (l'une d'elle ayant le nom de Sartre). Tout le mérite du livre d'Olivier Gloag – <i>Oublier Camus</i> – est de remettre les pendules à l'heure sur l'auteur de <i>La Peste</i>, et de pointer les contre-sens des petits maîtres horlogers qui prennent ce denier pour patron:<p></p><p style="text-align: justify;"></p><blockquote>"Les champs littéraire, politique et culturel, dans un unanimisme rare, s'appliquent à faire de Camus un saint laïc, un humaniste, un philosophe, un militant anticolonialiste, un résistant de la première heure, un homme épris de justice et opposé à la peine de mort, un grand écrivain. Cette vision – au sens premier du terme – s'accorde avec une France qui tient à faire oublier son passé impérial et à ignorer son présent néocolonial." (p.17)</blockquote><p></p><p style="text-align: justify;">Gloag ne cherche pas à "dézinguer" la statue-Camus – aucun ressentiment ni aigreur dans sa démarche. S'il tance qui que ce soit, ce sont plutôt ces thuriféraires roublards qui, à l'encontre des écrits de Camus, l'attifent d'un blanc virginal, ô combien bienvenu dès lors qu'il s'agit de masquer certaines souillures historiques. Il était temps, en effet, d'aller au-delà d'une admiration justifiée pour l'œuvre et de pointer certaines failles de l'humanisme camusien. On a beaucoup – ou pas assez? – glosé sur le fait que dans <i>L'Etranger</i> aucun Arabe n'est désigné par son nom, ainsi que sur l'absence totale d'Arabes dans <i>La Peste</i>, mais en revanche on a fort peu, je crois, souligné cet autre fait qu'est la condamnation à mort de Meursault, condamnation qui dans la réalité coloniale aurait eu peu de chance d'être prononcée, les meurtres d'Arabes par des colons étant alors monnaie courante et quasiment jamais sanctionnés par la justice française.</p><p style="text-align: justify;">Gloag, bien sûr, ne s'en tient pas à une lecture des œuvres littéraires de Camus, il s'attarde également sur ses déclarations et prises (ou absences de prises) de position, notamment concernant les massacres de Sétif ou le sort réservé aux membres du FLN, ainsi que sur des sujets comme la peine de mort. Souvent flottant, parfois embarrassé, Camus n'est pas cet être entier dévolu aux justes et bonnes causes que d'aucuns, comme Onfray par exemple, expert en contre-vérités, voudraient nous faire croire. Le seul fait de jouer l'atout Camus contre le joker Sartre en dit long sur les raisons d'aimer saint Albert. Et le torrent critique énamouré qui a suivi la publication de la correspondance Camus-Casarès est révélateur lui aussi d'un propice aveuglement: les lettres de Camus à Casarès seraient de parfaites stations de croix de la passion amoureuse, alors qu'en les lisant apparaît clairement un Camus jaloux, égocentré, plaintif.</p><p style="text-align: justify;">Gloag ne cherche pas, on l'a dit, à diminuer Camus à nos yeux, seulement à rappeler quelle fut sa place, et quelles ses postures au cours de ces fragiles décennies pendant lesquelles il fut amené à élaborer un discours, puis un silence, sur le drame algérien. C'est moins son œuvre – disponible à qui sait lire – que la réception de celle-ci qui est éloquente, réception allant jusqu'au merchandising. Adoubé par Macron ou Onfray sous prétexte d'humanisme universaliste, Camus est devenu, au fil des ans et des bacs, un faire-valoir, au lieu de rester cet écrivain pétri d'ambiguïtés, qui, à l'inverse d'un Sénac ou d'un Sartre, refusa de dénoncer clairement le colonialisme français. C'était lui rendre justice que de l'extirper des griffes molles de ses douteux laudateurs.</p><p style="text-align: justify;">______________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Oliver Gloag, <i>Oublier Camus</i>, La Fabrique éditions, 15 euros</b></p><p style="text-align: justify;"><br /></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-41611999627217744332023-09-04T08:51:00.001+02:002023-09-04T08:51:34.418+02:00Le temps des trépigneurs: Yves Pagès, libre roue<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg_Q_YAa-Iv0rBuW9GUXzc3Vq7YfVtDszaaNTGVLFJEmVBdC13aYjlVSlfjNACISigF0xmeASYx3YrkShnnIlMWEqf2kiaGvd_0uxLLV3ky-IY9I96W1ZR5M4gd9747ax5VWcVwOw-jLYOvjisXh41LefM53YVtJUNzgUpTn9WdRPZPLXw88Q0HYf1AwV4/s938/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-09-04%20a%CC%80%2008.46.04.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="938" data-original-width="694" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg_Q_YAa-Iv0rBuW9GUXzc3Vq7YfVtDszaaNTGVLFJEmVBdC13aYjlVSlfjNACISigF0xmeASYx3YrkShnnIlMWEqf2kiaGvd_0uxLLV3ky-IY9I96W1ZR5M4gd9747ax5VWcVwOw-jLYOvjisXh41LefM53YVtJUNzgUpTn9WdRPZPLXw88Q0HYf1AwV4/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-09-04%20a%CC%80%2008.46.04.png" width="237" /></a></div><br />Les idées fixes ont-elles vocation à faire du sur-place? Le progrès aime-t-il à mouliner? Tourner en rond permet-il d'avancer? Ces questions, qui semblent tout droit sorties de l'esprit d'un moderne savant Cosinus, on les croisera dans <i>Les Chaînes sans fin</i>, ou l'incroyable et véridique <i>Histoire illustrée du tapis roulant</i> d'Yves Pagès, arpentage fouillé et quasi exhaustif d'un motif qui pourrait fort bien se révéler une des clés du soi-disant progrès à l'ère capitaliste.<p></p><p style="text-align: justify;">Tapis magique réservé à l'homme domestiqué, manège à hamster générant sa propre force motrice, escalier se mangeant la queue en mode ouroboros, le plan à la fois stationnaire et mobile qu'est le tapis roulant devient, sous la plume aussi facétieuse qu'exégétique de l'auteur, un tremplin théorique menant à toutes sortes de bonds pratiques. Non pas prétexte à une relecture mécaniciste de l'histoire industrielle, mais véritable point névralgique de forces coïncidentes, autrement dit: comment transformer l'idée lunaire de mouvement perpétuel en praxis rotative (et mettre au pas les agités).</p><p style="text-align: justify;">De quelle volonté d'asservissement le tapis roulant est-il le nom? Pagès passe en revue et fait défiler ses innombrables avatars, depuis le manège à tabler sans fin d'Emeric Lexis-Détève jusqu'au tapis de course des salles de fitness, en passant par la trépigneuse agricole, l'hippodrome stationnaire, la cage d'écureuil, l'escalier éternel, le moulin disciplinaire, le trottoir roulant, la bande transporteuse, la ligne d'assemblage, etc. Le livre de Pagès pourrait à première vue s'apparenter, motif oblige, à un diabolique rolodex donnant à voir, en un effeuillage systématique et vertigineux, toutes les variantes industrielles, ludiques, punitives et sportives de ce qui, au début, n'était qu'une simple courroie mise en boucle, et il est vrai que l'auteur se défend d'emblée d'avoir voulu se lancer dans un "récit téléologique", lui préférant "l'écriture fragmentaire", d'un esprit plus "erratique et digressif". Mais ce serait sans doute se tromper que de réduire son essai à un fourmillant catalogue manufrancien de cet infernal ruban de möbius : généalogique dans sa démarche, critique par sa charge (et sa masse), cette <i>Histoire illustrée du tapis roulant</i>, parce qu'elle met à jour impitoyablement ce qui semble être le "sale petit secret" du Kapital, son projet sisyphéen et mortifère, brille d'une cohérence admirable, à la fois en soi de par sa construction en symbiose avec son sujet, et de par toutes sortes d'échos résonnant avec l'œuvre et le travail de son auteur.</p><p style="text-align: justify;">En effet, que ce soit dans ses fictions ou ses essais, Pagès n'a cessé et ne cesse d'établir des liaisons entre les innombrables dispositifs d'aliénation, et ce en faisant délirer leurs motifs ou contre-poisons souvent insoupçonnés – les pigeons voyageurs, la meute, la collection, le labyrinthe, la statistique, etc. – ou en auscultant certaines figures ou personnalités – le savant, l'apache, l'enfant, Céline, Liabeuf, Ford, etc. Mais aussi en photographiant la ville, en compilant les graffiti, en décryptant les postures sociales et idéologiques, et sans doute dans ses choix d'éditeur. La cohérence politique (et littéraire) de son travail, que renforce paradoxalement sa stimulante hétérogénéité, se voit, avec cette herméneutique de la roue libre (et oppressive), hissée à un nouveau plan. Telle cette machine à rouages médiévale mise à jour par l'ingénieur Agostino Ramelli – "le Diverse et artificiose machine" –, le corpus pagésien est une force motrice redoutable, d'autant plus redoutable que sa rigueur exégétique se double d'un rire délicieusement luddiste.</p><p style="text-align: justify;">___________________________</p><p style="text-align: justify;"><b>Yves Pagès, <i>Les Chaînes sans fin, histoire illustrée du tapis roulant,</i> éd. Zones (La Découverte), 20€</b></p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-33368907466531617182023-08-29T09:35:00.002+02:002023-08-29T09:35:53.742+02:00L’ÉLÉPHANT SE LAISSE CARESSER ; LE POU, NON<div style="text-align: justify;"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWNvMP-__JBNBwFOEzDEDQ1frKY6AshiZ2o3pufxhz8G_vToWIAeTg7dyHd360xFqdbGrTaq3480Wy2RItSRLpRGuZZWTTMRZFD-wxcXNn9DVQRmo1Pk8AUQTipSDaKI93amRq8Nush_gCz_DWti2oiPRGCwl7xni2LkwP0nWJKX-fRh8T0xB_ZjJwrPw/s952/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-08-29%20a%CC%80%2009.33.54.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="952" data-original-width="722" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWNvMP-__JBNBwFOEzDEDQ1frKY6AshiZ2o3pufxhz8G_vToWIAeTg7dyHd360xFqdbGrTaq3480Wy2RItSRLpRGuZZWTTMRZFD-wxcXNn9DVQRmo1Pk8AUQTipSDaKI93amRq8Nush_gCz_DWti2oiPRGCwl7xni2LkwP0nWJKX-fRh8T0xB_ZjJwrPw/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-08-29%20a%CC%80%2009.33.54.png" width="243" /></a></div><br />"L'éléphant se laisse caresser; le pou, non", a écrit Lautréamont. Je pense
qu’on peut ajouter le livre en cours à l’<i>acarus sarcopte</i> du père Ducasse. Oui,
ce livre-pas-encore-livre dont on a cru, plan à l’appui, qu’il aurait
l’obligeance de se plier à nos désirs d’écriture et nos velléités
d’architecture. Pour lui, on a sillonné le champ des possibles, repéré des
impasses, prévu des bifurcations, envisagé d’autres dénouements, histoire de lui
laisser un peu de marge, une illusion de liberté, et ce afin qu’il s’ébroue
insolemment telle un étalon de feu dans les vastes pâturages de notre fichier
Word. Tu parles ! Ficelé, le gigot gigote. L’étalon détale. Le fichier s’en
fiche. Il change de visage comme s’il prenait plaisir à tirer un trait sur les
traits qu’on lui a tirés, le traître !</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Après avoir constaté ce phénomène quasi
météorologique à chaque livre, j’ai fini par me dire que le livre avait ses
raisons que la raison de l’auteur ne connaît pas. A cela, je ne vois qu’une
explication : nous concevons une structure pour ainsi dire mécanique, puis notre
écriture, qui obéit à des forces nous échappant bien souvent, permet à cette
mécanique de migrer peu à peu dans la sphère de l’organique. Le gigot s’anime.
Et c’est tant mieux, car nous devons alors écouter ce que le livre veut nous
dire, deviner l’endroit où il souhaite nous emmener. Si nous le forcions à aller
de A à Z, il y a de grandes chances pour qu’il capitule avant la lettre Q (voir
avant la lettre F). C’est ce que j’appelle, merci Sam Beckett, « rater mieux ».</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Plusieurs facteurs aident à ce déraillement. Ça peut venir des recherches
nécessitées par le livre. On tombe en cours d’écriture sur des faits qui
modifient la donne, des infos bien trop tentantes pour qu’on hésite longtemps à
les inoculer dans le corps du manuscrit – on verra bien s’il nous fait une
allergie ! Quand j’ai écrit <i>Bunker Anatomie</i>, j’ai voulu confronter deux regards,
celui d’une Méduse moderne et celui d’un sniper. J’avais prévu de décrire leur
affrontement sur une page (sic) de Normandie. Une fois les chapitres écrits,
j’ai voulu passer à cette bataille oculaire, qui aurait été un grand moment de
battements de cils et de rétrécissement de pupilles, façon Sergio Leone. Tu
parles (bis) ! Le livre avait d’autres intentions, d’autres tours dans son sac.
Je me suis retrouvé à écrire une sorte de long monologue extérieur dans lequel
s’électrisaient, se repoussaient, se frottaient toutes sortes d’éléments.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Quand
j’ai écrit <i>La Maison indigène</i>, je voulais explorer un pan de mon passé laissé en
rade, visiter une maison construite par mon grand-père. Résultat : le livre m’a
conduit aux portes mêmes du père mort. Merci, vraiment, je n’en demandais pas
tant. J’adore concevoir des plans tarabiscotés pour le livre en cours. Mais je
l’entends grincer, un peu comme un trop blanc glacier (pensez banquise, pas le
type dans son camion). Il veut aller se faire écrire ailleurs, autrement. Il
veut quoi ? Ma peau trouée ? Tant mieux, il l’aura.</div><div style="text-align: justify;">__________________________</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">[Texte paru dans le numéro Printemps-Eté 2023 de la revue <i><b>Décapage</b></i> (n°67), sur le thème "Le livre que je pensais pas écrire: quand le roman échappe à son auteur]</div>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-87064597211723827362023-08-19T10:18:00.001+02:002023-08-19T10:19:17.982+02:00Les mêmes intraduisibles mots enchanteurs de Lovay<p style="text-align: justify;">C'est la rentrée littéraire, apparemment. Raison de plus pour vous parler de <i><b>Chute d'un bourdon</b></i> de <b>Jean-Marc Lovay</b>, cet écrivain suisse assez mal connu en France, grand voyageur et grand phraseur (au sens noble) dont l'œuvre n'est pas sans rappeler celle d'Eugène Savitzkaya ou encore celle de Christian Guez Ricord, voire celle de Jean-Luc Parant (tous créateurs de langues célibataires, involutées, mesmériques). Publié ici par Gallimard en 1976, qui le lâcha quatre ans plus tard, puis édité très fidèlement en Suisse par les merveilleuses éditions Zoé depuis 1985, sans oublier un titre repris aux éditions Verticales (<i>Aucun de mes os ne sera troué pour servir de flûte enchantée</i>, 1998), Lovay tisse depuis plus de quatre décennies une partition identifiable immédiatement à sa langue "enchantée", une langue qu'on dirait ensorcelée à plus d'un titre: d'abord par la longueur de ses phrases, qui s'articulent telles des formules magiques dissimulant, mais seulement en partie, comme si elles étaient ajourées, un sens autre; ensuite par l'intensité soutenue de sa prose qui agit sur le lecteur comme un hyper mantra.</p><p style="text-align: justify;"><table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEig2SE6sQMD60yXMV1mqXMM9v3m2s-BOhy8F0_-pGlz5ExgiU3ZW-Q1KV2jql0BUx6t0nNAGRtCCa7jsyuPVC2v5kUHA-J4TRnt44JLGAjQwZs2Xcx05Bw-8zMUMEjpdVbviGdpHcyp_8O1k0X_CG2nnuBi441_WGorOnkN-qRGW_IaVVPUiBuLoTgXbT4/s906/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-08-19%20a%CC%80%2010.14.58.png" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="906" data-original-width="674" height="325" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEig2SE6sQMD60yXMV1mqXMM9v3m2s-BOhy8F0_-pGlz5ExgiU3ZW-Q1KV2jql0BUx6t0nNAGRtCCa7jsyuPVC2v5kUHA-J4TRnt44JLGAjQwZs2Xcx05Bw-8zMUMEjpdVbviGdpHcyp_8O1k0X_CG2nnuBi441_WGorOnkN-qRGW_IaVVPUiBuLoTgXbT4/w242-h325/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-08-19%20a%CC%80%2010.14.58.png" width="242" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">© Adolf Wölfli</td></tr></tbody></table><br />D'emblée, le lisant, on assiste au déploiement d'une syntaxe qui, tout en tenons et mortaises, propose une architecture mentale à la fois exigeante et excitante. Ici, le sens ne peut apparaître que si, lisant, on ne lâche rien tout en s'abandonnant, et c'est dans ce double mouvement accordéonien qu'opère la magie Lovay.</p><p style="text-align: justify;"></p><blockquote style="text-align: justify;">"Et je vivais tout entier dans la vie d'un de ces jours qui s'était lui-même évadé de la durée de tous les autres jours pour rejoindre ce matin-là où je n'étais pas réveillé par la lumière du matin mais où c'était moi qui réveillais la lumière pour lui demander de m'éclairer, pendant cette journée que je ressentais déjà comme une de mes journées innombrables d'employé à l'observation et aussi comme la toute première nouvelle journée où je pouvais envisager la possibilité d'un emploi qui durerait tant que je pourrais survivre aussi discrètement et secrètement que dans son insondable obscurité survivraient l'invérifiable identité et l'incontrôlable personnalité de mon invisible employeuse […]."</blockquote><p></p><p style="text-align: justify;">Nulle difficulté lexicale, nul chausse-trape syntaxique, pas d'entourloupe phonique – mais une simple et lente progression phrastique, à tendance rhizomique, donnant accès à une conscience ancrée dans une logique mentale unique. Lovay parvient ainsi, par cet échelonnement de la pensée, à créer un récit où l'anomal est la règle. En traitant les sensations aussi bien que les raisonnements comme des unités de langage qu'il convient de décaler et d'imbriquer, il crée un supra-réalisme où, si le sens peut sembler fracturé, les significations, elle, ne cessent de croître et proliférer, selon des rituels aussi précis que troublants.</p><p style="text-align: justify;">Dans <i>Chute d'un bourdon</i>, tout est passible d'animation, d'âme, de chaleur. Sous ses allures de roman de formation (ou déformation), de par sa voix confessionnelle qui a quelque chose de beckettien (le verso dorée de <i>L'innommable</i>?), le texte propose un patient éblouissement de notre entendement. Lisez Lovay, et apprenez à respirer dans l'eau de ses phrases, vous verrez, vous muterez, muterez encore, muterez mieux.</p><p style="text-align: justify;">______________________</p><p style="text-align: justify;">Jean-Marc Lovay, <i>Chute d'un bourdon</i>, éditions Zoé (2011)</p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-9816871335372242782023-06-14T11:01:00.002+02:002023-06-14T11:01:35.333+02:00Les faits, rien que l'effet des faits<p style="text-align: justify;"><b></b></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><b><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjNlDnqdd5d5InjlqUBp3tR6uZmdDPVTWH-p3HlzguSYj_4pP5Mk4rToNQooDMoenhSogDLtcjHlNkh3soMrHYDJnfzEa9Ji8YKLA295mvcTiNV1fl5Rdhl0Xv991DP2ecCBsiaW5NN617ftkBoNHriVp8ZttMW3nOBys3sPj_hKzI33wyTDpJxM_EZ/s418/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-06-14%20a%CC%80%2010.57.17.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="418" data-original-width="344" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjNlDnqdd5d5InjlqUBp3tR6uZmdDPVTWH-p3HlzguSYj_4pP5Mk4rToNQooDMoenhSogDLtcjHlNkh3soMrHYDJnfzEa9Ji8YKLA295mvcTiNV1fl5Rdhl0Xv991DP2ecCBsiaW5NN617ftkBoNHriVp8ZttMW3nOBys3sPj_hKzI33wyTDpJxM_EZ/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-06-14%20a%CC%80%2010.57.17.png" width="263" /></a></b></div><b><br />Dimanche soir:</b> je cherche un film à voir su la plateforme Mubi et tombe, parmi les propositions du jour, sur <i>Goodtime</i>, un film des frères Safdie, avec Robert Pattinson dans le rôle titre. Je ne connais pas ces réalisateurs. Avec Marion, on regarde le film.<p></p><p style="text-align: justify;"><b>Lundi soir:</b> De passage à Paris, je dîne avec Arnaud H. Je lui parle du film. Il me conseille de regarder, des mêmes réalisateurs, <i>Uncut Gems</i>, disponible sur Netflix. Je lui dis que je le regarderai demain, une fois rentré à Bar.</p><p style="text-align: justify;"><b>Mardi matin:</b> Je commence à lire <i>Stella Maris</i>, de Cormac McCarthy. C'est bizarre, car depuis deux-trois ans je ne lis plus de fictions (hormis les textes envoyés à Inculte et quelques classiques); j'ai le livre de McCarthy depuis plus de trois mois, je l'ai rapporté de Paris et ne l'ai pas encore intégré à mes rayonnages. Mais je vois qu'il s'agit d'un dialogue, pas juste d'une narration. Je commence à le lire.</p><p style="text-align: justify;"><b>Mardi midi</b>: Je parle à Marion de <i>Uncut Gems</i>, qu'on pourra regarder le soir même. On google les deux frères Safdie. Je m'aperçois qu'un des deux frères joue dans le prochain film de Nolan, <i>Oppenheimer</i>, qui n'est pas encore sorti. Je reprends ma lecture de <i>Stella Maris.</i> Il y est question d'Oppenheimer, du projet Manhattan. Je m'aperçois que le film de Nolan est adapté d'une bio qui vient de paraître au cherche midi. Je la demande à mon attachée de presse – le sujet m'intéresse, en partie parce que j'ai écrit sur cette explosion dans un roman intitulé <i>CosmoZ</i>. L'après-midi, je travaille à une traduction, l'histoire de six astronautes en orbite autour de la Terre; je tombe sur des allusions à la bombe atomique, au projet Manhattan.</p><p style="text-align: justify;"><b>Mardi soir: </b>On regarde <i>Uncut Gems</i>.</p><p style="text-align: justify;"><b>Mercredi matin:</b> Avant de travailler sur ma traduction en cours, je consulte comme d'habitude le fil des actualités. Cormac McCarthy est mort. Il est mort la veille.</p><p style="text-align: justify;">Stella Maris. Etoile de mer. Etoile de ciel. Astronautes. Catastrophes. Champignon atomique dans le ciel. Connections. Hasards. Fin.</p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-16472662440826397542023-06-08T10:24:00.000+02:002023-06-08T10:24:22.544+02:00La querelle des caciques et des classiques, ou la flemme du cafard<div style="text-align: justify;"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-nr6KeT-bp5o/ZIGOwlke8GI/AAAAAAAAKZk/X7tummf7hLk2b2PHFC55y2l4C10tX_WxgCNcBGAsYHQ/s988/Capture%2Bd%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran%2B2023-06-08%2Ba%25CC%2580%2B10.17.51.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="972" data-original-width="988" height="197" src="https://1.bp.blogspot.com/-nr6KeT-bp5o/ZIGOwlke8GI/AAAAAAAAKZk/X7tummf7hLk2b2PHFC55y2l4C10tX_WxgCNcBGAsYHQ/w200-h197/Capture%2Bd%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran%2B2023-06-08%2Ba%25CC%2580%2B10.17.51.png" width="200" /></a></div><br />L’émission d’Augustin Trapenard sur les classiques a été largement commentée. Il faut dire qu’elle prêtait le flanc aux critiques, voire aux quolibets ou à l’indignation. Qu’a-t-on vu et entendu ? Un exercice virulent et bon enfant, consistant à descendre en flèche des livres appartenant au panthéon des lettres, sans trop s’embarrasser de terminologie critique. C’était censé être assez décomplexant : ne pas se laisser intimider par des textes classiques, canonisés. En soi, l’exercice n’est pas inintéressant, de par son irrévérence assumée, sa drôlerie possible. On peut bien sûr trouver chiant <i>La Métamorphose</i> ou <i>Le Rouge et le Noir</i>. Naguère, rappelons-le, un président muni d’un bracelet électronique taclait <i>La princesse de Clèves</i> et des élèves passant le BAC se déchaînaient contre Sylvie Germain sur les réseaux – comique pas garanti du tout. Mais ici, dans cette émission, ceux et celles qui tapaient sur de supposées grandes têtes molles étaient des écrivains, invités dans une "prestigieuse" émission littéraire. Un dîner de têtes, mais façon grande bouffe.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Certes, on n’attend pas d’un écrivain qu’il soit un critique littéraire d’exception, mais il a néanmoins le droit (le devoir ?) de recourir aux quelques outils critiques que lui a fournis, bon an mal an, son activité. On peut être léger <i>et</i> profond ; drôle <i>et</i> pertinent; de mauvaise foi <i>et</i> intéressant. C’est sans doute assez jouissif de décréter que <i>La Métamorphose</i> est l’histoire d’un boulet qui a la flemme d’aller bosser, mais ça le serait surtout si la personne balançant cette saillie était spécialisée dans la stand-up comédie et jouait du second degré. Or là, rien de tel : les digues avaient rompu, tout le monde se lâchait. Et on sentait bien que, derrière la possible sincérité des propos, se déployait non pas seulement un goût-de-la-provo mais un petit plaisir complaisant, du genre : Voyez, je suis écrivain, mais je suis comme vous, alors ne vous laissez pas impressionner par des classiques.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Etrange message : comme si les « classiques » étaient la Loi et que leur tomber dessus vous changeait en iconoclaste salutaire. Comme si le fameux « ressenti » niveau CP suffisait à renvoyer dans l’ombre la complexité littéraire. Un cafard ? Mouais : selon Besson, une métaphore à deux balles d'un type qui nous prend pour des débiles. Etait-ce, outre que pathétique, démagogique dans l’intention ? Du genre : vous allez m’aimer (et aimer mes livres) parce que je ne marche pas sur des œufs, moi, je tords le cou à tous ces connards, pardon, ces canards prétentieux. On ne sait pas trop. Ce déballage de frondes à l’emporte-pièce était essentiellement gênant, dans la mesure où on ne voyait pas trop quel était le message véhiculé, hormis le charme suranné d’un déboutonnage de fin de banquet. Mais ça riait beaucoup, ça gaussait – même si on sentait une petite gêne flotter par moments, comme si certains invités se rendaient compte que quelque chose leur échappait: leur dignité ? leur lucidité ? Sûrement pas leur lectorat, en tout cas. On les sentait vaguement embarrassés (ou bizarrement réjouis) par cette complicité potache dans la raillerie, au cours de laquelle la pensée, cette contrainte, se faisait la malle.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">L’ennui, c’est que ce vain déluge de débinages ineptes, loin de briser le plafond de verre qui séparerait le lecteur complexé de l’œuvre hautaine, a tout de suite donné du grain à moudre, et que certains – je pense à un article paru dans <i>Marianne</i> – y ont vu une nouvelle percée de ce qu’ils estiment être LA menace : le wokisme. Preuve en est cette conclusion de l’article consacré par <i>Marianne</i> à l’émission : « Réjouissons-nous : bientôt, on n’aura même plus besoin d’assauts de cancel culture pour faire disparaître le ‘crime de pensée’, des émissions comme celles-ci dissuaderont tout le monde de s’écarter du droit chemin. »</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Etrange paradoxe : une parole se présentant comme libre et décomplexée (mais se lâchant dans un bashing goguenard et gratuit) se voit rattachée au « grand danger » de la <i>cancel culture</i>, cet épouvantail agité par toute une frange réactionnaire. Où l’on voit que la bêtise, par un effet magnético-politique assez basique, attire systématiquement la bêtise – parce que, hein, franchement, les anti-woke n’en ont rien à battre de la littérature, soyons sérieux, et jamais le soldat Naulleau ne la sauvera de quoi que ce soit.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">D’où vient le problème, alors ? De Besson ou de Kafka ? De Stendhal ou de Faïza Guène ? De la parole à la télévision ou du statut d’écrivain ? De la société du spectacle ? D'une façon d'<i>apostropher</i> les écrivains? Comme si des auteurs respectés (je veux dire : qui se vendent, tous étant déjà primés) s’étaient dit : nous aussi on peut et on aime casser nos jouets. Nous aussi on a le droit de se défouler. Voilà le mot que je cherchais depuis le début : <i>défoulement</i>. Au sens de : « Libération des tensions intérieures, des interdits ; attitude ou comportement libre, sans culpabilité ni retenue. » Une question se pose alors : quelles sont ces tensions intérieures que ces auteurs souhaitaient libérer ? Voulaient-ils paraître drôles, simples, abordables, de crainte qu’on les croie sinistres, complexes, distants ? Pourquoi ont-ils confondu paraître et envoyer paître? Les goûts et les couleurs pour seul étendard critique? Aïe.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Le fait est qu’en eux la mer n’était guère gelée et qu’il n’a pas été nécessaire de brandir la hache de la littérature pour la briser : un seul claquement de doigt cathodique a suffi à les faire clapoter dans le bouillon de la culture médiatique.</div>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-476452196301941770.post-34115631997611896422023-06-08T07:49:00.003+02:002023-06-08T07:49:58.943+02:00Critique de l'hypnose impure (épisode 5)<p style="text-align: justify;"><b></b></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><b><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjchWSmSzIqGdDcJm71TlWu5XWJkB_6ixwkm5jUyRVr2r4DOwMjM4TbpL_ZEhAKusXi096YhayxONJ-xaprSxxPWkc51ZEMmFVqdfvt55GB0kHtCZIj5mSSt7y0En9rwibMA1YA_ftkszx2McG8VWaisx2_TO7WUpK4HbTmhaB7sDg3zPzY5IKaOOF6/s600/pizz.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="600" data-original-width="600" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjchWSmSzIqGdDcJm71TlWu5XWJkB_6ixwkm5jUyRVr2r4DOwMjM4TbpL_ZEhAKusXi096YhayxONJ-xaprSxxPWkc51ZEMmFVqdfvt55GB0kHtCZIj5mSSt7y0En9rwibMA1YA_ftkszx2McG8VWaisx2_TO7WUpK4HbTmhaB7sDg3zPzY5IKaOOF6/s320/pizz.png" width="320" /></a></b></div><b><br />Critique de l'hypnose impure (épisode 5)</b><p></p><p style="text-align: justify;"><b>1.7</b> Il existe toutes sortes d'hypnoses. Il y a l'être aimé, l'être désiré, le texte invisible, la main aux mille doigts, le requin lascif, la rose qui saigne, le clitopleure, les langues sottes, l'instant fragile, le mur du danger, la lettre pliée, le sel de corps, le sourire minéral, la série éteinte, etc. Les conditions d'exécution varient selon la masse mentale du sujet. Trop de chagrin peut causer une moindre résistance. Il est important de ne pas rompre le fil de la parole, car elle seule entretient l'illusion d'un pacte avec le réel. Il faut imaginer des funérailles inversées, la terre qui monte, le corps qui repousse – c'est un coup à prendre.</p><p style="text-align: justify;"><b>2.7</b> Et ils en revinrent aux bonnes vieilles méthodes éprouvées, le LSD largué dans le verre de Cointreau, le stylo hypodermique à vertu paralysante, la prostituée chapardeuse, le suicide maquillé aux longs cils… Le communisme peut être vaincu avec des épingles à nourrice parfumées au curare. L'hypnose, c'était une bonne idée, ça oui, mais on a surestimé les bonnes volontés et les mauvaises fois. Changer son fusil d'épaule, c'est notre devise. On s'adapte, puisque le monde rechigne à le faire tout seul.</p>clarohttp://www.blogger.com/profile/06678637065882679647noreply@blogger.com0