mercredi 29 novembre 2017

Pense-bête pour futurs écrivains


1. Etes-vous en train d'écrire en cet instant? Non? Mais c'est quoi votre problème?
2. Tout le monde passe une meilleure journée que vous. TOUT LE MONDE. Acceptez-le.
3. Eh, vous savez quoi? Neil Gaiman a déjà eu cette idée il y a quinze ans.
4. Les gens adorent signaler les fautes de grammaire et les coquilles. Non, sérieusement, ils ADORENT ça. C'est bizarre.
5. Votre chèque n'est sans doute pas arrivé, même si on vous a dit qu'il l'était.
6. Ouais, allez-y. Couchez-vous tôt. Parce qu'une bande d'elfes magiques va finir votre travail pendant votre sommeil.
7. Ne suivez pas vos rêves. Vos rêves sont lents et faibles. Ce sont eux qui devraient vous suivre. S'ils ne le font pas, laissez-les derrière vous. Ce sont des losers.

mardi 28 novembre 2017

Croire en connaître un rayon


Petite visite au Auchan de la porte de Bagnolet, avec bref moment d'égarement au rayon librairie. Bon, on n'a pas trouvé le Rayon Cynique ni le Rayon Viril, c'est déjà ça…

lundi 27 novembre 2017

Les encombrés de la vie: la ritournelle de Perrine Le Querrec

Quand on lit dans certaines critiques du dernier livre d'Anne Garreta, Dans l'béton, que l'auteure "tord" la langue, la fait "trembler", tout ça parce qu'elle élide quelques articles, la joue phonétique en mode Zazie et tripote un argot de série noire, on a envie de dire, allez voir ailleurs, allez voir du côté de Perrine Le Querrec, et après, si vous le voulez bien, on reparlera torsion de la langue. Laissons donc tomber l'béton mou du roman précité et plongeons plutôt dans La ritournelle, le dernier livre paru de Perrine Le Querrec (bon, il est publié par  les éditions Lunatique, pas chez Grasset, c'est peut-être pour ça que vous en entendrez moins parler – dingue, non?).

La Ritournelle, c'est un lieu et quelques corps, un lieu-maison où Eugen, le fils, entasse, entasse, ou plutôt continue d'entasser, puisque c'était là l'activité première de la mère délirante-dévorante, Suzanne, et depuis Eugen s'enterre et survit en taupe dans l'accumulation, faisant de sa demeure un corps-décharge, mais organisé, les objets-organes étoffant l'effrayant vide matriciel qui lui a été légué. Pour l'auteure, il s'agit donc de faire entrer dans la phrase ce surplus effrayant, ainsi que la conscience syllogomaniaque qui s'y meut plus ou moins aisément. La phrase devient la pathologie décrite, elle aussi enfle, déborde, bascule, mais elle épouse l'innommable de tous ses nerfs sympathiques. Ici, on ne dit pas, on ne raconte pas, c'est la matière affalée qui parle au moyen de la syntaxe:
"Comme les trous du corps sont étranges et le vent froid qui s'y engouffre, frissonne Eugen en quête de plusieurs couvertures à ajouter pour boucher les trous, grands et petits, qui apparaissent disparaissent envahissent. Eugen grelotte se plie plus petit au fond des couvertures les pouces dans les trous. Au creux aveugle des couvertures, sourd, sorte de malacostraca plus loin à la recherche d'un endroit sourd et aveugle vers le centre d'une terre inconnue, un noyau chaud, toutes pinces en avant la tête soudée au thorax à réduire les couvertures en sable, la suée en eau."
Enfant-crabe, enfant-crevette, Eugen s'obstine à s'enfouir, et quand il court, c'est à l'intérieur de lui-même, pour mieux se cacher tout en rêvant secrètement d'être découvert, à la différence de Georgia, sa sœur, éprise de rose et d'assauts charnels, qui lui rend régulièrement visite, en souvenir de leur enfance confite dans la folie maternelle. Il y a le père, aussi, et Roma la Naine, qui tapine. Mais on n'est pas au cirque, la langue ne joue pas ici les caniches savants. Chez Perrine Le Querrec, où l'écarté a droit à la parole et à l'espace, où le révulsé de la société peut participer à la "parade magique", la langue ne recule jamais, elle s'enfonce, elle froisse, fore, et ce littéralement, en bordure d'un monde à part que l'auteure appelle dans ce texte "Certitude", et où s'intégrer n'est plus de mise. La langue prend en charge tous les débords, et sait dire le trauma d'une enfance défigurante:
"C'est ainsi que s'effondrent les animaux subitement à quatre pattes Eugen à genoux sur le sol de l'abattoir, Suzanne crache des nuages de phalènes blanches, des morts minuscules des morts immenses les unes nourrissant les autres au nez et à la barbe de l'enfant crevant de faims multiples."
Texte tout en concrétions et sidérations,  La Ritournelle brasse l'animal et le végétal, l'humain et le minéral dans une même dynamique, avec une obstination dans la scansion entrant en écho avec le travail de Guyotat. C'est le quinzième livre publié de Perrine Le Querrec depuis 2011, et on s'en veut d'être passé à côté de cette œuvre souterraine et puissante. Promis, on va se rattraper. Prochaine étape: Jeanne l'étang, paru en 2013.

_________

Perrine Le Querrec, La Ritournelle, Lunatique, 2017, 12 €

Note: Les éditions Lunatique ont un site. Autre ouvrage publié récemment par le même éditeur: L'heure du poltron, un recueil de nouvelles de Marie Frering dont je vous parlerai également bientôt, ailleurs.

vendredi 24 novembre 2017

Le paradis des lieux communs

Ah les bons romans, c'est pas ce qui manque! ils sont légion, les bons romans, je veux dire les romans qui ont tout bon ou presque, à croire qu'ils reviennent du marché aux romans, tranquillement chargés d'une intrigue fruitée, d'un paquet de métaphores bien fraîches, avec, offert par le commerçant, tout un lot d'échantillons de phrases à utiliser dans les trois mois. Des romans honnêtes, capables de dépasser les trois cents pages tellement y a de choses à dire, tous publiés par des maisons honnêtes qui les diffusent avec encore plus de conviction qu'un aérosol. Des romans qui semblent avoir été écrits pour former des piles tant ils fonctionnent au poids des mots qu'ils accumulent sur leurs pages comme s'il n'y avait que ça à faire, bah, c'est l'hiver. 

Prenez Comment vivre en héros ?, de Fabrice Humbert. Un bon roman, de toute évidence, on sent l'auteur à l'aise avec son histoire, qui est une bonne histoire, qui se raconte d'elle-même, comme si on promenait un miroir (avec un cadre pas trop cheap) au-dessus de l'histoire, avec ses personnages, de bons personnages, dotés d'une hauteur de couleur correcte, et d'un pack Libre-Arbitre©. Dans le cas de Comment vivre en héros ?, c'est plutôt bien fait – d'ailleurs, on a l'impression parfois que le "plutôt bien" est un genre littéraire à part entière, il devrait avoir un rayon consacré au "plutôt bien" dans les librairies, juste à côté du rayon "franchement correct", mais au final, eh bien, on pourrait tous les ranger dans le carton "à quoi bon". Dans le purgatoire des lieux communs.

Donc, c'est plutôt "bien", Comment vivre en héros ?, c'est l'histoire d'un gosse qui fait de la boxe (description, considération), sans grande conviction (état d'esprit, état d'âme), puis un jour se trouve lâche (situation, action), finalement il deviendra prof (comme l'auteur), mais le passé (les premières pages) le rattrape (les pages d'après). On lit sans avoir l'impression de lire, juste de dérouler un ruban qui pourrait durer des kilomètres, qui n'adhère à rien, et on se dit c'est donc ça un "bon roman"?, quelque chose comme le fils un peu ébouriffé du roman bourgeois, mais avec quasiment les mêmes fringues, la même allure, juste des jouets différents. On se demande : comment vivre en bon roman? Alors on lit de plus près, même s'il n'y a ici qu'une surface, et on voit toutes ces petites choses qui assurent la lisibilité, on voit l'émotion manufacturé ("une vague de peur submergea l'adolescent"), on voit le sentiment manufacturé ("cette honte [était] comme une tache indélébile"), on voit la femme manufacturée ("des taches de rousseur délicieuses", "l'attache de ses chevilles, qu'il trouvait d'un érotisme subtil"), et de nouveaux l'émotion manufacturée ("Ses sentiments le submergeaient, il sentait en lui un immense océans d'émotions" – il a été marin ou quoi, Humbert?). Il y a aussi du sexe, attention éloignez les adultes et les dents :
"Et alors ils s'embrassèrent, sans savoir trop comment, leurs lèvres soudain jointes […] deux lèvres qui embrassaient les siennes." (p.29)
Et puis il y a tous ces petits coquillages achetés sur catalogue qui décorent la plage de la phrase: le "silence effaré" le "brouhaha général", un type qui "entre en trombe dans la salle", et bien sûr "l'aplomb" est "déconcertant", bien sûr "l'air" est "désapprobateur", bien sûr la "dignité" est "offusquée", bien sûr le "sourire" est un "sourire d'encouragement", et toujours ce trop aquatique: la "mer d'indifférence" d'une classe d'élèves, mais aussi "la mer noire des banlieues". Parfois, ça cale:
"Tristan ne savait pas quoi répondre. […] il avait tellement honte qu'il ne savait quoi dire. Il n'y avait pas de mots."
Heureusement c'est reparti: "impulsion subite", "étrange appréhension", "quiétude rassurante", "yeux voluptueux" (la propriétaire desdits yeux est libanaise…), "baiser langoureux", "air désapprobateur", "grognement sourd". Collier de nouilles, j'ai envie de dire. Heureusement il y a la météo:
"Il faisait encore frais en ce mois d'avril mais le soleil brillait avec éclat de jour-là". 
Voilà, c'est ça, un bon roman, quelque chose qui prend les mots comme ils viennent, avec en laisse leur adjectif familier, et pour le reste, si on a un peu d'idées, ça va tout seul, ça se passe bien, ça passe bien. Ça semble résister à tout, un peu comme un des personnages, une dénommée Séverine, dont on nous précise heureusement:
"[…] elle avait épuisé tous les clichés et elle avait succombé à certains […]."
Pour une fois, c'est le roman qui ne sort pas indemne de sa lecture. Ça change, tiens.

______________________

Fabrice Humbert, Comment vivre en héros ?, Gallimard, 21,50 €

mercredi 22 novembre 2017

Food Porn Proust : déplacer l'esprit

Vous le savez peut-être, ou votre petit doigt vous l'aura susurré, mais on vient paraît-il d'exhumer un inédit de Proust, grâce à une certaine Kathryn Salmann-Bagels, l'universitaire américaine qui l'aurait déniché dans le fonds Kolb-Proust de l'université d'Illinois, à Urbana-Champaign. La particularité de cet inédit serait d'être une description minutieuse, sur près de soixante pages, de la pratique dite onaniste. (Bon, à la fois, l'info n'existe que dans un article signé Edouard Launet, et on n'en trouve aucune mention ailleurs sur internet, donc tout ça est, si je puis dire, à prendre avec des pincettes…) Mais est-il besoin de découvrir ou d'inventer un texte érotique signé Proust? Ce texte, n'existe-t-il pas, plus ardent que jamais, à peine dissimulé dans le fameux passage de la madeleine? Relisez-le en imaginant d'autres douceurs qu'un petit gâteau lorrain en forme de coquillage, et peut-être sentirez-vous opérer l'humide magie:

"[…] je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire avant une tentative suprême. Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s'élever, quelque chose qu'on aurait désancré, à une grande profondeur; je ne sais ce que c'est, mais cela monte lentement; j'éprouve la résistance et j'entends la rumeur des distances traversées." (Du côté de chez Swann)

Il est possible que relire ce passage sous un angle érotique soit la preuve d'un esprit déplacé, mais la lecture de La Recherche ne favorise-t-elle pas, par excellence, les déplacements de l'esprit?

mardi 14 novembre 2017

Bussi: Demandez le menu dégustatoire !

Je ne suis pas certain d'être libre le 6 décembre, même si la perspective de me rendre au 93/97 rue de Bernières à Caen pour aller voir Michel Bussi est assez excitante en soi. En revanche, je trouve le menu assez étrange. Commencer par un plateau d'interview, c'est moyennement ragoûtant. Mais continuer par un "apéritif déjeunatoire"…? Ce "déjeunatoire" me laisse perplexe. Déjà, dînatoire ne m'a jamais trop emballé, mais là… Par ailleurs, bous noterez que l'apéro est trois fois plus grand que le plateau. Que faire? comme disait Lénine…

lundi 13 novembre 2017

A parole donnée…

Les murs, base de données? Jamais le substantif "données" n'aura aussi bien convenu, car ce sont bel et bien des "paroles données" qu'affichent les murs et autres supports urbains. On peut bien entendu remonter à l'âge des cavernes, mais dans le cas qui nous intéresse, l'âge des pavés suffira, et c'est donc à partir de 1968 qu'Yves Pagès entame son patient (quoique fiévreux) recensement des graffiti, ou plutôt de ce qu'il nomme des "aphorismes urbains" dans Tiens, ils ont repeint ! (éd. La Découverte). Mai 68, pourtant, n'est ici qu'un prélude, et tout l'intérêt de la monumentale compilation que nous livre l'auteur consiste à s'aventurer dans l'après-68, en des lieux très divers, et ce jusqu'à notre jour d'hui le plus récent. Il s'agit donc, pour l'auteur de Petites natures mortes au travail, de
"faire le lien entre le renouveau du graffitisme contemporain et l'effervescence scripturale des seventies, mettre au jour une continuité, fût-elle en pointillé."
Loin d'être une énième anthologie des murs bavards, 50 d'aphorismes urbains de 1968 à nos jours, de par son amplitude historique et géographique, peut se lire tour à tour comme le grand récit fragmentaire de la contestation, les métamorphoses des rhétoriques à l'arrache, les traces inspirées d'un désir d'émancipation, les échos du street-art naissant… Non pas un "mental mapping", mais plutôt une "caisse de dissonance", comme le rappelle Pagès dans le texte qui clôt le volume, texte intitulé "Quand le langage passe à l'acte".

Impossible de procéder à une classification (thématique, orthographique, grammaticale, séditieuse…) de ces milliers de "phrases" inscrites, souvent de façon éphémère, sur les murs du monde. Le lecteur, cependant, y trouvera la confirmation d'une langue capable d'exister également de façon instinctive,  impulsive, et ce dans une perpétuelle oscillation entre le potache et le philosophique, et se jouer sans cesse des modes d'injonction (l'ordre se mâtine d'absurde ou s'entache de paradoxe pour gagner en subtilité), lorgner du côté du dénuement ou au contraire fricoter avec le baroque. Bien que souvent gravé dans l'instant, ces inscriptions du quotidien échappent souvent à l'anecdotique en ce qu'elles font la part belle à l'humour, l'ironie, l'insolence.

L'anonymat libérateur de ces aphorismes fait que le lecteur de ces aphorismes devient à son tout, le temps fulgurant de leur lecture, leur auteur putatif. Ici, lire et écrire s'épousent comme dans un jeu de buvard voleur. Non seulement le cadavre est exquis mais il est contagieux. A chacun de se trouver sa devise précaire (au sens social) dans ces intempestifs analectes;
Ceci n'est pas une rue / J'ai vos dents / Nous étions tranquilles et plouf / Qui c'est caddie? / L'homme descend du songe / Occupe-toi de tes enfers / Le fil du rasoir est bien étroit / recherche sur les lèvres / Le sang coule depuis toujours / Pestacle = Crève / Au moins bonjour / le vrai est un moment du feu / RSA pride / bic et nunc / avoir le premier geste, pas le dernier mot — 
"La demeure du chaos n'a pas besoin de permis de construire", ainsi qu'on pouvait le lire le 3 janvier 2008 sur un mur de Saint-Romain-au-Mont-d'Or (Rhônes-Alpes). On aurait du mal à trouver plus bel exergue au livre de Pagès. 

______________
Yves Pagès, Tiens, ils ont repeint! 50 ans d'aphorismes urbains de 1968 à nos jours (en complicité graphique avec  Philippe Bretelle), éd. La Découverte, 19 €

jeudi 9 novembre 2017

Pack Chevillard: L'offre qui allèche

Sachez-le, ce blog n'est pas uniquement un blog de critique littéraire sérieuse et documentée à base de métaphores filées et d'agacements folichons. Son but inavoué, et certain.e.s l'ont percé à jour depuis jolie croquette, consiste à ruiner méthodiquement et inlassablement les lecteurs et lectrices de livres écrits et imprimés, en agitant sous leur nez divers rectangles culturels dotés de pages, et en faisant tout pour qu'ils et elles ne puissent résister à l'incontrôlable pulsion d'achat et au dispendieux besoin d'acquisition, à seule fin de rassasier leur appétit de mots formés avec des lettres.

A ce jour, le Clavier Cannibale a déjà reçu 1 438 337 visites, et même si 97 % des personnes venues surfer sur ce blog l'ont fait pour des raisons absurdes (suite à des tags comme #oups, #fellation, ou #pignoufland), on peut supposer raisonnablement que nous avons réussi notre coup et que nombre d'entre vous ont dilapidé inconsidérément leurs économies dans l'achat de ces amis glabres qu'on appelle des livres.

Aussi allons-nous porter aujourd'hui le coup de grâce. En effet, après avoir poussé à l'achat de l'édition collector du Jérusalem d'Alan Moore (100 euros), qui est en passe d'être épuisée alors dépêchez-vous, nous relayons l'offre alléchante que proposent les éditions de l'Arbre Vengeur, à savoir l'intégrale de la grande saga de L'Autofictif d'Eric Chevillard, qui est le premier roman à traiter sans tabou de la sexualité de la grammaire et des mœurs déviantes de la syntaxe. Vous êtes pléthore à la suivre sur le site de Chevillard, légion à avoir acheté ses volumes de compilation au laser, et maintenant, vous allez virer les oursins qui pioncent dans vos poches et vous fendre d'un petit chèque pour acquérir le big black book. L'avantage: quand Noël sera là, vous serez fauchés, vous n'aurez donc pas à vous casser la tête pour dégoter in extremis des cadeaux pourris dont personne ne veut. Ne me remerciez pas, surtout. Donc:


CHEVILLARD, ON Y SOUSCRIT ARDEMMENT

Grande souscription pour recevoir chez vous, avant Noël, l’intégrale de l’Autofictif (L’Autofictif ultraconfidentiel) d’Eric Chevillard à paraître mi-janvier en un fort volume relié. Dix ans de séries de trois billets quotidiens, une aventure littéraire au long cours sans équivalent, que nous fêtons avec fierté en éditant cet ouvrage luxueux à tirage limité. Précédé d’une préface inédite de l’auteur, ce volume contient la dernière année qui ne sera pas éditée en volume séparé.
Pour le recevoir chez vous, orné d’une dédicace de l’auteur et pour certains d’un petit dessin, il vous suffit d’adresser un chèque d’un montant de 34 € (29 € le livre + 5 € de participation aux frais de port) en mentionnant le mail, les noms et adresses du destinataire (et en précisant bien qui en est le dédicataire), à l’adresse suivante : L’Arbre vengeur – 23, rue Binaud – 33300 Bordeaux. Date de fin de souscription : 10 décembre.
Ne tardez pas trop, l’auteur a le poignet fragile et ne dédicacera pas plus d’une centaine de volumes. Ceux-ci seront réservés par ordre d’arrivée des règlements. Besoin de précisions  ? Adressez un message à contact@arbre-vengeur.fr  Vous préférez faire un virement ? même adresse pour obtenir nos coordonnées bancaires.
(offre valable pour la France uniquement)

mardi 7 novembre 2017

Demarty Unlimited

La librairie Charybde recevra Pierre Demarty jeudi 9 novembre à partir de 19h30 pour évoquer son dernier livre, Le petit garçon sur la plage (éd. Verdier). Si vous l'avez déjà lu, vous serez ravi.e.s de rencontrer l'auteur, qui a écrit aussi deux autres livres (l'un à base de lave latine, l'autre potacho-immobilier) avec lesquels vous pourrez repartir (après les avoir achetés); si vous ne l'avez pas lu, même chose, mais avec trois livres au lieu de deux (sauf si vous déjà lu un de ses deux premiers livres, mais bon, ça s'offre aussi, les bouquins, pensez aux amis, et au libraire). Par ailleurs, sachez que Pierre Demarty est également un excellent traducteur, entre autres de Paul Harding (prix de la traduction Maurice-Edgar Coindreau) et de Vollmann (La tunique de glace), tous deux publiés en Lot49, renouant ainsi avec l'antique tradition de l'écrivain-traducteur, ce décadent dodo qu'aucun conquistador n'est encore parvenu à décimer.

Le petit garçon sur la plage, je le précise, n'est pas un ouvrage jeunesse ni un récit balnéaire. C'est une histoire de filiation tranchée (ou pas), d'abandon impossible, et si vous cherchez bien vous trouverez même, nichée entre les lignes, l'ombre de Scarlet Johansson, planant au-dessus de la dépouille d'un enfant turc. Improbable? Non: poignant. Nécessaire. On posera donc à l'auteur la question suivante: Pierre, peut-être qu'être père va de pair avec la perte? Allez, on s'entraîne.

Sachez que le livre de Pierre Demarty pèse 180 grammes. Ça vous changera du Alan Moore. Et en plus il est jaune, un peu comme le verdier, cet oiseau trapu au corps rondelet qui a le bord des primaires jaune vif.


L'adresse de la librairie Charybde : 129 rue de Charenton, 75012.

Le titre d'article (le plus pourri) sur le Goncourt et le Renaudot

Je ne sais pas qui fait les titres à Valeurs Actuelles, mais j'espère que c'est bien payé…

jeudi 2 novembre 2017

Bobin? Non, rien.

"Les livres sont des âmes, les librairies des points d'eau dans le désert du monde." 
– Christian Bobin.

Hum. Et la carte bleue, c'est le seau? Et le lecteur? Un touareg? On comprend rien, Christian. C'est sûrement beau, mais on comprend rien. Continue pas.

A chaque bord un peu plus lentement

© Masahisa Fukase
Il y a deux ans paraissait Louis sous terre, de Sereine Berlottier, livre dont j'avais parlé ici-même dans le Clavier Cannibale. Il y était question du peintre Louis Soutter, des formes griffées de ses toiles, de son destin reclus. L'auteur publie aujourd'hui Au bord, un texte d'une soixantaine de pages qui revisite l'élégie afin de la rendre poreuse, d'en chasser les alluvions plaintifs, et de mieux "cerner" la distance en devenir entre celui qui demeure et celui qui part – c'est dire toute l'importance ici du mot "bord", non pas limite mais presque chemin de ronde de l'être, à arpenter, en vigilance. 
Tu n'apparais nettement que de te l'éloignerNon pas ensemble mais bord à bord
C'est le distique, ici, qui prend souvent en charge la dernière approche, s'avance puis retient son geste, créant par la force de sa brièveté un souffle régulier, tantôt léger tantôt tension. Des notations, éparses, comme distillées, laissent entrevoir l'être en instance de disparition, sa bouche, ses cheveux,  sa "joue vivante", la peau du bras, blason du corps fané où réside/résiste encore l'être entier.

Le poème, l'au bord que devient le poème, se veut visite, récit de la visite mais aussi visite du récit, puisqu'il faut inventer la façon de dire l'adieu dans sa fragmentation, l'appréhender sans qu'il s'émiette.
tu meurs et je te dis autre chosemais quoi j'inventeou bien c'est seulement avec l'autre facede la même main pour s'atteindre
Il est question d'une "immobilité traversée", de la dérive à laquelle est vouée celle qui, néanmoins, "reste[s] jusqu'au bout" – et la phrase du poème, elle aussi, fait l'expérience de ce qui doit cesser, casser, elle aussi doit apprendre la séparation, se replier, faire ressort quitte à renoncer au bond, à ne dire plus que le suspens, la retenue. Bien sûr, l'apprentissage de la pudeur n'exclue pas le surgissement de la douleur, et le muscle du souvenir détient en lui la violence du regret.
midi l'épéeau fond de ton cœurje veux te pleurer à vif commesi tu avais encore àmourir de mort
Le "bord" qu'explore et respecte Sereine Berlottier, ce "au bord" qui dit à la fois la connaissance des gouffres et l'expérience des limites, n'est pas un seuil à franchir ni une barrière à contourner, c'est la réalité abstraite de cette distance qu'est le deuil lorsqu'il réunit encore deux corps. C'est dire combien est subtile l'approche de l'auteure, et combien son phrasé, qui s'efforce de faire à peine ployer la branche du vers, se nourrit d'envol. Et fait de la consolation un art.

___________________

Sereine Berlottier, Au bord, éditions LansKine, 12 €
On peut aussi voir/entendre Au bord  dans le poème-vidéo réalisé par Sébastien Rongier.