samedi 14 janvier 2017

Précis de dévoration

"J’ai passé presque quatre mois de ma jeunesse dans l’aile psychiatrique d’un l’hôpital où mes parents avaient cru bon de m’établir comme à demeure.

Ces professionnels de la destruction s’étaient lassés de mes excentricités et comptaient sur la médication (sur la fée Électricité ?) pour assagir des penchants qu’ils estimaient superflus, voire toxiques. Du moins est-ce ainsi que j’interprète les choses, avec le recul, et non sans malveillance. Il se peut qu’ils m’aient simplement mis en pension, ou se soient absentés du domicile pour me laisser seul avec mes lubies. Il n’en reste pas moins que j’eus le sentiment d’être interné au sein d’une liberté imposée. Comprenne qui pourra, je n’en ai quant à moi guère le courage.

Au milieu des baveux et des gémisseurs, entre des murs sur lesquels le foutre et le sang traçaient des contrées hideuses, le nez pincé pour contrer les fumets d’idiotie qui changeaient mon nouvel univers en claque forain, j’en ai profité pour étudier les actes et les dits des poètes, peser les aveux des poètes, patauger dans les entrailles des poètes, sucer la moelle des poètes, compter les poils du cul des poètes… Leur systématique dévoration m’a permis de comprendre que l’équation de nos vies est d’une cruelle simplicité. Nous sommes nous-mêmes moins nos crimes ; nos fautes nous rendent excédentaires à notre être originel. Elles nous grandissent, certes, et nous fortifient, mais elles nous déforment également et parfois nous rendent hideux ; dûment punis, donc purgés, il ne tient qu’à nous de retrouver nos dimensions premières. Lesquelles, parfois, hélas, se résument à bien peu. C’est à croire que nous ne sommes rien, en définitive, une sorte de résidu sans dimension, que seules nos échauffourées étoffent peu à peu.

Voilà le genre de philosophie qui m’aidait à supporter les rires caprins des attardés et les doigts gélatineux des concupiscents. Autant dire que je méritais à peu près tout ce qui m’arrivait."

(Extrait de Hors du charnier natal, éditions Inculte)


3 commentaires:

  1. La photo est-elle issue de: One Flew Over the Cuckoo's Nest, le type nerveux ressemble à Jack Nicholson .

    RépondreSupprimer
  2. C'est bien Jack Nicholson et la photo vient du film / Vol au dessus d'un nid de coucou . Voilà s'il vous en plait.

    RépondreSupprimer
  3. C'est bien Jack Nicholson dans le film vol au dessus d'un nid de coucou. S'il vous plait.

    RépondreSupprimer