vendredi 27 janvier 2017

Le possessif qui pue: quand Valls joue les féministes

Une phrase de Manuel Valls, prononcée sur France Info, a retenu mon attention, phrase qu'il a globalement ressortie telle quelle lors de son débat avec Benoît Hamon:

"ll y a des ambiguïtés et des risques d'accommodements de sa part [avec l'islamisme radical], c'est un des débats que nous avons à gauche, a-t-il déclaré. Il me semble important qu'on soit au clair. Il ne peut pas y avoir le moindre compromis avec les communautarismes et avec ces pratiques qui concernent nos femmes."
Au-delà du salmigondis ici énoncé et qui ne vise qu'à racler le fond des urnes, la formule – car c'en est une, hélas – "nos femmes" me semble révélatrice. Ce possessif – si déplacé qu'il est venu à Valls plus naturellement qu'une crispation buccale, c'est pour dire – dénote une telle spontanéité qu'on évitera de parler de lapsus ou de licence langagière. Entre dire "ma femme" en privé et "nos femmes" en public, on a a droit ici à un grand écart qui vous donne envie de croiser les jambes. 

Imagine-t-on un seul instant Simone Veil évoquer la "responsabilité de nos hommes" devant l'Assemblée nationale lors du débat sur l'avortement? Un tel écart de langage (et de pensée) aurait sans nul doute été aussitôt sanctionné par une armée de rires virilo-bedonnants. De fait, ces notables au sperme volage n'avaient guère besoin de ce genre de dérive langagière pour excrémenter leur hypocrisie sur le réquisitoire de Simone Veil. 

"Nos femmes" ? Faut-il vraiment faire le détour par le spectre fantoche de l'islamo-gauchisme, ce point Godwin de la pétoche électorale, et qui vaut largement le "judéo-bolchévisme" des années 30, pour en arriver à parler des femmes comme s'il s'agissait d'un troupeau à protéger ou d'un mobilier à épargner? Au droit de cuissage a succédé le droit linguistique, c'est chose connue. 

Le langage est un piège à loup qui mord même les petits bergers crispés. Mais c'est sans doute parce qu'aucune femme, quelle que soit sa responsabilité civile, politique et morale, n'aura l'idée (ni l'intérêt) de dire "nos hommes" qu'un homme, justement, pense qu'il peut, l'air de rien, dire "nos femmes", comme s'il partageait, en bonne politique, la conception de ces polygames dont il doit pourtant réprouver la gourmandise.

Le diable est dans les détails, me direz-vous. Comme le loup, vous répondrai-je, dont on voit toujours la queue en premier.


6 commentaires:

  1. Suis très d'accord, mais je crois que le "nos femmes", plus que d'une pensée personnelle de Valls, lui vient tout droit de nos fils et nos compagnes. Tant qu'on y est, on pourrait reparler de cet hymne, son sanguinpur, tout ça...

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    1. Alors, pour la liaison (fatale ?) dans l'hymne en question, les cannons de la prononciation imposent le sankimpur...

      Jules

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  2. Ding Dong Daddy From Diddy Wah Diddy29 janvier 2017 à 16:31

    Oui, j'ai pensé la même chose... Pour une fois, on pourrait lui laisser le bénéfice du doute. Il y a un texte de Boris Vian très marrant qui montre que la Marseillaise est une chanson plus subversive que l'on croit, parce que si "labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France", abreuver les sillons avec du sang (surtout impur), c'est pas très bon pour l'agriculture!

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  3. je rappelle que le sang impur de La marseillaise est celui des sans-culotte par opposition au sang soi-disant pur des aristos .

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  4. Petit rappel historique : le sang impur est celui des sans-culotte, opposé au sang soi-disant pur des aristos

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