mardi 24 novembre 2015

Un coup de Moore et c'est reparti…

Bon, j'avais pris deux décisions importantes. La première, c'était de lever le pied côté traduction, dans la mesure où je venais d'enquiller à la suite: 1/ la relecture de ma traduction du Courtier en tabac de John Barth (1200 feuillets); 2/ la traduction de You bright and Risen Angels, de William T. Vollmann pour Actes Sud (1200 feuillets); 3/ la traduction de A Naked Singularity de Sergio De La Pava pour Lot49 (1200 feuillets); 4/ la traduction de You Animal Machine, d'Eleni Sikelianos (100 feuillets, ouf). En outre je m'étais promis de ne plus accepter de "grosse" traduction. Niet. Plus jamais. Aussi, évidemment, quand Jérôme Schmidt et Jérôme Dayre, des éditions Inculte, m'ont envoyé un petit mail alors que je me faisais semblant de me prélasser à la campagne en me demandant si je voulais bien traduire pour eux le Jerusalem d'Alan Moore, un roman de plus de trois millions et demi de signes, vous pensez bien que j'ai aussitôt répondu: Hors de question, les gars.

Bon, j'aurais dû me méfier. Deux types qui portent tous deux le prénom du saint des traducteurs, c'était déjà louche. Mais non, ils ont été très compréhensifs. Ah oui, on comprend, y a pas de problème. Mais comme ils sont grands de taille et malins d'esprit, ils ont quand même tenu à m'envoyer dans la foulée les trente-cinq fichiers Word du texte de Moore, au cas où l'oisiveté, la curiosité, etc. Appelez ça de la sollicitude, de la bienveillance. Moi j'appelle ça de la perversion. Bref, ce qui devait arriver est arrivé. J'ai téléchargé les fichiers malgré l'absence de connexion internet dans ma Haute-Marne profonde, un miracle qui là encore aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Et bien sûr, j'ai cliqué sur les fichiers pour les ouvrir, ayant complètement oublié cette histoire de boîte de Pandore.

Résultat, quelques heures, que dis-je? quelques minutes plus tard j'étais happé par le monstrueux roman de Moore et, propulsé par un enthousiasme qui ne saurait rivaliser qu'avec des formes très aiguës de démence précoce, je revenais aussitôt sur ma profession de foi fainéante et annonçais aux deux Jérôme – ces démons des enfers déguisés en incubes du Styx – que mais bon sang bien sûr j'acceptais cette traduction, c'était évident, et quand est-ce qu'on commence les gars?

Voilà voilà. Que cette édifiante anecdote serve de leçons aux traducteurs débutants: Une fois que vous aurez mis un doigt dans l'engrenage, vous ne pourrez plus faire machine arrière. Dans le domaine de la traduction, on résiste à tout sauf à la tentation.

Ceci dit, je promets solennellement d'arrêter la traduction après le Moore. Juré craché. Sauf si, bien sûr… Ah, quoi? qu'entends-je? Le nouveau roman de Don DeLillo? Zero K ? Sérieux ? Oh. Ah. Bon,  ben, je ne vous retiens pas plus… 

9 commentaires:

  1. Une traduction de Moore, c'est une sacrée bonne nouvelle. Que les Jérôme et toi même en soit remercié.

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  2. "Si je t'y reprends, Jérusalem"... Ah bah c'est malin, ça. Je me permettons de vous signaliser que la pauvre Marguerite Young, pendant ce temps-là, ne rayoungit pas... Or certains d'entre nous, dont je suis, souhaiteraient vivement lire la version française de ce roman naguère qualifié par vous-même en ces lieux de "plus beau livre du monde", et ce si possible avant mon propre décès programmé aux environs des années 2060. Un peu de constance, que diable. Merci d'avance.

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  3. Chez Félix Fénéon (1861-1944) les nouvelles ont 3 lignes. Cherchez l'erreur.

    Calen, détenu à la prison de Thouars, que venait de manquer la sentinelle, s'est tué en tombant sur des
    rochers. Il s'évadait.

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  4. Les bonnes résolutions sont prises pour n'être pas tenues.

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  5. et pour "miss McIntosh, my darling", alors ?
    bonne soirée

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  6. V pour vivement la sortie !

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  7. Hé ben, ça tient de la performance ! En tout cas, le résultat sera attendu avec impatience.

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  8. Conclusion (provisoire) : le Moore, toujours le Moore !

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  9. Cher Christophe Claro,
    Plus vous souffrez, plus j'ai de quoi vivre agréablement (deux mois durant) sur le sable des plages de Ronce-les-bains... Moore? Oui (le fandome va être content et s'épargnera le recours à des images, parfois, un tantinet bien chiantes!)... De Lillo? Oui, oui... Barth? Brillant et fendard... Mais surtout, surtout, surtout, appliquez-vous sur le Sikelianos! Parce que (putain!) quelle belle claque que ce poème Californie! PS : J'échange une semaine de séjour au milieu des reliefs épars (et ballardiens malgré eux) de la ligne Todt, dans ma ruine pourrie et insalubre, contre une page manuscrite, raturée ou pas, de votre traduction de ce dernier livre... Et au passage, merci pour les traductions de Pynchon... Au revoir & bonne continuation... PhG (ma ruine s'appelle Kokolampoe, à deux pas du marché, si vous remettez les pieds en face de l'île d'Ol).

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