vendredi 13 mars 2015

Confessions d'un superstitieux

Je suis comme tout le monde. Je suis superstitieux. Quelques exemples: je ne mets jamais la tête dans le four quand il a préchauffé vingt minutes à 180°. Je ne pousse jamais de vieille dame lisant Playboy sous les roues du métro (même pour rire). Je ne me rase jamais avec une lame rouillée trouvée dans un squat réputé pour ses overdoses. Je ne traite jamais de Thatcher ma banquière quand elle m'accorde un découvert. Je ne réponds jamais au téléphone s'il sonne pendant que je l'ai éteint. Je n'écris jamais de roman susceptible d'être résumé en deux phrases. Je ne me tire jamais de balle dans le pied (ni dans la tête). Je compose toujours le même numéro quand j'appelle la même personne. Je ne consomme jamais de drogue le mardi entre 13h et 13h15. Je ne compte jamais jusqu'à l'infini quand tu vas te cacher dans un endroit où je n'ai aucune chance de te trouver. Je ne lis jamais les livres des amis proches sauf s'ils sont bien écrits et qu'ils ne sont pas rancuniers (deux précautions valent mieux qu'une). Je ne mets jamais treize fois de suite la même paire de chaussettes. Je ne bois jamais deux fois le même verre (sauf si tu insistes gentiment). Je dors toujours avec une dent sous l'oreiller au cas où la petite souris existerait et serait pleine de thunes. Je mange toujours du poisson le vendredi si c'est la seule chose qu'il y a au menu. Je ne juge pas les gens qui me doivent de l'argent et ont l'intention de me rembourser. Je ne fais jamais plus de treize pompes par an. Je ne crois pas à l'usure de l'amour au fil du temps, et en plus il se trouve que ma femme est d'accord avec moi sur ce point. Je ne traduis jamais plus de douze livres à la fois, et quand ça arrive je ne traduis jamais le treizième, je passe direct au quatorzième. Je ne regarde jamais la télévision plus de treize nanosecondes, sauf si c'est Busnel qui passe, auquel cas je me limite à deux nanosecondes (mais je ferme les yeux et mets du persil extra-plat dans mes esgourdes). Je mène une vie saine dès que l'occasion se présentera après ma mort. J'ai toujours dans la poche droite de mon pantalon une pièce d'un euro au cas où le prix de la baguette serait le même dans toutes les boulangeries. Je ne dis jamais non à un éditeur qui préfère publier un livre plutôt que de gagner de l'argent. Je touche toujours la bosse des bossus même si le dernier bossu que j'ai vu dans ma vie c'était au cinéma et je crois qu'en fait c'était Jean Marais déguisé. Je plie toujours ma pâte feuilletée au moins six fois. J'ai peur de mon ombre, surtout quand c'est la nuit, qu'il n'y a aucune source de lumière, qu'on entend des bruits bizarres et que j'ai douze mille euros en liquide dans la poche de mon pyjama. Je n'invoque jamais le nom de Dieu en vain sauf si ce putain de clou. Je ne brise jamais de miroir susceptible de refléter le passé. Je n'ouvre jamais de parapluie chez moi sauf si le plafond fuit. J'écrase toujours les chats noirs qui traversent la rue, surtout si mon véhicule vient de passer sous une échelle, auquel cas je suis même disposé à ouvrir un parapluie. Je jette toujours un peu de sel par dessus mon épaule quand quelqu'un que je n'aime pas trop me colle au train. Je suis superstitieux. C'est bon. C'est pratique. C'est vendredi 13.

2 commentaires:

  1. "Se faire enterrer un vendredi 13? Il faut vraiment ne pas être superstitieux."
    (Léo Campion)

    "Il est exact que ça porte malheur de se marier un vendredi 13, car il n'y a pas de raison pour que ce jour fasse exception."
    (Georges Courteline)

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  2. Pour le persil, je suis tout-à-fait d'accord, le plat est bien meilleur que le frisé !

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