jeudi 4 décembre 2014

BHL, mètre à penser

Le plus fascinant, chez les usurpateurs de la pensée, c'est leur propension à perdurer. On a beau les démasquer, exposer leurs tricheries, publier les preuves de leur ânerie souveraine, tourner en ridicule leurs forfanteries, ils continuent de se pavaner et de quémander les faveurs comme s'ils les accordaient. Certes, s'ils parviennent à occuper une place aussi imméritée, c'est qu'ils ont un secret, un secret qui bien sûr n'en est pas un, puisque tout le monde sait que l'unique raison de leur non-décapitation en place publique est très simple: ils ont du pouvoir. Lequel? Oh, ils ont foutu leur fric dans des supports médiatiques, pas la peine de chercher plus loin. Ça suffit. L'énormité de leur arrogance fera le reste, et entretiendra une bienveillance chèrement acquise.

Prenez Bernard-Henri Lévy. Indéboulonnable. Des gens continuent de l'écouter, rendez-vous compte. Certains même le lisent encore ou vont voir ses pièces. Alors qu'il est de notoriété commune que l'homme a des techniques imparables. Genre, il fait acheter la quasi totalité de son premier tirage. Véridique. Sa dernière pitrerie en date vaut néanmoins le détour.

En effet, BHL possède une baraque à Tanger. Il en possède pas mal d'autres, mais bon, il fait ce qu'il veut de sa fortune, alors restons à Tanger. Il se trouve que, récemment, des journalistes ont souhaité venir le filmer, et sans doute, aussi, lui poser des questions passionnantes sur lui, sur sa personne et également sur ce qui fait qu'il est lui (et pourquoi il a sauvé le monde arabe, tant qu'à faire). BHL accepte, grand prince. Mais voilà qu'il a un pincement d'inquiétude. Le décor où il va être filmé sera-t-il à la hauteur de l'immensitude de sa pensée? Pas assez de livres, constate-t-il en regardant autour de lui la pièce où il a décidé qu'on l'immortaliserait. Que fait-il? Il décroche son téléphone, appelle une librairie tangéroise et, sans ciller, sans l'ombre d'un scrupule, leur demande de lui livrer "17 mètres linéaires de livres". Oui, vous avez bien lu: du livre au mètres.
Le libraire, estomaqué, a refusé de se livrer à cette mascarade. Nul doute que BHL trouvera une autre façon de peupler sa pièce de rectangles reliés. Après tout, il lui suffira de les écrire, ou de les recopier. Dix-sept mètres, ce n'est pas la mer à boire, même si c'est en gros la taille d'une baleine, d'ailleurs un monstre marin de cette taille a été découvert récemment sur la côte chinoise, près de Guangdong. C'est un pêcheur du coin de 66 ans, Hwang, qui a été le tour premier à apercevoir la carcasse de quatre tonnes en décomposition. La bête avait une corde nouée autour du corps, ce qui laisse à penser que des pêcheurs l'ont prise et ont dû la relâcher, vu son poids démesuré.
Mais qu'on se rassure: ce n'est pas le genre de mésaventure qui risque d'arriver à BHL. Insubmersible. Dix-sept mètres de rodomontage… and he's still floating!

16 commentaires:

  1. Amusante (ou consternante, c'est selon), cette anecdote des 17 metres lineaires. Vous avez un lien consultable qui en parle?

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  2. ... comme disait Audiard, "les cons osent tout, c'est à cela qu'on les reconnaît"....

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  3. Mouais, sans vouloir sauver le personnage, ça ressemble quand même un peu à une légende urbaine. Le sieur a plus l'habitude de se faire photographier torse poil sur des terrains de guerre, au fond de son jacuzzi ou sur les plateaux télé que devant des rayonnages de livre.

    En outre, pourquoi un libraire refuserait-il de vendre des livres au mètre, au poids ou à la couleur ? Je suis bibliothécaire, tout ce qui leur permet d'écouler leurs offices les enchante.

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  4. Ouh quelle vilaine espèce ces libraires...

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  5. au moins cela favorise la vente en librairies
    (et il n'y a même pas à dire merci)

    passons à plus sérieux (et ce n'est même pas du copinage)
    de passage hier à Metz à la (excellente) librairie Géronimo, ai discuté livres (cela va de soi)

    - très beau texte de Ursula Krechel "Terminus Allemagne" (ed Montparnasse)
    le retour en Allemagne après la guerre d'un juriste juif déchu de sa nationalité (et retour à la vie)
    très beau texte à lire (même si c'est traduit d'une autre langue par Barbara Fontaine)

    -acheté et commencé (sur conseils de Géronimo) de "Franziska Linkerhand" de Brigitte Reimann (de l'intérieur éditeur) un gros pavé de 758 pages par cette auteur de l'ancienne RDA, qu'elle a mis 10 ans a écrire avant de mourir en 73 (roman inachevé) (traduit par Bruno Meuri et Claire Mercier)
    une enfance qui commence tout de suite après la fin de la guerre sur les bords de l'Elbe, puis déstructuration de la famille avec la montée du socialisme dans la RDA qui se cherche. le tout au milieu de nulle part : Neustadt (ville nouvelle). condition des femmes (libérées ???) dans ces nouvelles conditions socio-économiques....
    un choc à la lecture des premières cent pages

    et dire que ce livre a pour l'instant été vendu à 8 (huit) exemplaires depuis sa sortie en mai 14 (je suis le 9eme acheteur d'après le logiciel libairitsique) quel dommage
    bonne lecture

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    1. Jean-Louis,
      je vous ai répondu ailleurs (à votre billet du 12/12/14) sans avoir connaissance des lignes qui sont ci-dessus. Votre point de vue apparaît ici beaucoup plus clairement favorable à cette oeuvre assez extraordinaire qu'est Franziska Linkerhand de B. Reimann.
      Reste que l'éditeur est De l'INCIDENCE Editeur, et que la traduction est de Bruno MEUR et Claire Mercier.
      Par curiosité, quel est ce logiciel qui donne des informations si déprimantes sur la vente des chefs-d'oeuvres encore inconnus ?

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    2. a vrai dire (desole de repondre si tard) ce logiciel c'est a la librairie Geronimo (Metz) que le patron m'en a parle (c'est lui qui m'a donne cette info) je pense que c'est un truc pro (donc non accessibles aux lecteurs profanes

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  6. 17 mètres, soit deux hauteurs de 6 rayons et une, au milieu, de 5. Bel agencement ! La rigueur de la pensée en représentation.
    Pour faire joli, il a dû imaginer un mètre jaune de chez Verdier, pas trop de jaune quand même, mauvais pour le teint, du bleu nuit de Stock en contrepoint, plusieurs mètres blancs Gallimard pour le fond, deux rouge Grasset, du blanc plus froid venu de Minuit, de la brillance Pléiade qui soulignerait la fulgurance des propos tenus, et quelques taches bigarrées livrées par des éditeurs heureux forcément heureux d'avoir été choisis pour leurs choix éditoriaux audacieux.
    Sinon, avec un peu d'oulipianisme et une plus grande hauteur de mur, il aurait pu utiliser le graphisme des dos pour dessiner son profil de penseur. Mais, là, je crains que la commande, en mètres, oblige à exclure cette hypothèse.
    Hélas, il est probable que seule la quantité importait.

    Autrement, pour répondre sur la mauvaise volonté du libraire, il est possible que la transaction ne fût qu'une location et que le libraire voyait d'un mauvais œil se vider sa librairie pour une durée incertaine, au moins autant que l'état des livres au retour.

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  7. Il aurait du s’adresser à des spécialistes : http://www.strandbooks.com/books-by-the-foot

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  8. "Insubmersible", "indéboulonnable", mais qu'allaient faire ces journalistes dans cette galère? Leur foutu métier de journalistes, probablement...

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  9. Ben, pour tout dire, ce triple zéro gonflable ( et gonflé), cette baudruche se pavanant sans vergogne sur la scène de son théâtre d'ombres m'est quand même de quelque utilité: pour savoir où j'en suis dans ce que je dis, pense ou fais, il suffit de se servir de notre BHL national comme étalon, car c'est toujours du côté opposé (et le plus loin possible) que je me trouve...

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  10. Comme photo je préfère encore celle de Sarajevo (dont c'est pour le coup la version intégrale qui n'est même pas truquée) - http://mai68.org/spip/IMG/jpg/BHL_Sarajevo-2.jpg

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  11. La crédibilité de l'info est remise en cause par la photo qui l'illustre. Celle-ci est un fake très connu. Dommage.

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