jeudi 12 juin 2014

Poelvoorde : ni bite ni couteau


Il est une bonne fois pour toutes Benoît Poelvoorde. C’est comme ça. Pas moyen d’échapper à sa voix qui semble produite par ses épaules après assentiment de son front baissé, lequel s’efforce de dissimuler un regard qui peine à remonter. L’attaque de ses phrases, d’abord plainte, puis contrition et enfin demande. Ses yeux, qui semblent interroger tout en plaidant, la froideur de ses muscles quand on sent bien qu’il y a brasier sous crâne, ses bras soudain longs qui ne veulent pas rester collés à des côtes qui déjà claquent et actionnent le soufflet du torse, qui se bombe un court instant, bravache.
Charisme discret de la faiblesse qui s’obstine, tient bon. Sa voix qui crépite, comme sortie d’un poste à galène ayant raclé le fond des océans. En lui, l’impatience prend son temps, se peuple, elle dialogue avec la dérision, décide ce qui est possible : un silence, un geste, une bégaiement. Qu’il joue les benêts, les empêtrés, les malheureux, les arrogants, il joue toujours le même jeu dangereux : celui du corps prêt à exploser, parce que traqué par la malchance. Saltimbanque de la dépression. Son corps s’avance toujours en promontoire de sa parole. Quand il parle, ses mains ont déjà avoué ou menti. Tout lui est impact – il négocie avec ses réflexes, ses tics, ses peurs, ses manies. Son jeu est une feuilleté de tergiversations et son charme naît de l’hyperbole de ses fêlures. On le voit se raviser, on le sent sur le point de s’effondrer, et quand il explose… tout explose, la mousse du corps redevient bois vert, le pantin se réarticule, Polvoorde sort de Poelvoorde. Il laisse le rire le fracturer et lui échapper, secouant le spectateur dans un même mouvement généreux et blessé.
Cette année, Poelvoorde invitera pour la deuxième fois ses amis comédiens à lire ses auteurs favoris, à la faveur d’un festival dont il est le fondateur et le directeur artistique : L’Intime Festival, qui se déroulera pour la deuxième fois du 29 au 31 août, à Namur. Que lit Poelvoorde ? Oates, Modiano, Albert Cohen, Duras. A-t-il lu Beckett ? On le suppose, tant il est, à sa façon fébrile, un Keaton en perpétuel otage du réel. En tout cas, quand Poelvoorde parle de son festival, il n’y va par quatre chemins :
« Si tu viens avec ta bite et ton couteau et que tu dis : voilà, ça va être moi tout nu, le public est tout ouïe, il n’y a pas un bruit dans la salle, pas un strapontin qui bouge… Or ce n’est rien d’autre que la découverte d’un texte et la voix d’un acteur. »
Ecorché/caché, Benoît Poelvoorde ? Il est comme ça. Ouais le secret ça coupe et ça donne, oh, oh, faut que j’moove sans fin du venin qui me fait mal au cœur quand le serpent chaloupe et console.

2 commentaires:

  1. Bel hommage ! Benoît Poelvoorde lira-t-il du Claro un jour ?

    RépondreSupprimer
  2. Bien écrit. Un peu dans l'excès, mais le style est vif et me plaît.

    RépondreSupprimer