mercredi 19 mars 2014

Que sont les romans devenus?

En 2007, le collectif Inculte faisait paraître un ouvrage intitulé Devenirs du roman qui s'efforçait de penser la fiction contemporaine au prisme d'un certain nombre de ses voix (Emmanuel Adely, Stéphane Audeguy, Éric Chevillard, Maylis de Kerangal, Yves Pagès, Antoine Volodine, etc.). Sept ans (de réflexion) plus tard, et à l'occasion des dix ans du collectif (désormais également une maison d'édition à part entière), nous avons voulu réitérer l'expérience mais en abordant la question par un aspect plus précis, celui de l'écriture des matériaux. Nous avons donc demandé à une vingtaine d'écrivains de s'exprimer librement sur cette question, sur leur pratique, leur façon d'interroger les archives, sur leurs stratégies de détournement, etc. 

Devenirs du roman, 2 qui paraître le 10 avril – mais qu'on pourra découvrir (et se procurer) demain en avant-première mondiale (et galactique, probablement) au Salon du Livre sur le stand Inculte (C63) – regroupe les interventions des écrivains suivants:
-->-->Emmanuel Adely – Vincent Message – Emmanuelle Pireyre – Anne Savelli – Olivia Rosenthal – Christian Garcin – Mathieu Larnaudie – Philippe Artières – Thomas Clerc – Christophe Pradeau – Arno Bertina – Oliver Rohe – Maylis de Kerangal – Joy Sorman – Hélène Gaudy – Patrick Beurard-Valdoye – Marie Cosnay – Philippe VassetClaro – Hélène Ling – Nicole Caligaris – Jakuta Alikavazovic – Tristan Garcia et Charles Robinson.
Au fil des interventions se dégage une même méfiance non pour le réel mais pour son reconditionnement à l'échelle littéraire, son traitement au service d'une fiction, traitement qui bien sûr a changé avec le temps et l'intervention de nouvelles modalités narratives et informationelles (les séries, les réseaux sociaux, l'info en continu, etc). Les "matériaux", on le verra, génèrent d'eux-mêmes une résistance à laquelle l'écrivain se confronte, et qui lui permet, par un effet de vibration, de complexifier et distancer son rapport au réel. Question d'éthique, question technique, mais aussi jeu, ruse et plaisir. Le roman est-il mort, rongé de l'intérieur par le virus de l'information? Est-il plus vif que jamais, secoué par l'électrique télex du réel? Comme le dit Charles Robinson à la fin du volume, dans un texte décapant, confrontant roman et zombie :
-->
"Depuis qu’un rapport d’autopsie a formellement constaté la mort du roman, force est de constater que la bête bouge encore.
C’est chouette, dit quelqu’un.
Comment tu peux dire ça ? Tu penses à ceux qui se sont fait bondir dessus par une de ces saletés, dès la troisième ligne puanteur des entrailles XIXe siècle, naturalisme décomposé, la prosodie-cocote t’asphyxie, la quatrième de couverture se colle à tes mains, et c’est fini, terminé pour toi, c’est ça que tu veux, ose le dire : ose dire que tu souhaites la lecture de ça à tes enfants."


7 commentaires:

  1. Le roman est-il mort, rongé de l'intérieur par le virus de l'information ?
    pourquoi opposer ces deux termes (roman et information) ?

    est ce a dire que france_info diffuse du roman
    inversement G. museau ou M. lesvies produisent t'ils de l'information (ou des signes bien rangés sur une page)
    il serait intéressant d'étudier l'entropie de ces textes - au sens de Shannon

    cessons de se tripoter la littérature
    il y a 6-700 livres qui paraissent a la rentrée. a tout vouloir lire cela fait 2 par jour
    le lecteur est donc obligé de faire un choix.
    le problème est que ce choix est vite réduit dans les petites villes qui n'ont pas de librairie

    alors que reste t'il ? le choix de l'Express (sans participer au gueuleton du Bristol) (j'espère que l'illustration n'était pas représentative du déjeuner)
    j'ai déjà dit le bien que je pensais du Matricule des Anges (il y en a d'autres)

    il n'y a pas à dire, la littérature, quand elle est bonne, elle est bonne
    le reste : il faut bien que les pilons pilonnent

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  2. Sans rapport ou presque : je lis "Cannibale lecteur". Je décide d'acheter "Mes prix littéraires". La libraire demande : en un mot ou en deux? J'apprécie la question en fonction de ce que j'ai lu dans votre livre. Je viens de voir le jeu de mots sur médiapart. Impossible avec le titre allemand.

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  3. A noter, puisque on en est là, les - trop rares - traductions, notamment chez Inculte, des oeuvres de Luc Santé, très intéressant chroniqueur du New York apocalyptique des années 70-80, celui du "Jaywalking" subversif et, bientôt, hélas ! du "broken window" giulianesque et contre-insurrectionnel. "My lost City" vaut particulièrement le détour. Le lascar a aussi un blogue, pas très entretenu malheureusement mais stimulant.

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  4. revenant sur le roman et le virus de l'information
    mais cette fois pour un justifier la proximité des deux
    très bel éditorial de Maylis de Kérangal dans Libération de ce jour (20/03/14)
    d'abord c'est un édito, comme quoi un auteur (j'ai horreur du e que l'on ajoute- pourquoi pas autrice ? c'est encore pire) a et peut faire valoir son point de vue sur des évènements en cours. ce qui est normal.

    "dressons l'oreille" conclue t'elle - a propos des écoutes et écoutés - cela se conçoit.
    mais à propos de la lecture ? (littérature ou presse)
    dressons l'oeil ? ouvrons l'oeil plutôt, oui mais lequel le droit ou le gauche ?
    ouvrons les yeux, alors, suivons l'étoile comme disait l'autre.

    cela me fait penser a un extrait de Hara Kiri (ça devait être du Cavanna) à propos des rois mages
    à force le lever le nez et de suivre l'étoile des yeux, ils arrivèrent avec un nez rouge de s'être cogné à tous les palmiers

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  5. Monsieur Claro, dites-moi Monsieur Claro, êtes-vous bien sûr que ce soit Jérôme Garcin, radiologue et hypophile , qui ait participé à ce volume? En êtes-vous bien sûr? Ne serait-ce pas plutôt Christian Garcin, sibérique arpenteur des steppes mongoles, collectionneur de vie de Saints et de pigeons voyageurs? Si elle était avérée, cette orreur vous vaudrait sans doute, Monsieur Claro, les foudres chevalines du premier et les larmes rageuses du second. Je vous enjoins de vérifier. Voire de corriger.

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    1. Ah, je dois être très sensible à l'autosuggestion, en lisant je n'arrive pas à voir écrit Jérôme Garcin, mais bien Christian Garcin... c'est fou le pouvoir hypnotique d'un texte !

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  6. "Q: Is the novel dead?
    A: Oh yes. Very much so.
    Q: What replaces it?
    A: I should think that it is replaced by what existed before it was invented."
    (Donald Barthelme: The Explanation)

    Rien à ajouter, Votre Honneur...

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