mardi 17 septembre 2013

Du dilemme du prisonnier (et de ce qu'il convient de mettre dans sa poitrine)

Le dilemme du prisonnier n'est pas uniquement un cas de figure dans la théorie des jeux, où les joueurs hésitent à coopérer malgré le bénéfice qu'ils en tireraient. C'est le septième roman de Richard Powers à sortir au cherche midi éditeur dans la collection Lot 49. Publié aux Etats-Unis en 1988 (eh oui, chez Lot49, on a oublié de croire à la péremption de certaines œuvres…), traduit par Jean-Yves Pellegrin, ce roman est le deuxième de Powers. Il l'a écrit lors d'un long séjour chez les Bataves et il devrait ravir les fidèles de Powers, de plus en plus nombreux depuis la parution en France de Trois fermiers s'en vont au bal (son premier roman) et du Temps où nous chantions – à noter que ce dernier titre, traduit par Nicolas Richard (l'homme qui sue actuellement sangs et os sur la traduction du dernier Pynchon, Bleeding Edge) vient de reparaître en grand format.
Sur fond d'une histoire familière très particulière, orchestré par un père atteint d'une étrange affliction, Le dilemme du prisonnier évoque entre autres les rêves de grandeur de Disney et les camps de prisonniers pour Américains d'origine japonaise pendant la Seconde guerre mondiale, ainsi que les facéties atomiques de l'oncle Sam. Voici ce qu'en a dit récemment Florence Noiville dans Le Monde:
Magnifique portrait de père sur fond de famille "dysfonctionnelle", Le Dilemme du prisonnier revisite un demi-siècle d'histoire américaine, de l'Exposition universelle de New York (1939) aux essais nucléaires de Los Alamos en passant par l'industrie du divertissement à Disneyland... Eddie voudrait armer ses enfants pour la vie, mais s'il leur parlait, il les détruirait... Langage, famille, culture, histoire: ce qui nous façonne est aussi ce qui nous emprisonne.
A noter aussi le prochain titre à paraître en Lot 49: un roman de Lydia Millet intitulé Lumières fantômes et traduit par Charles Recoursé. On vous en recausera même si vous n'êtes pas sages.

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Ah, puisqu'on parle littérature, avez-vous lu, euh, pardon, feuilleté le nouveau livre d'Amélie Nothomb dont le titre m'échappe comme un chapeau emporté par le vent dans une ruelle où il n'est pas nécessaire de s'aventurer pour savoir que le courant est composé d'air ?
Il y a pourtant dedans, sur une page blanche imprimée avec des lettres noires qu'on peut lire de gauche à droite et de haut en bas, un passage lisible et limpide où nous est – enfin ! – révélé le – dzim-boum! – secret de – ouch! – l'écriture:
"Ce que l'on a vécu laisse dans la poitrine une musique : c'est elle qu'on s'efforce d'entendre à travers le récit. Il s'agit d'écrire ce son avec les moyens du langage."
On se sent mieux, n'est-il pas? Désormais, quand on me demandera ce que je fais dans la vie, je n'hésiterai plus, je répondrai : "Oh, j'écris des sons avec les moyens du langage." (Je préciserai quand même dans la foulée que je ne suis pas fabricant de jingles, au cas où confusion il y aurait.) Allez, toi aussi, fais comme Amélie: mets de la musique dans ta poitrine !

2 commentaires:

  1. J'ai en vain cherché une contrepèterie dans la phrase d'Amélie Nothomb, il n'y en a pas... pourtant ça sonne comme une contrepèterie, ça ressemble à une contrepèterie, ça à l'air d'une contrepèterie... toute ressemblance avec une boisson au gingembre outrageusement sucrée serait de pure coïncidence fortuite !

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  2. Richard Powers évoque longuement "Le dilemme..." dans le numéro d'août du Magazine littéraire. Et ce n'est pas pour m'envoyer des fleurs (promis juré) !

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