mercredi 6 février 2013

L'échelle de Rex, la rose de Mirov

Je ne sais pas si vous êtes au courant mais le premier homme bionique est né. Il est exposé au Science Museum de Londres, s'appelle Rex, mesure deux mètres de haut et a été entièrement conçu à partir d'organes de synthèse et de prothèses robotisées. Il a coûté un million de dollars et croyez-moi, c'est la dernière personne à laquelle vous avez envie d'ouvrir ou de confier vos enfants. Il n'est pas encore doté d'un cerveau, mais bon, ça n'en a pas empêché plusieurs dans le même cas de nous compliquer la vie. On se demande juste, vu le coût des matériaux, pourquoi les scientifiques qui l'ont mis au point, n'ont pas préféré réaliser un "rex" d'un mètre quarante. Se sont-ils dit qu'un cyborg de petite taille, ça ne le faisait pas? Hum. Deux mètres! Rex? "Soudain on en arrive à un point où on est capable de fabriquer un corps qui est génial et beau, à sa façon", a déclaré le socio-psychologue suisse Bertolt Meyer. Ouf. L'avenir de l'humanité est entre les mains de gens qui ont du goût. Beau et génial? Deux mètres? Rex? On pourrait peut-être lui demander de faire la poussière sur les étagères du haut? On l'aura compris, l'être humain ne cherche pas à se perfectionner, mais à faire des économies d'échelles. Il finira derrière les barreaux, c'est sûr (arf arf).
Oui bon, on avait prévu de vous parler du poète américain Ben Mirov et de son recueil Hider Roser (2012, Octopus Books), mais cette histoire de Rex nous a perturbés, pour un peu on s'imaginait une armée de Rex défilant sous nos fenêtres en criant le slogan: "Beau ! génial ! merci mon général!". N'importe quoi. Revenons à nos moutons, qui sont poussière sous lit, nuage coincé à portée de main, c'est ça qui est bien.
Mirov est né en Californie et vit à Oakland. Quand on lui demande quel poète l'inspire tout particulièrement, il vous répond ceci:
Je n'ai pas de raison satisfaisante à cette question. J'ai toujours été inspiré par les organisme des grands fonds. Leur anatomie et leur diversité sont poétiques. J'aime la prolifération de formes qu'on peut trouver au fond des océans. Bon, les poètes aussi sont super.
On a le droit d'aimer les méduses et Artaud, non? Mirov glisse parfois son nom dans ses poèmes. Il sait que ça n'a rien d'original et que c'est là une assez piètre manœuvre poétique (il le reconnaît), mais il dit aussi que c'est comme un acteur qui jouerait le rôle de George Washington, sauf qu'il ressemble plus à George Washington que le vrai George Washington. "C'est une extension de moi", explique-t-il dans un entretien, "ou je suis une extension de lui. L'espace entre nous, c'est ça qui importe, comme l'obscurité qui sépare un homme portant un déguisement de gorille du monde extérieur." Le contraire de Rex le géant, en somme. Allez, lisons Mirov:
Soulève ce truc.
Dis-toi que c'est une machine.
Repose-le.
N'oublie pas que tu en as besoin.
Retourne là où tu l'as laissé.
Terminal d'aéroport, vendeur de beignets,
cours élémentaire. Tu as peur?
Ça va. Moi aussi.
Prends un chiffon mouillé.
Pose-le sur ta tête.
Revenons sur tes pas.
Est-ce que tu aimes ta femme?
Est-elle composée de dauphins?
J'aime ma putain de vie.
Même mes secrets
et les choses terribles que j'ai faites.
Ce sont comme de petites pierres lisses
dans une bouteille en plastique verte
sans étiquette. Qu'est-ce qu'on faisait?
On roulait dans une longue rue obscure?
Etait-ce vraiment ce qu'il fallait faire?
Petits poings qui pompent le sang.
Voilà. C'est le premier poème du recueil Hider Roser (et non "horse rider", comme il l'explique à un moment), et le titre en est "Monkey Heart". N'essaie même pas de comprendre, Rex – prends ton plumeau et bosse.

6 commentaires:

  1. Pourquoi avoir changé le titre du recueil? N'est-ce pas Hider Roser?

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  2. Erreur corrigée ! Merci beaucoup!!

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  4. ce mot putain m'est désagréable même à le rencontrer dans Un texte de Shakespeare bien qu'il s'y emprisoone plus de mépris de rage et de violence alors que là il n'est rempli que du constat de défauts ordinaires,on sent je ne sais quoi d'un enlisement,d'une difficulté qui ne s'adresse qu'à des jours successifs pesants mais puisque c'est son lot .

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  5. Et pour votre provisoire devise pourquoi ne pas y joindre un beau Calder ?belle inspiration en tout cas.

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  6. This Monkey heart goes to heaven...

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