jeudi 26 mai 2011

Cassez le cochonnet pour soutenir le requin

Les Requins Marteaux need you ! Cette sympathique maison d'édition, qui publie des livres avec des images qui font mal et rire, bat un peu de l'aile ces derniers temps, et il serait dommage qu'elle mette les crocs sous le matelas pneumatique. Si vous ne connaissez pas, allez sur leur site, et vous verrez que la qualité et la diversité y copulent joyeusement. Si vous connaissez, alors continuez à connaître et à faire connaître. Mais surtout, entrez dans la légende: devenez actionnaire du groupe Ferraille Publication en cliquant ici. Eh oui, enfin une hop-et-là qui vous assurera gloire, amour et beauté. Payez par chèque ou via Paypal, devenez membre Bisou (10 €), Tonton (30 €), Delux (50 €), Golden Shower (100 €) voire Soprano (+100 €) et recevez la carte numérotée et signée par Maître Jacky Baloney huissier de justice à Villemolle. Voilà, c'était le message humanitaire de la journée. Bon fin mai.

mercredi 25 mai 2011

La moitié d'un livre

Comment sait-on qu'on est à la moitié d'un livre, je veux dire: de son écriture? Quand tout s'est si bien enchaîné qu'on entraperçoit le fonctionnement aussi bien de la poulie que du moteur? Quand le vague calibrage de la bête vous confirme que son squelette est déjà bien doté, et de chair pourvu? Monstruosité de la planification… Non, on sait qu'on a parcouru la moitié du chemin de la vie de ce livre (tous ces "de"…! pardon Flaubert!) quand le moloch titube et crache, quand les prévisions fanent, quand le plan se plaint d'un début de rouille et que l'énergie produite, en revanche, refuse de rentrer dans le rang. Alors tout est menacé, tout peut dérailler, il se passe ici et là des dizaines de court-circuits, qui font disjoncter le bien-fondé de l'entreprise, sa progression estimée, son dénouement espéré. C'est là, bien sûr, que ça commence à devenir intéressant, volcanique, géométrique. Là qu'il faut à la fois concéder, trancher, remanier, déplacer, oublier, repenser.
Parce que l'écriture d'un livre est toujours à deux temps (au moins…), celui du déroulé des intentions et celui de l'aventure du tracé. Vous vouliez parler des tribulations du lierre, vous voilà fasciné par la paralysie du citron. Le livre en cours est une machine à produire autre chose que son ombre porté. Suffisamment nourri, il commence à développer des anticorps dont il vous faut inventer, fissa, la maladie adéquate. Tout semblait bien se passer, mais il s'agit d'un livre, pas de l'anniversaire d'un ficus. Arroser ne suffit plus. Il faut être soudain à l'écoute d'un bruit de fond qu'on n'avait pas remarqué. Quelque chose s'est déplacé, un axe a bougé, la partition a tremblé.
Que faire? Il n'y a qu'une seule solution, qui est bien sûr plurielle: cesser d'être celui qui fabrique le livre pour devenir celui que le livre veut déplier. Le livre, comme toute structure ayant acquis assez d'autonomie, pose ses conditions, avec grâce, ironie, intensité — que dit-il? Il dit que l'acquis a fini son boulot, que l'inné s'ennuie, qu'il faut repartir du milieu dans les deux sens. Vertige. Panique. Mais aussi: griserie et catapulte. Enfin se joue autre chose que le bonheur de la confection, autre chose que l'exécution d'un désir. Le livre veut dire autre chose, et aspire à produire plus qu'à reproduire. Il faut donc se dissoudre, s'en faire un temps l'esclave attentif, puis, à la force du clavier, redevenir son maître, mais un maitre qu'il a réinventé, débusqué, façonné. Sinon, guère de lisière, peu d'entrain. 
Drôle de cuisine, où les ingrédients refusent les temps de cuisson prévus, où la sauce s'interdit de lier, où la barbaque veut redevenir poisson, et filer, couler, fuir par tous les trous de la rivière que vous preniez pour une muraille. Cent fois sur le métier détruire la belle ouvrage, pour que la carne, mal cuite et rétive, dicte ses conditions, et ne laisse pas au bouillon, pure fumée, le privilège de vous embuer les yeux. Il y a dans le livre en cours, dans le livre à moitié mâché, un nouveau corps, quasi pubère, qui attend une formation, au sens où l'entend Guyotat. Un apprentissage, qui fait de la main et de la gorge les membres nouveaux d'un atelier, (écris autrement! entends autrement!), atelier qu'il faut habiter, enfin, en ouvrier têtu, si l'on veut qu'un semblant de compagnonnage nous amène aux abords du village où il faudra bien débâter.

Si c'est Federman qui le dit


"Songez à la folie d’ébaucher tous ces mots possibles, au désir et au besoin d’en rajouter, à l’excitation née du risque, mais songez également à la froide retenue, au contrôle, au calcul nécessaire, à l’extrême réserve et à la ruse que présuppose  ce jeu sans retour? Equilibre irrationnel !

Entre cette folie et cette prudence chaque mot doit être écrit (déposé) comme s’il était le dernier le dernier souffle et le seul mot qui n’a pas de successeur ne peut être que le dernier au moins pendant un temps ! Mais c’est ce dernier moment toutefois (ni plus ni moins ultime que les autres !) qui porte le jeu à son plus haut point d’intensité – car c’est ce dernier moment qu’a choisi à ses risques et périls l’écrivain pour annuler son histoire pour s’en détourner et laisser la bataille se dérouler devant nous dans sa gloire ininterrompue ! Mais voilà qu’apparaît devant nous sur l’espace blanc et saccagé les personnes attirées depuis le début par les mots noirs aplatis et disséminés sur la surface blanche de la page au sein du sang-encre noir !"
(Extrait de: A prendre ou à laisser, de Raymond Federman, à paraître chez LaureLi, traduit par MadmanC)

jeudi 19 mai 2011

Chair électrique… et italienne

Après Madman Bovary, c'est au tour de mon roman Chair électrique de paraître aux éditions italiennes Nutrimenti, dans la collection Gog, cette fois-ci dans une traduction – con brio ! – par Stefania Ricciardi (une traduction en italien de CosmoZ est également en cours chez un autre éditeur). Quelques articles italiens évoquent la parution, pour ceux que ça intéresse. Un extrait en ligne (et pdf) pour entendre la musique autre:
Se fosse un animale sarebbe un babbuino, una rabbia irsuta, una furia nodosa pronta a spianarsi alla minima carezza, ma non è un animale, è solo una data – una data o un disastro è la stessa cosa, la stessa acqua portata a diversi gradi di ebollizione o d’igno- ranza, è ciò che scioglie le lingue quando s’impastano, è ciò che allerta i topi quando s’imbarcano, è il 7 agosto 1881, l’anno in cui sparano al presidente Garfield, in cui battezzano i principali dinosauri (brontosaurus amplus), in cui il grande Pop Smith gioca nella squadra dei Buffalo Bisons, il che avviene per l’appunto a Buffalo (Stati Uniti), non molto lontano dalle cascate del Niagara (in indiano Onguiaahra, “stretto”), sono quasi le ventidue e George L. Smith, 31 anni, scaricatore di porto di professione & alcolista di fatto, in seguito a una scommessa alquanto ingenua con il fratello Vince, tenta di accoppiarsi con il generatore della Brush Electric Light Company ubicato in Ganson Street.
Et un grand merci à Salman Rushdie et Percival Everett pour leur soutien !

"Uno stile sorprendente, delirante, sovralimentato che ricorda Pynchon e Joyce".
Salman Rushdie

“Claro ha catturato con la lingua ciò che Houdini deve aver provato: il panico e l’eccitazione dell’incatenamento e della fuga. Questo libro mi ha intrappolato e credo di non essermene ancora liberato”.
Percival Everett

mardi 17 mai 2011

Les Foudroyés : escale Denfert

Paul Harding, l'auteur des Foudroyés (coll. Lot49, traduit par Pierre Demarty) rencontrera ses lecteurs à la librairie L'Arbre à Lettres DENFERT le vendredi 20 mai à 19h (14, rue Boulard - 75014 Paris - Tél. : 01 43 22 32 42 -M° Denfert-Rochereau).

La presse en parle…

"L'éblouissement surgit à tout instant, au détour d'une page, d'un bout à l'autre de ce roman grave et étincelant, à l'écriture et à l'architecture extrêmement contemporaines (fragmentation du récit, flash-back, descriptions hyperréalistes tendant à un effet d'abstraction), mais où affleure l'héritage de la grande tradition littéraire et philosophique de la Nouvelle-Angleterre du XIXe siècle (Thoreau, donc, mais aussi Whitman, Emerson ou Hawthorne)."
(Nathalie Crom - Télérama - 28/04/2011)

"Au-delà de l'évocation familiale - "ce n'est qu'une base pour mon roman, rien d'autre", revendique Harding -, Les foudroyés valent pour les magnifiques descriptions de nature, la liberté narrative, l'agencement d'éclairs sensoriels, farouchement poétiques, qui jouent avec les clichés (l'horloge comme symbole du temps) pour mieux les détourner, leur conférer une étrangeté."
(Baptiste Liger - Lire - 12/05/2011)


lundi 16 mai 2011

Cru

Qui aurait cru qu'un jour, en tapant dans le moteur de recherche Google la chaîne de mots "commissariat harlem violence noir policier lynchage", on tombe sur la photo du patron du FMI? Qui aurait cru un jour qu'une phrase comme: "les images de ce matin sont d'une cruauté insoutenable" (utilisée par le député PS Manuel Valls) renvoie à la photo d'un ancien ministre du commerce né à Neuilly, encadré par des policiers aux cravates somme toute assez laides? Ah, au fait, qui l'aurait cru: le Vatican va faire de la lutte contre la pédophilie une priorité.  (N.B. L'homme sur la photo n'est pas DSK mais Dakoury Tabley, dont on aurait aimé avoir l'avis sur la notion de "cruauté insoutenable".Comme le signale le site qui met en ligne cette photo: "Cette scène qui choque le bon sens se déroule à l'hotel du golf, QG du camp Ouattara protégé par l'onuci et les soldats de la force française "la licorne". Il venait d'être capturé avec le président Gbagbo dans sa résidence à Cocody par les soldats français de la "licorne" et remis aux rebelles. Nous sommes le 11 Avril 2011." cf. http://jacquesrogershow.net/TheShow/index.php/news/4101.html)

samedi 14 mai 2011

Boute en train d'écrire


Plutôt que d’écrire un roman tout public, le narrateur/auteur du roman Tout public entreprend de raconter le roman tout public qu’il écrit. Tout le monde suit ? Tant mieux, parce que le texte d’Antoine Boute est une ode à tout le monde, une machine textuelle aussi consciencieuse dans son projet que délicieuse dans sa réalisation. Qui ne voudrait d’un Jérôme Bosch peignant, en plus du Jardin des délices, l’œuvre dans sa progression, ses intentions, ses folies tubéreuses ? Boute propose donc au lecteur une visite guidée, en temps réel, de son installation narrative :

Dans ce roman que j’écris en ce moment
tout est dans la mesure
les scènes bien senties
le dosage du psychologique.

Bon, la conception du tout public que se fait l’auteur-narrateur est assez particulière, il faut bien le dire, alors disons-le, voilà, c’est fait. Il y a à cela une raison très précise, et on ne peut plus légitime : nous sommes dans le ventre du « pornolettrisme ». Autrement dit dans les méandres d’une glose déterritorialisée et fort pimpante. On suit donc les mésaventures d’un promeneur en forêt qui rencontre une femme paniquée parce que son enfant est coincé dans sa maison. L’enfant, ce doit être le lecteur. Un polichinelle reclus dans un tiroir vaste comme le monde. A partir de là, les rebondissements les plus incongrus se succèdent selon une logique que ne désavouerait pas un Mark Leyner. On pourrait parler d’effet boule de neige, mais il faudrait pour être précis concevoir cette neige sous un angle hallucinogénique. La maison va s’effondrer, trou rongé par un trou, plusieurs groupes y finiront leur fuite, ainsi que des animaux, parce que ça se passe comme ça avec Boute, on passe de l’individuel au collectif, de l’accident au cataclysme, de l’accroc à la déchirure généralisée.
Le narrateur, bien sûr, encouragé par ce premier récit au carré, va nous embarquer dans un autre récit, celui d’un livre racontant un tournage, puis toute une série d’autres expériences pornolettristes que le mot « désopilant » ne suffit pas à qualifier. Tout ça va culminer dans une installation ultime, qui combinera pas mal de monde, beaucoup de sperme, ce qu’il faut de drogue et surtout un amour philosophique du devenir anorganique. Des méduses viendront redonner sens et forme à l’idée de tribu. Ça coûtera cher, certes, dans le roman de Boute on se débrouille, on a des ressources d’écriture, c’est souple, et puis on sait ce qu’on veut.
Sous ses airs faussement foutraques, le texte de Boute est en fait une partie fine de gai savoir, où l’expérimental, à la fois magnifié et moqué, connaît des développements inattendus, où la mécanique du loufoque vient doubler une autre mécanique, qu’on osera qualifier de schizo-analytique. Il y a dans le livre un moment pivot, un décrochement inattendu à la faveur duquel nous est livré un texte écrit soi-disant par Alain, fils d’un collectionneur coincé dans un « motoculteur textuel humain » (« une machine à hypnose, en fait […] une moto dont le guidon est remplacé par un clavier d’ordinateur et les roues par des bombes, bombes alimentées directement par la charge de pornolettrisme, entièrement bio, engrangée par ledit clavier », p.111).
Ce texte, composé dans une police différente, est qualifié de « texte théorico-n’importe quoi […] Lisez-le, ça vous donnera peut-être des idées pour la procession expérimentale ! » Or ce texte est en fait une formidable description physique du processus d’écriture, nourrie d’Artaud, de Guyotat, de Deleuze, qui aurait pu être publiée telle quelle et à part, tant sa force bégayante et son auto-combustion en font une plongée éprouvante dans la farce viandesque du corps écrivant, mais qui, glissée ici comme entre les pages, ne fait que renforcer la pertinence du projet de Boute, tout confit de dérision :
« Cavaler à dos de l’écriture fait se toucher la viande et le mollusque (l’écriture), l’un touche à l’autre, l’un est la dictée de l’autre et vice versa : l’écriture dicte à la viandre son ouverture, et la viande dicte à l’écriture son avancée virgule le tracé de son rythme. »
Tout public témoigne une fois de plus de la folle vivacité d’une certaine littérature belge, ainsi que de la confiance quasi aveugle qu’on peut faire à la collection « Les Grands soirs », que dirige Jérôme Mauche aux éditions du Petit Matin. Explosif.

dimanche 1 mai 2011

Bunker Anatomie sur un plateau

Samedi 14 mai à 20h, un de mes romans, Bunker Anatomie, passe à la scène. Ça se passera au Théâtre du Plateau, 5 rue du Plateau (AU FOND DE L'IMPASSE) 75019 PARIS, M° Jourdain ou Buttes Chaumont.


"L’Ensemble Cairn partage avec l’Atelier du Plateau un rapport sensible et innovant à la musique contemporaine. Dirigé par le compositeur Jérôme Combier, cet ensemble défend l’idée même du collectif auquel chacun apporte sa pierre à l’édifice. Voici le second chapitre de cette nouvelle aventure imaginée en regard avec un auteur contemporain."


L’Ensemble Cairn – Direction : Jérôme Combier - Musique : Hugues Dufourt, Fausto Romitelli, Brian Fernyhough, Bernd Alois Zimmermann – présente une adaptation de :

Bunker anatomie

(éd. Verticales)

— Avec : Cédric Jullion, flûte - Sylvain Lemêtre, percussions - Christelle Séry, guitares Oliver Dautrey, lecteur

Réservation : 01 42 41 28 22 ou atelierduplateau@free.fr

Spectacles : en semaine à 20h - dimanche à 17h - Tarifs : 12€ - 10€ - 8€ tarif platofil
Bar et restauration sur place