vendredi 26 février 2010

Les bizuths de la fortune



Paru en 1959 aux éditions Gallimard, La Tour d’Hélène Bessette est enfin réédité par Laure Limongi dans la collection LaureLi, après quatre autre titres qui ont permis au lecteur d’entendre une musique autre, un fracassement nouveau – une poétique tendue. La Tour est un voyage-spirale, à la fois ascendant et descendant, au bout du désir consumériste, une danse crispée autour du bûcher des choses muettes qui ont un prix. A cet égard, « la tour » du livre est à la fois la reine Eiffel, symbole de la capitale/du capital, babel effilée dont il convient de gravir les lumineux étages afin de dominer le monde, puisque le « verbe dominer est de toute évidence, le verbe numéro 1. Le verbe champion. Super-vedette. Le verbe à sensation. » Le monde n’est plus une forêt de symboles mais un lupanar d’objets, et les personnages du roman de Bessette sont des « cœurs crevés emplis de monnaie », obnubilés par les billets, ivres de sous, qui veulent parader dans « la rue millionnaire ». Attirés telles des phalènes par les ors rimbaldiens de cet opéra merveilleux qu’est le monde des « réclames tapageuses », les voilà aspirants bourgeois jusqu’à la moelle de leur être, ne rêvant qu’acquisition, accumulation, ascension. Mais la « tour » du livre – cette « tour Eiffel », qu’on peut entendre aussi comme le tour que font F et L, Fernande et Louise –, est aussi, bien sûr, « un » tour, instrument de torture, engin à refaçonner, orbite grisant, rotation. Comme si le capitalisme était un manège ne menant nulle part, mais dont les révolutions, vertigineuses, étaient seules garantes d’un dynamisme perdu.

Afin de restituer la musique de l’hydre consommer/consumer, Hélène Bessette va très loin dans la langue et ses rythmes démembrés. Congédiant le verbe dont se rient les actifs de sa prose, cassant la syntaxe comme un bâton dans l’eau du paragraphe pour en laisser paraître et la fibre et la pulpe, frottant entre eux les mots afin d’en irriter l’amadou sensible, Bessette orchestre une poétique de l’énonciation en perpétuel renouvellement, alternant sursauts et litanies, élans et chutes, dans un hoquètement du dire comme on en éprouve rarement. La phrase, coudée, osseuse, recommence à chaque fois à l’instant de sa césure, afin que tinte plus cruellement le prix des choses et que brille plus sinistrement leur aura viciée. Désireuse de nous balader dans le « Luna Park loufoque » de ce grand magasin qu’est le « paysage crevé » du consommable, l’auteur structure ses séquences comme des bolges constituées d’éructations très articulées, où le client est le damné, où le prix est la peine, le crédit fausse éternité.

Teintant ses prémisses d’accents tantôt verlainiens, tantôt rimbaldiens – « du soleil pâmé à la traîne sur les meubles vernis de notre maison », « on s’époumone sur des félicités », « des mouchoirs mignons de dentelles » « les sourires mousseux se rassasient de mille riens », etc. –, Bessette travaille sa prose par intensités, syncopes, éclats, boucles ; on entend son clavier cahoter, tout n’est plus que fusées (au sens baudelairien), ritournelles, bris de cantiques, et la cadence, en apparence épileptique, est plus charpentée et plus grisante que le vin des amants le plus noir. Car ce que ses personnages gagnent en biens matériels, ils le perdent évidemment en volonté d’aimer, et leurs sensations, s’étant trouvé un siège plus creux qu’une vitrine, ne sont plus façonnées que par la matière, la texture, la couleur, le poids et l’aune des « articles » qu’ils accumulent, soit en intention soit en acte. « Elle remplace les lettres du cœur par les opérations de la tête », est-il écrit à un moment.

Dans La Tour, Bessette ose tout, tente tout, réussit tout, sur le fil chantant d’un rasoir qu’elle applique autant à son écriture qu’à notre lecture. Qu’il s’agisse de dire, d’un pinceau définitif, la nature capitulée :

« Charmante dans la blancheur cruelle, asentimentale, indifférente de la saison immobile. Les arbres du parcs tiennent en l’air quelques dernières feuilles rebelles. Paysages aux mélancoliques parades »,

de rendre tangible le fractionnement d’un rire en un saute-mouton syntaxique et renversant :

« Le rire de Louise n’est pas le bon grand rire des gens simples dont le bonheur éclate sur les joyeuses figures sans malice. Néanmoins il ranime les invités. Les réchauffe. Les redonne à la réalité. Les tire de la mortelle stupéfaction. De la surprise aux lignes rigides. De la peur. De l’angoisse. Que suscite le drame ? Au bord du drame. Il camoufle la dramatique surprise de la convoitise allumée dans laquelle on s’est plus à plonger. Les délivre de l’effroi glacial. Quand le bonheur est pour les autres. »,

ou de faire vibrer l’effarante mosaïque d’un grand magasin tel un cyclotron :

« Ceux qui sont en bas. Ceux qui montent. Celui qui hésite. Grappes au comptoir. Doublées dans les glaces. Ceux qui s’en racontent. Celui qui résiste. Des rubans en couleur. Voltigent dans l’espace. Des arcs dans le ciel. S’entrechoquent. Celles qui choisissent. Ceux qui ramassent les paquets. S’éloignent. Commandent, appellent, questionnent, interrogent, répondent, écoutent, répètent, expliquent. Ceux qui se consultent. Déposent des fardeaux. Cherchent des yeux. Déchiffrent des panonceaux. A haute voix dans le tumulte. S’exclament, démentent, affirment, s’inquiètent, s’angoissent, se décident. Soudain. Note de leur crayon mine. Des prix que l’on détermine. Les hautes vitres des portes tournent sans discontinuer. Allées, venues. Vitesse du croisement. Temps du dépassement. Celle qui examine. La durée de la poursuite. Celle qui s’achemine. Les mouvements dispersés, croisés. Centrifuge. Ceux qui cherchent refuge. Celui qui surveille vêtu de noir. A la noce. Cérémonie. Braderie baroque. Foire fantastique […]. »

Hélène Bessette est animée d’une grâce d’une haute technicité, qui lui permet de dire et la vie et son désenchantement, dans le même mouvement d’une langue pluriel, magique, tactile, abordant toutes choses avec une précision d’explosante-fixe, opposant la richesse de sa prononciation supérieure au crépitement ignare des « babioles mirobolantes ».

mercredi 17 février 2010

Colin pour l'autre


Le vendredi 19 février 2010, à 19h30, la librairie Atout-Livre (203 bis avenue Daumesnil, Paris, XIIème) accueille l'écrivain Fabrice Colin à l'occasion de la sortie de son roman Big Fan aux éditions Inculte, dans la collection Afterpop dirigée par Alexandre Civico (dont il a été déjà question ici).

J'aurai le plaisir de présenter l'ami/auteur et d'animer youp la boum le débat avant le petit hips cubi de l'amitié. Il sera question de rock, de bombe atomique, de méditation, de vautour, de Shakespeare, des joues de Tolkien, des rapports entre Kubrick et le Vatican, de la sexualité de Winnie l'Ourson et, si vous êtes gentils attentifs, peut-être des chances qu'a Godzilla d'avoir une relation sexuelle satisfaisante avec qui tu sais.

Ça commence donc à 19h30 et vous n'avez aucune excuse valable, alors venez très beaucoup. En attendant, potassez un peu la bio de cet écrivain-orchestre:




Romans

* Neuvième cercle (1997)

* Les cantiques de Mercure (1997)

* Arcadia : Vestiges d'Arcadia (1998); La musique du sommeil (1998)

* Confessions d'un automate mangeur d'opium (1999)

* Winterheim : Le fils des ténèbres (1999); La saison des conquêtes (1999); La fonte des rêves (2003)

* A vos souhaits! (2000)

* Vengeance (2001)

* Atomic Bomb (2002)

* Or not to be (2002)

* Dreamamericana (2003)

* Sayonara Baby (2004)

* Sunk (2005)

* Kathleen (2006)

* La mémoire du vautour (2007)

Romans jeunesse

* Les enfants de la lune (2001)

* Projet oXatan (2001)

* CyberPan (2003)

* Le mensonge du siècle (2004)

* Invisible (2006)

* Le syndrome Godzilla (2006)

* Le réveil des dieux (2006)

* Memory Park (2007)

* Camelot (2007)

* La malédiction d'Old Haven (2007)

* Le grimoire de Merlin (2007)

* Le maître des dragons (2008)

* Le livre des monstres : Chroniques du monde noir (2008)

* La fin du monde (2009)

* La saga Mendelson : Les exilés (2009); Les insoumis (2009)

* Les étranges soeurs Wilcox : Les vampires de Londres (2009)

BD

* Tous les matelots n'aiment pas l'eau (2006)

* Tir Nan Og 1 (2006)

* Gordo (2008)

* Nowhere Island (2008)

* Tir Nan Og 2 (2008)

* La brigade chimérique (2009)



lundi 8 février 2010

Folies d'Encre sympathique


Rencontre/lectures/dégustation

Vendredi 12 février 2010

18h30 : La librairie Folies d’encre (Montreuil) reçoit Claro pour une petite séance électrique avec ses textes en compagnie des Fabulous lectors of Montreuil

9 Square de la Résistance • Montreuil • métro 9, station Croix de Chavaux

Frering ou le bois mitraillé


A propos du livre de Marie Frering, L'Ombre des montagnes, qui sort cette semaine aux éditions Quidam, on pourrait parler de petit bijou, si ce n’est que l’expression est galvaudée et que le bijou en question changerait tout écrin en cratère, tant il parle d’une « légère implosion contenue ».
Sarajevo, 1994-1997 : quatre années passées par l’auteur dans la ville assiégée, aux corps assiégés, aux esprits pris pour cible, par l’attente, la faim, le froid. Comment dire cette façon qu’à l’insupportable de chausser le quotidien pour en diffracter les foulées ? L’Ombre des montagnes procède par irruptions, écarts, décalages, sans jamais que les traînées de pastel sanglant cherche à faire fresque. Le récit de ces temps de guerre est le récit d’une guerre faite, aussi, à la langue, et Marie Frering déhanche sa phrase, l’aide à boiter pour mieux restituer l’expérience Sarajevo – elle cite d’ailleurs William Vollmann : « Elle boitait consciencieusement comme si elle avait pris des leçons de marche auprès de chats qui auraient leurs griffes récemment arrachées. »

Ce sont donc des instants, des bris, des paragraphes souvent courts, comme si, à l’image de la ville, il fallait vite traverser la page pour arriver, transi mais vivant, à la page d’après. Il y a des rêves, des « déblocades », des ritournelles, il y a des phrases dont la justesse vient de la blessure, ainsi parlant d’une jeune fille que revoit la narratrice et dont il est dit « Son sourire est toujours à côté de sa bouche. » Le couvre-feu semble vouloir lui aussi s’appliquer aux mots, mais Frering sort quand même, sort de la langue, dessine dans la nuit. Elle évoque « un affreux râle détimbré » et dans la même spirale fait se dresser des danseurs, grincer une grue et chanter des oiseaux. Elle parle aussi, en fin de livre, de l’étau qu’est tout départ, quand, après tant de disparitions, on continue d’avoir peur que l’aimé ne rentre pas. « Je dors et je pleure, répond une jeune femme à qui l’on demande ce qu’elle fait la journée lorsque son mari travaille. Pas encore habituée aux séparations qui n’ont rien de dramatique. »

Des figures passent, des instantanés troublés, inquiets, des verres pris en terrasse interrompus, des rues qu’on ne traverse plus, l’eau qui manque, la bière qu’on boit chez le boucher, les habits de jour qu’on porte la nuit, les cheveux longs qui au lieu de dire la frivolité disent la résistance de la grâce.

En à peine un peu plus de cent pages, Marie Frering réussit à faire rendre gorge à cette phrase aperçue sur un mur, déclaration-graffiti : « Nous sommes tous anormaux. » Sarajevo à la fin du vingtième siècle : « c’est à nous d’écrire les livres qui nous manquent » (p.35). Ce livre manquait, et sa lecture, à la fois lente et fulgurante, fait reculer l’accablement.

Un segment porte le nom de « Précis de foresterie » – et il dit tout, la douleur, la résistance, le travail des mots :

"On nomme chablis les arbres cassés par vent, neige, gel, pollution, catastrophes naturelles ou artificielles. Les bois sont laissés sur place s’ils ne présentent plus aucun intérêt économique ou ne possèdent pas suffisamment de richesse organique. Si le bois est exploité, on en distingue deux parties : le volis, la partie cassée, inutilisable, que l’on broie ou que l’on abandonne sur place pour le nichage des oiseaux, et qui se transforme à terme en humus ; et la chandelle qui reste sur pied, récupérable et récupérée. Une des exploitations possible en est le merrain, bois qu’on fend pour faire des douves de tonneau, à condition d’être en présence de chablis de bon chêne.

Le traitement d’un bois de mitraille est plus délicat. Chaque blessure entraîne du pourrissement. On constate que le chêne bleuit à l’endroit de la mitraille ou de l’éclat d’obus, par oxydation du métal. Un bois mitraillé perd 80 % de sa valeur marchande.

Je me demande s’il n’y a pas, entre certaines mains, un traité similaire pour les chablis humains. »

_____

Marie Frering, L’Ombre des montagnes, éditions Quidam, 13 euros

dimanche 7 février 2010

COSMOZ (1)

Commencé en janvier 2005, l'écriture de Cosmoz s'achève pour moi dans quelques heures. L'écriture d'un livre: non pas un long et patient déroulement, constitué d'étapes et de coulées, mais l'expérience pierre-ciseaux-feuille-caillou d'un jeu de dissolution, le récit repris d'une diffraction. Il y a les recherches, les lectures, une forme de nutrition à plusieurs niveaux, avec effet de saturation, dispersion, cette impossible tentative d'épuisement d'un sujet qui n'en est pas un (en l'occurence, ici: le monde d'Oz, créé par Baum, animé par Fleming, mis dans ce roman à l'épreuve corrosive des années 1900 à 1945); il y a l'élaboration de la structure, lutte sans cesse recommencée entre l'architectural et le dynamique (un parcours chronologique tout en contractions et dilatations); il y a la réflexion, c'est-à-dire, une forme de culture de cellules, où les choses sont appelées à se complexifier et s'animer d'elles-mêmes, dans le mystérieux confort de leur logique souvent impénétrable: laisser les éléments échanger leurs propriétés, tester leurs impossibilités (faire vivre l'imaginaire d'Oz tout en le détruisant patiemment); il y a les réticences, les expériences, les déviances, les errances, tout le ratage nécessaire à certaines aventures fugitives (le travail de scories, la tentation des réverbérations); il y a l'écriture, dans toute sa redoutable apnée, sa violence physique, son silence cadencé (l'oral devenu matière); et puis se relire, comme à rebours d'écrire, pour s'empêcher, se défaire, couper et retrancher, ce travail complexe afin d'aller à l'encontre du style, c'est-à-dire d'une musique qui risque de se ritournelliser dès qu'un peu trop rodée, éprouvée – écrire est rarement un geste, très souvent un millier de micro-actions se produisant à des dizaines de plans, au service du mouvement fantasmé qu'est, que sera, une fois "autre", le livre, quand livré en pâture à l'œil, délivré donc de la main. Cosmoz, vous dit-on.
Ecrire un livre: disparaître, aussi. Ne pas en être l'auteur, mais faire que le livre devienne, à sa façon anti-personnelle (du fond de sa mine), l'auteur de vous: à lui, donc, surtout, de vous produire, et non l'inverse, sinon ce serait trop facile, bien sûr. Puis le finir, c'est-à-dire, accepter qu'il continue de croître ou rétrécir tout seul, sans vous. Ecrire un livre, aussi: disparaître dans le prochain, à son insu.
Ce que pourrait être, mystérieusement, la construction d'une amitié?

jeudi 4 février 2010

Saint-Ouen, lisez pour nous


Les événements Hors limites Inauguration Hors limites 2010

Le 5 février, médiathèque Persépolis, Saint-Ouen

À partir de 19h, retrouvez les événements avec lesquels nous vous proposons de débuter les deux semaines de festival Hors limites :
19h - Vernissage : Michel Denancé, — La ville n’est pas loin
> La présentation
20h - Lecture : Claro, Mille milliards de milieux
> La présentation
21h - Lecture spectacle : Arnaud Cathrine & invités, En l’absence de Benjamin Lorca. En avant-première
> La présentation
22h - Cocktail

» L’invitation à télécharger au format pdf .


Médiathèque Persépolis :
4 avenue Gabriel Péri / métro ligne 13, arrêt mairie de Saint-Ouen
> Le plan d’accès

Merci de nous confirmer votre participation à cette soirée à l’adresse suivante : contact@bibliotheques93.fr ou par téléphone : 01 48 45 95 52

Mille Milliards de Milieux



Pour chaque édition d’Hors limites, l’association Bibliothèques en Seine-Saint-Denis célèbre la littérature en proposant un ouvrage conçu en partenariat avec un éditeur.

Hors limites s’associe cette année aux éditions Le Bec en l’air pour publier Mille Milliards de milieux de Claro (texte) et Michel Denancé (photographies).

De l’étrange relation entre la Seine-Saint-Denis et une hôtesse l’air yougoslave…
Les photographies de ce livre dessinent un paysage urbain né de la contrainte que Michel Denancé s’est imposée : rester dans un rayon de 10 mètres de la porte d’accès d’une vingtaine de bibliothèques ou de médiathèques du département afin de photographier ce qui leur fait face ; réaliser des prises de vue frontales avec un objectif grand-angulaire (angle de champ horizontal de 74°, angle de champ vertical de 53°).
A priori, donc, peu ou pas de lien avec l’histoire d’une hôtesse de l’air yougoslave chutant de 10000 mètres dans les airs. Et pourtant… La forme choisie par Michel Denancé a stimulé l’imagination de Claro, qu’on savait déjà attentif à la composition du texte dans la page et à sa mise en scène typographique.
Aux images horizontales, il oppose un récit vertical ; à la part de hasard induite par la circonscription géographique de la prise de vue (à proximité de la bibliothèque/médiathèque), il répond par l’aléatoire en maintenant l’incertitude quant au point de chute de Vesna Vulovic, voire quant à la véracité même de cet accident.
Une fois ces ingrédients en présence, la tentation de les assembler en une forme éditoriale décalée devenait irrésistible, pour aboutir par exemple à un sens de lecture du texte inversé qui renforce l’idée de la descente. Laissons à la perspicacité du lecteur les associations ludiques entre certains mots du texte et des détails présents dans les photos…
Ce livre sera offert lors des rencontres Hors limites 2010 puis disponible en librairie à partir du 11 mars (14,50 €).

mercredi 3 février 2010

Last Vollmann in Paris

Aujourd'hui sort chez Actes Sud un court texte de William T. Vollmann intitulé Etoile de Paris, texte encore inédit aux Etats-Unis (il devrait sortir chez l'éditeur Void sous le titre Star of Paris). Commencé en 2004 à Paris, alors que Vollmann résidait à Paris le temps d'assurer la promotion de La Famille royale, le texte a été achevé deux ans plus tard chez lui, à Sacramento. Il est accompagné de peintures et de photos, by Bill himself. Elégie de l'amour mort, anti-manuel de déraison courtoise, Etoile de Paris revisite en soixante-dix pages et vingt-six chapitres l'attente et la désillusion d'un cœur épris de lumière sensuelle. Extrait:

"Comme c'était rafraîchissant! Boulevard Saint-Germain, les grilles ondulées sur le trottoir, avec dessous les lumières du Métro et du gravier, me révélaient les dangers de l'enfer. La braise rouge d'une cigarette s'engouffra sauvagement par les mailles du grillage. Encore une étoile qui tombait! Mais la tour de l'église s'élevait tel de l'ivoire ancien, rendue crayeuse par la palette du temps. Une jambe noire se profila sur un seuil blanc, une vieille femme furieuse avec une jeune chevelure blonde, des continents d'écorce brune s'accrochant au monde blanc et cylindrique d'un érable pelé, l'un d'eux incisé comme par un réseau de voies ferroviaires, tel était Paris: vent et pierre, urine et anneaux rouillés aux murs."


_______
William T. Vollmann, Etoile de Paris (traduit de l'américain par Claro), éd. Actes Sud, 75 pages, 15 €