mardi 15 décembre 2009

Lisez Chauvin

Hier soir avait lieu la remise du prix Maurice-Edgar Coindreau, prix qui récompense le meilleur roman traduit de l'américain en français. La lauréat était cette année Serge Chauvin, pour deux ouvrages de Colson Whitehead, Le Colosse de New York et Apex, tous deux parus chez Gallimard, et c'est Marc Chénetier, le saint Jérôme des anglicistes, mon païen patron et malicieux mentor (et qui a récemment traduit pour Lot49 Sonate cartésienne de Gass) qui lui a remis le prix après avoir rappelé qui fut Coindreau, ce qu'est une bonne traduction (du plaisir) et évoqué la perspective d'un buffet dans la salle mitoyenne. Quelques traducteurs s'étaient déplacés pour entendre Serge Chauvin: Bernard Hoepffner, Michel Lederer, Jean-Pierre Richard, Mona de Pracontal…
Serge Chauvin, qui travaille pour Gallimard depuis maintenant un bail, et qui compte à son actif une belle pléiade d'auteurs (Paul West, Jonathan Coe, Zadie Smith, Stephen Wright, etc), est un traducteur particulièrement attaché au grain des phrases, à la rythmique, discret et lunaire, "remuant les lèvres comme s'il voulait se rendre compte du goût des mots" (j'emprunte l'image à Faukner…), doté d'un solide sens de l'humour (Chauvin a évoqué les "nouilleries" dont ne peut se passer tout traducteur), sans lequel traduire n'a guère d'intérêt, tant la symbiose passe, ainsi qu'il l'a rappelé, par la "volupté" – et qui dit volupté, dit rire, enfin je crois, j'espère.
Le prix Coindreau, qui plus est remis par "le capitaine" Chénetier, c'est un cadeau dont tout traducteur de l'américain ne peut que rêver, car loin d'être un ruban mou décerné par de mièvres manitous, c'est un passage de relais, le rappel d'une lutte menée de longue date pour faire entendre une autre voix américaine dans le panorama littéraire. Vous ne trinquez pas avec Faulkner, mais bon, ça fait entrer pas mal de noms en force et en résonance, entre bruit et fureur.

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