lundi 28 avril 2008

Face à Pynchon



"Un hurlement traverse le ciel; Face à Pynchon": tel est le titre du prochain volume de la collection Lot49. En effet, à l'occasion de la parution, en septembre, du nouveau roman de Thomas Pynchon, Face au Jour (Against the Day, pour les pynchonoïdes), le labo Lot49, en co-édition avec la revue Inculte, a décidé de "marquer le jour" et de visiter le continent pynchonien. Jusqu'à ce jour, si je puis dire, il n'existait, en langue française, rien sur l'œuvre de l'auteur de V., hormis le livre d'Anne Battesti, publié dans la défunte collection "Voix Américaines" dirigée un temps chez Belin par le maître d'armes de la littérature américaine contemporaine, j'ai nommé Marc Chénetier (qui est par ailleurs en train de traduire, pour le même Lot49, Cartesian Sonatas de William Gass avant de s'attaquer à Darconville's Cat, d'Alexander Theroux). Avec Jérôme "Poker" Schmidt, Arno "Scarface" Bertina et Mathieu "Boston" Larnaudie, nous avons donc décidé de sonder la galaxie Pynchon, ici et ailleurs. Pour cela, les Incultes que nous sommes avons contacté quelques écrivains, critiques, artistes, américains, français ou autre, afin de faire le point (du jour?) sur le phénomène Pynchon. Le credo de ce volume? C'est simple:
L’homme qui s’effaça rapidement
Il y a, bien sûr, un mystère Pynchon. Quasiment aucune photo, aucun entretien, pas la moindre apparition publique. Bref, le lot des trois quarts de l’humanité. Le quotidien d’une vie que le talent transforme, par sa seule magie, en destin plus qu’underground. Qu’a-t-il donc cherché à effacer, celui qui, en sept livres (mais un seul aurait suffi), s’est imposé comme l’écrivain américain le plus fabuleux depuis Melville ? Un visage ? Un regard ? La promesse redoutée d’un vieillissement ? Ou, plus simplement, la crispation en une identité dépourvue de fondements, et dont l’écriture cherche avant tout à se débarrasser ? La disparition du corps de l’auteur est un pied-de-nez à notre époque avide de photogénies, elle semble donner raison à cette mort de l’auteur qu’annonça le philosophe Michel Foucault.
Pynchon n’a pas fui le succès, que lui apporta très tôt la parution de V. Il a fui le sournois petit agent du F.B.I. qui piaille au fond de chacun d’entre nous. « Fichez-moi la paix, ne me fichez pas » : telle pourrait être sa devise. Quand vous irez à New York, dans la rue, sur un banc de Central Park, ou bien accoudé au comptoir d’un bar appelé à disparaître, dites-vous : Il est peut-être là. En train de lire le journal ou d’observer un écureuil. D’écrire. L’omniprésence possible comme verso, et gage, de l’absolue invisibilité ?
Il était une fois un écrivain qui trouva suffisamment de lumière dans l’ombre pour s’installer dans le plus pur des contre-jour.


« Un hurlement traverse le ciel » : ainsi commence L’Arc en ciel de la Gravité, paru en 1973. La phrase renvoyait au bruit produit – légué ? – par les V2 quand ils approchaient de Londres. Un bruit, mais aussi une trajectoire, un arc, dont l’ascension semble défier la gravité en même temps qu’elle épouse la courbure de la terre – double mouvement, libération et mimesis, délire et naturalisme, création et destruction, sensible de L’homme qui apprenait lentement à Mason & Dixon. « Face à Pynchon » : parce que, quarante-cinq ans après la parution de V., alors que paraît en traduction française son dernier roman Face au Jour, il était temps d’interroger ses contemporains, d’ausculter un peu « l’effet Pynchon ». Il n’existait à présent aucun ouvrage collectif en langue française sur ce continent déraisonnable et jubilatoire qu’est l’œuvre de Thomas Pynchon. A plusieurs, nous avons voulu revenir sur les romans et les motifs qui les irriguent, ainsi que sur cet auteur jusqu’ici sans biographe – pour cela, nous avons convoqué divers écrivains, artistes, critiques, français ou étrangers, tous hantés et passionnés par celui qui écrivait, toujours dans L’arc en ciel, : « You may never get to touch the Master, but you can tickle his creatures. ». Vous ne toucherez peut-être jamais le Maître, mais vous pouvez chatouiller ses créatures…

Ont répondu à l'appel de ce feu nourri, des plumes qu'on espère trempées dans un bel acide critique et (of course) jubilatoire:

• Percival Everett
• Joanna Scott
• Brice Matthieussent
• Tom Robbins
• Steve Erickson
• Richard Powers
• Laird Hunt
• Tomaso Pincio
• The Residents
• Oliver Rohe
• Arno Bertina
• Brian Evenson
• Rick Moody
• Mathias Enard
• Jacques Barbéri
• Stéphane Legrand
• Pierre-Yves Pétillon
• Bastien Gallet & Olivier Lamm
• Mathieu Larnaudie
• Michael Moorcock
• Tom Leclair
• Pierre Senges
• Luc Sante
• Avec des illustrations de Carles Burns, Paul Horschenmeier, Zack Smith

et quelques autres intervenants encore sous réserve, qui, on l'espère, tiendront leurs promesses et les délais. Enfin, en bonus: Aucun inédit de Pynchon, aucune photo de Pynchon, et ce conformément à la volonté de l'auteur dont nous avons à cœur d'explorer l'œuvre. Parce que nous avons voulu ébaucher un contrejour à l'aventure pynchonienne, et non paparazzier ce qui gagne en ombre.

Evidemment, votre esclave soumis "Madman Claro" s'est fendu d'un article sur les rapports entre Pynchon et la musique ("Pynchon Pop"); d'un texte-chantier sur Face au Jour ("Le Spath, l'Espace"). Sera également repris l'intégralité des mes balbutiantes notes sur la traduction de Face au Jour, précédemment publiées par Antonio Werli sous le titre de Vers la Grâce. Il y aura aussi une biographie, soigneusement étayée par P.-Y. Pétillon, ainsi qu'une bibliographie fureteuse.





vendredi 18 avril 2008

Emergeant alors des brumes inédites…

Alas, Poor Richard!

Richard Millet nous ferait presque oublier Houellebecq. Qui nous fera oublier Millet? Une fenêtre ouverte devrait suffire, on l'espère, pour dissiper ce concepteur de relents. Millet: « La guerre étant inhérente à l’humanité, la plupart des pensées modernes sont donc des pensées féminines, ou féminisées : elles tendent à en nier le rôle, à l’empêcher, à émasculer le principe mâle, à refuser la condition de l’autre comme ennemi.» Bon, on n'avait pas trop remarqué que les guerres étaient passées de mode. Les carabosses castratrices contre les chevaliers de l'ombre, fallait oser. Ne revenons pas sur les envolées du Père Richard concernant l'Afrique, le métro, les odeurs – Chirac est indépassable, de ce côté-là, on s'en souvient. Bah. Visiblement, RMystique, n'ayant pas réussi à s'attirer les louanges de ceux qu'il méprise, brigue les sarcasmes de ceux qui le méprisent. Et de revêtir des postures comme d'autres des moumouttes. Et vas-y que je me drape dans l'opprobre, que je fasse trois tours d'ivoire et puis m'en vais. Pfiou! Hyper impressionnant. Le monopole du martyr n'est plus à prendre, dites donc. Soit. Rappelons que le mépris est une chose trop précieuse pour qu'on le dilapide sans discernement. Un entartreur serait plus à même de remettre Guignoll dans sa malle. Laissons les porcs enterrer les porcs, et qu'on n'en parle plus.

mercredi 16 avril 2008

La pile qui dure longtemps, longtemps…

En instance de lecture, mais déjà feuilletés, palpés, humés, ouverts au hasard des doigts, quelques lives en plus sur le magma de chevet: L'or des fous, de Rob Schultheis, sous-titré "Vies, amours et mésaventures au pays des Fours Corners", un bouquin éminemment sympathique par un type dont le FBI puis les Talibans ont voulu la tête, et qui brosse un tableau de Telluride, cette ville minière du Colorado dont Pynchon brosse un tableau pour le moins contrasté dans Face au Jour et qui aujourd'hui est un "resort" pour skieurs fortunés. C'est traduit par l'impeccable Marc Amfreville et publié par Gallmeister (l'éditeur de – bientôt – Viken Berberian). Il y aussi le nouveau Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, qui, où qu'on l'ouvre, donne le tournis et des envies d'écrire ou de lire, un bon signe en général (et c'est chez Verticales). Citation: "Lichtenberg hibernant:" – moi, ça me suffit, j'ai déjà la fringale. Un auteur prometteur à lire: Lutz Bassmann, qui sort chez Verdier, dans la collection deleuzoïde des Ruffle Brothers (Chaoïd), un épatant Avec les moines soldats accompagné d'un superbe Haikus de prison. La liste des livres du même auteur nous apprend que Antoine Volodine, pour notre plus grand plaisir, souffre de bilocation exotique. On ne va pas se plaindre. Enfin, déjà entamé et sentant le soufre cruel des guerres iniques, l'assez stupéfiant nouveau livre de Nicholson Baker, Human Smoke, somme compilatoire de la bassesse des grands gouvernants, litanie de bombardements, mise en fragments impeccables et accusatoires, "j'accuse" citationnel qui rappelle que l'histoire c'est la mémoire, les archives, et que la propagande aura toujours en face d'elle la littérature. Enfin, ultime dessert, on a découvert (à la très chouette librairie le Comptoir des Mots, 75020) quatre livres assez brefs et sacrément carrés d'un auteur qu'onsuit, Frédéric Léal; c'est publié par les excellentes éditions de l'Attente: Le Peigne-Rose, Le Peigne-Noir, In Terroir Gâteau et Mismatch, dont on se pourlèche les yeux à l'avance. On a auyssi beaucoup apprécié cette bande apposé sur l'un des 4, et qui dit, en roses capitakles: LISEZ LÉAL. Ça a le mérite d'être clair, et ce n'est pas un ordre, c'est une invitation. Sur ce, je me permets de disparaître jusqu'au… allez,, soyons optimiste, 14 mai (46 balais ce jour-là – je penserai à tous les tennismen retraités depuis belle lurette), histoire de cravacher l'étalon Pynchon et quelques autres mammifères traductifères exigeants (Berberian, Vikram Seth…). Mais le WiFi m'aidera peut-être à revenir à la charge, qui sait… (Et, oui, je sais, y a le Bolaño, mais j'attends d'avoir le temps pour trouver le temps de lui donner du temps, if you see what I mean…) Sinon, pour ceux qui ont le temps d'exploser en mineur, il y a… Ω.

Richard Grossman


En attendant de découvrir bientôt en Lot49 le livre de Richard Grossman intitulé The Alphabet Man, un petit aperçu du troisième volet de sa monstrueuse trilogie – descriptif, donc, de Breeze Avenue

"Breeze Avenue can best be described as a massive, highly integrated cyberspatial literary form that disgorges music, architecture, art, dance, theater, video and a large variety of books in prose and verse. Sections of the work draw upon information from geology, screenwriting, software development, Vedic, Greek, Egyptian, Chinese and Hebrew studies, astronomy, politics, urban development, graphic and product design, meteorology, metaphysics, linguistics, literary and social theory, material science, musical instrumentation and composition, computer animation, cryptology, deaf theater, sleep theory, mathematics, choreography, photography, engineering, archaeology, business practice, zoology and lexicography. Documents are produced in Latin, Yiddish, Orkhon, Hebrew, Fraser, Sanskrit, Chinese, Hieroglyphs, American Sign Language, various original forms of symbolic notation, and English.

The complete work contains 48 “elements,” or distinct groups of texts. Its first manifestation will be as a one-volume 3,000,000-page book, available for reading at www.breezeavenue.com in early 2009. Once thoroughly vetted, Breeze Avenue will ultimately appear in printed form. Installed in a reading room in a location yet to be determined, the set will consist of 4,000 case-bound volumes, each consisting of 750 pages, that will be displayed on shelves surrounding a central reading area. The work will also be published in an abridged version that is one of the elements, a trilogy entitled American Letters, consisting of eight volumes totaling 6,000 pages.

All of the elements consist of integral sub-elements of various lengths. Some of these carry titles. For example, there are a number of individual essays that form an element called Tractates. One of Tractates’s sub-elements is entitled, “Branded for Life.” There are, as a rough estimate, 1,800,000 unique sub-elements.

The 48 elements adopt different approaches to expression and in some cases are constructed on technical principles from the past (as examples, ancient literatures, Japanese travelogues, Renaissance sonnetry and neo-classical verse essays). Others are based on sophisticated methods of computation, process and organization that are unique in their formulations and far removed from anything that has ever been written.

www.breezeavenue.com will permit readers to interact with, purchase, and be included in the work. As currently planned, the only printed sets of Breeze Avenue will be the reading room copy, a proof copy, and five editions offered for sale as individual volumes. Additionally, seventeen books, and twelve forms of art and music, all derived from elements, will be available. Breeze Avenue is open-ended, and the work will alter over time.

Following are some of the elements of the work:


A 100-poem Shakespearean sonnet cycle transformed into eye charts;

A musical composition based on brain imagery;

A 500-poem pastoral;

A glossary of every humorous word in the English language, illustrated by Pierre Le-Tan. The product of fourteen years of reading dictionaries;

A prose-poem epic whose protagonist is a male prostitute who ascends to heaven and guides the sun through the sky;

A correspondence conducted in Mongolian;

A suburb of homes that squeeze their inhabitants through the movements of interior walls;

A musical performance on an instrument composed of automobiles moving in phalanx;

A video piece scrolling through the longest poem ever written, taking 85 years to complete;

A poem created by birds in an aviary;

A “torah ball,” inscribed with the Ten Commandments that will roll down a Colorado mountain in twenty million years, re-creating the Mount Sinai experience;

Artificial universes that embed religious canticles through the actual movement of stars;

A group of poems that are acted out in American Sign Language and then converted through this process into 8th century Chinese;

Poetry created on a Scrabble board;

The longest short story in the world;

365,000 photos of clouds, documenting the daylight history of a portion
of Minnesota sky over the period of a year;

An “Essay on Man,” in heroic couplets, a contemporary updating of Pope’s masterpiece;

A fable encoded in computer spam;

A trilogy modeled on The Divine Comedy;

A screen treatment for a full-length film, with critical glosses and diversions in Latin and Yiddish;

A book of poems about the humiliation, desperation and satisfactions of working at the highest levels of a corporation."

mercredi 9 avril 2008

Swann on line

Tomber dans le domaine public, c'est aussi accéder à la morcellisation et à la consultation intempestive. Parce qu'on ne lit pas un texte en ligne mais s'y balade pour des raisons souvent précises – retrouver une citation, établir des occurrences… –, et que le site Gallica est souple comme un rhinocéros arthritique, on se réjouira de la mise en ligne de Du côté de chez Swann. Pour Alexandre Jardin, malheureusement il faudra un peu plus de patience…

mardi 8 avril 2008

L'an 1905, vu par Pynchon

"Cet hiver-là, à Saint-Pétersbourg, les soldats du Palais d’Hiver tirèrent sur des milliers de grévistes désarmés, venus défiler ici naïvement et calmement. Il y eut des centaines de morts et de blessés. Le Grand Duc Sergei fut assassiné à Moscou. D’autres grèves et combats suivirent, accompagnés d’insurrections paysannes et militaires, jusqu’à l’été. Les marins se mutinèrent à Cronstadt et à Sébastopol. Des combats de rue éclatèrent à Moscou. Les Centuries noires se livrèrent à des pogromes contre les Juifs. Le Japon remporta la guerre en Extrême-Orient, anéantissant toute la Flotte de la Baltique, qui venait juste de parcourir la moitié du globe pour tenter de lever le siège de Port Arthur. A l’automne, une grève générale isola pendant des semaines le pays du reste du monde et, comme s’en aperçurent peu à peu les gens, interrompit le cours de l’histoire. En décembre, l’armée mata un autre soulèvement majeur. A l’Est, on se battait un peu partout le long des voies ferrées, le banditisme régnait et une révolte musulmane finit par éclater en Asie Intérieure. Si Dieu n’avait pas oublié la Russie, Il avait reporté ailleurs son attention." (Thomas Pynchon, Face a Jour).

lundi 7 avril 2008

Flaubert x 2



Petite piqûre de rappel…

Le jeudi 17 avril 2008 au soir (19h30), la librairie Le Comptoir des Mots (239 rue des Pyrénées 75020), recevra Claro et Marion Laine pour une soirée / lecture / projo à l'occasion de la sortie du Madman Bovary de l'un et du Cœur simple de l'autre.


jeudi 3 avril 2008

Mur du son



Allègrement franchi par Léo Scheer sur son blog… Citation:

"Je ne sais pas si vous regardez les classements des meilleures ventes, mais, en général c'est au moins 50% de littérature étrangère. C'est un domaine qui ne m'a jamais intéressé. on a affaire à des "détecteurs" qui vous traitent comme des "handicapés", à des "agents" qui vous considèrent comme des "Zoulous", à des traducteurs qui vous prennent pour leur "fiancée", par contre les journalistes, les critiques ne jurent que par la littérature étrangère , supposée être très supérieure à la littérature française."


Ouf. Enfin un éditeur avec une vraie perception du paysage éditorial, un sens de la mesure, une justesse d'analyse… Poitiers reste décidément une limite indépassable.