mardi 5 février 2008

C'est Byzance…


"Dans l’avion qui l’emporte, que dis-je, qui la transporte jusqu’aux portes d’Istanbul, la jeune europaïenne Pomponette Iconodoule – et je te jure que c’est là son véritable nom ! – se demande pourquoi elle a choisi, en guise de destination à ses pérégrinations, la ruche stambouliote plutôt que Rouvres-les-Vignes ou Chicago, quand : cliqueti cliqueta ! l’hôtesse à la solde des suaves Turkish Airlines plante son regard duty free dans les yeux de Pomponette et lui demande dans un roulement de cédilles si elle préfère la meat ou les pasta, interrompant du coup un processus d’interrogation dont on peut situer l’alpha quelques deux jours plus tôt, quand P.I. (ou « Péi », pour ses amants), lasse de cette antique Europe aux pesants parapets, s’est opodotcomisé vers une destination au, oui, elle l’espère, soleil, avec pour improbable horizon les bras de son amant Soliman Rastaquouère.
Du vin, oui, wine but white, une petite bouteille de 27cl, lütfen very much, merci (qui plus est en turc), et tant pis si l’hôtesse feint de ne rien comprendre au berlitzeries de la môme Iconodoule. Un trou d’air vient rappeler à chacun que l’atmosphère terrestre est un vide mal entretenu, truffé de nid-de-poules. L’avion doit survoler l’Italie, ou la Bulgarie, peu importe, Paris n’est plus qu’un pois chiche à l’ouest de l’Occident, une ville livrée aux touristes, avare en éclaircies et minarets. Et sweet Pomponette de soupirer un peu : elle ne connaît de la Turquie que l’ombre virtuelle de la Corne d’Or, entrevue sous les draps et à même l’étreinte d’un amant de passage, le peu loquace Soliman Rastaquouère. Elle réclame bientôt une nouvelle mini-bottle, heurtant les convictions musulwomanes de l’hôtesse et réveillant son voisin d’accoudoir, un trop jeune trader en tapis, qui croise et décroise douloureusement les jambes à chaque goulée qu’avale notre Pomponette. Dix minutes plus tard, Péi dort, de ce sommeil d’assis dont seule une altitude de 8 500 mètres a le secret. L’heure se décale d’elle-même dans l’horloge biologique de Pomponette Iconodoule, tik-tok, chaque petit rouage saute un cran, le fin sablier de ses espoirs forme un cône aux flancs fragiles. Un grésillement d’ud, involontairement produit par les réacteurs, s’insinue dans les oreilles de miss P.I. : c’est déjà Byzance… "

(Extrait d'une nouvelle parue récemment dans le numéro spécial littérature de Vice Magazine)

3 commentaires:

  1. A l'assaut, les braves !
    C'est ici :
    http://www.viceland.com/fr/v2n1/htdocs/index.php

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  2. Si j'ai bien tout saisi, Soliman Rastaquouère doit porter la casquette...^^

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